Européennes : les sénateurs PS étalent leurs désaccords sur la Place publique

Européennes : les sénateurs PS étalent leurs désaccords sur la Place publique

La ligne Faure pour les européennes divise clairement les sénateurs PS. Certains saluent le choix de laisser la tête de liste à Raphaël Glucksmann. D’autres estiment qu’« on foule le drapeau du PS au pied ». Le président du groupe PS, Patrick Kanner, n’a pas souhaité qu’Olivier Faure vienne devant le groupe ce mardi.
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On refait le match. Les socialistes ont entériné samedi, lors d’un conseil national, la stratégie du premier secrétaire Olivier Faure pour les élections européennes. A savoir laisser Raphaël Glucksmann mener une liste commune PS-Place publique. Trois jours après cette décision qui a laissé des traces, les sénateurs PS en ont débattu, dans le huis clos de leur réunion hebdomadaire. Le groupe, qui compte encore 74 sénateurs, est clairement divisé sur le sujet. Et certains n’hésitent pas à exprimer publiquement leur désaccord avec le numéro 1 du parti.

A la tête des sénateurs PS, Patrick Kanner, s’oppose au choix d’Olivier Faure. Pour cet ancien hollandais, c’était la dernière idée à avoir. Signe de l’importance du malaise, « Patrick Kanner s’est opposé » à la venue, ce mardi, du premier secrétaire, a-t-on appris de sources sénatoriales. Olivier Faure souhaitait venir expliquer sa stratégie devant le groupe.

« Ça va chauffer »

A l’entrée de la réunion, un sénateur, connaisseur de longue date des tumultes socialistes, prévient : « Ça va chauffer ». A la sortie, un autre socialiste préfère s’en amuser :

« Les escargots ont dégorgé… »

A 13h30, le président de groupe est le dernier à sortir. Le débat sur les européennes, qui s’est ajouté à l’ordre du jour habituel, a pris du temps. « Un quart du groupe s’est exprimé. Certains sont favorables à l’accord, avec beaucoup de réserves sur la méthode, car l’information a été apprise dans la presse. D’autres estiment que ce n’est pas un bon choix politique de confier la tête de liste à quelqu’un qui n’est pas socialiste » rapporte Patrick Kanner à publicsenat.fr.

L’ancien ministre de la Ville et des Sports ne souhaite pas rajouter d’huile sur le feu. « Il y a eu un vote du conseil national. Je le respecte. Je n’ai plus à me dissocier de ce vote », ajoute-t-il, d’autant que les militants doivent à leur tour s’exprimer le 2 avril. Un vote qui devrait entériner le choix. Patrick Kanner ajoute tout de même : « Mais je reste convaincu que la bonne solution était d’avoir une tête de liste PS ».

« Le PS devient inaudible »

Dans le camp des opposants, on trouve nombre d’anciens fidèles de François Hollande. Jean-Marc Todeschini, ancien secrétaire d’Etat et sénateur PS de Moselle, fait partie de ceux-là : « On foule le drapeau du PS au pied. On soutient quelqu’un qui avait soutenu Nicolas Sarkozy (Raphaël Glucksmann affirme dans Libération n’avoir « aucun souvenir d’une déclaration en ce sens », ndlr). On est un peu plus dans l’enlisement, alors qu’il faut relever le drapeau ». Jean-Marc Todeschini apprécie peu aussi la méthode. « Il aurait fallu être consulté. J’ai appris ça par la presse… C’est inadmissible. On fait voter les militants pour changer une virgule et pas là ? » s’interroge le sénateur PS de Moselle. Pour Henri Cabanel, sénateur PS de l’Hérault, « le PS devient inaudible. A ce moment-là, on adhère à Place publique ! ». Il est « choqué » du sort réservé « aux députés européens sortants. Ils se sont investis dans leur mandat et on ne reconnaît pas leur travail ».

Rachid Temal, soutien d’Olivier Faure au congrès, ne partage pas non plus son choix. « J’ai plaidé pour une tête de liste PS » explique celui qui avait occupé la fonction de premier secrétaire par intérim, avant l’élection d’Olivier Faure. Ce qui l’inquiète, c’est aussi la place du PS à Bruxelles. « Raphaël Glucksmann a dit que les parlementaires auront une liberté de siéger dans le groupe de leur choix, et non celui du PSE (le groupe où siègent les eurodéputés PS, ndlr). L’enjeu, c’est comment les socialistes français sont au rendez-vous européen pour peser ». Il fera campagne malgré tout.

« La meilleure nouvelle qui soit arrivée à la gauche depuis deux ans »

De l’autre côté, on accueille la nouvelle comme un rayon de soleil. « C’est la meilleure nouvelle qui soit arrivée à la gauche depuis deux ans » va jusqu’à dire Rémi Féraud, sénateur PS de Paris, « il y a un déclic. Il y avait besoin qu’il se passe quelque chose ». S’il « comprend la déception, c’est une chance de relever la tête » estime celui qui est aussi président du groupe PS au Conseil de Paris, dont la maire Anne Hidalgo soutient Olivier Faure dans sa décision.

« Divisée, la gauche ne pèse pas » rappelle son collègue Martial Bourquin, sénateur PS du Doubs, « on a intérêt à faire en sorte de réunir la gauche et les écologistes ».

C’est aussi un principe de réalisme qui guide les partisans de l’union. « Quand on est faible, on cherche des solutions. Quand quelqu’un tend la main, il faut la saisir. Il y a une forme de dynamisme » salue Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire. Une position partagée aussi par l’ancienne ministre Laurence Rossignol. « Le PS ne peut plus revendiquer d’occuper la place centrale dans la recomposition de la gauche » expliquait à publicsenat.fr vendredi dernier la sénatrice PS de l’Oise. Pour Jérôme Durain, cette décision permet aussi de sortir d’une impasse : « C’est une forme de pari, mais est-ce qu’on a le choix ? Est-ce qu’on a une star incontestée pour prendre la tête de liste ? Il y a une amorce de dépassement de nos petites boutiques ».

« Il faut serrer les rangs »

Au départ, la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie était elle « un peu perplexe. Mais une fois que la décision est prise, il faut y aller ». Elle regrette qu’« Olivier Faure ne nous ait pas tenus au courant de grand-chose » et l’absence de « discussion de fond » avec Place publique. Elle ajoute : « Au bureau national, quand cela avait été évoqué la première fois, j’avais dit qu’il fallait donner sa chance au produit ! »

Reste à voir si ces divergences ne risquent pas d’affaiblir le groupe. Un sénateur socialiste pense que « ceux qui sont les gardiens du temple, comme Patrick Kanner, se trompent d’analyse ». L’un des membres du groupe estime le rapport de force à « moitié/moitié ». Mais difficile à dire, car « il manquait du monde » ce matin, souligne un autre. Un sénateur demande surtout « qu’on n’aille pas s'empailler sur ce sujet. Il faut serrer les rangs ». Les socialistes n’ont pas, et n’ont plus les moyens de se payer le luxe de la division.

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