Européennes : Macron est « victime de son propre piège », pour les sénateurs
Le président de la République s’engage dans la campagne des européennes en donnant une interview à plusieurs titres de la presse quotidienne régionale. En dehors des rares soutiens d’Emmanuel Macron, l’initiative est désapprouvée largement dans les couloirs du Sénat.

Européennes : Macron est « victime de son propre piège », pour les sénateurs

Le président de la République s’engage dans la campagne des européennes en donnant une interview à plusieurs titres de la presse quotidienne régionale. En dehors des rares soutiens d’Emmanuel Macron, l’initiative est désapprouvée largement dans les couloirs du Sénat.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Cécile Sixou)

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J-5 avant le verdict des urnes pour les élections européennes. Les différentes familles politiques jettent leurs dernières forces dans la bataille pour convaincre les électeurs indécis et les abstentionnistes. Après le renfort du Premier ministre, c’est au tour du président de la République en personne de s’engager frontalement dans la campagne. « Je ne peux pas être un spectateur », insiste Emmanuel Macron dans la presse quotidienne régionale ce mardi, mettant en avant sa « responsabilité devant l’histoire » et le péril du camp nationaliste.

« Une tentative désespérée »

Distancée dans plusieurs sondages face au Rassemblement national, la liste Renaissance reçoit donc le secours du sommet de la Macronie. « C’est un peu la tentative désespérée de sauver le soldat Loiseau », commente le sénateur LR Roger Karoutchi, au sujet de la tête de liste choisie par la majorité présidentielle : l’ancienne ministre Nathalie Loiseau. « Est-ce qu’Emmanuel Macron n’est-il pas victime de son propre piège, de sa propre stratégie de bipolarisation avec le Rassemblement national ? Il a dit lui-même, ou par l’intermédiaire de ses lieutenants, qu’il fallait être en tête. »

Européennes : "Macron est victime de sa propre stratégie", selon Roger Karoutchi
01:18

Toujours au sein de la droite sénatoriale, Laure Darcos reproche au chef de l’État de rester « dans la posture du deuxième tour de la présidentielle ». « Restreindre cette campagne au combat entre RN et Renaissance, ça me choque. » L’élue de l’Essonne juge cet engagement périlleux. « C’est un parti risqué, ça peut se transformer en plébiscite contre lui. » C’est aussi ce que considère Roger Karoutchi. « Quand vous dramatisez à fond, il faut être sûr de gagner. Sinon, cela se retourne contre vous. »

Européenne : La « posture » d’Emmanuel Macron est « risquée », selon Laure Darcos
01:04

« Un échec aura forcément un impact plus direct et plus personnel », juge le centriste Hervé Maurey. Affiches imprimées à l’effigie du président de la République, présence sur la profession de foi de Renaissance : le sénateur de l’Eure n’en revient pas. « On n’a jamais eu un président de la République qui s’implique autant dans une campagne électorale depuis 1979 ». Pas si sûr, certains présidents avant Emmanuel Macron avaient pris (plus ou moins) part aux batailles électorales européennes (voir notre article). 

Européennes : Macron « prend un risque » dans cette campagne, selon Hervé Maurey
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« C’est excessif »

À gauche, les sénateurs s’agacent aussi de l’activisme élyséen, qui ne date pas d’hier. « C’est excessif depuis le grand débat, qui n’était que le tour de chauffe », peste le patron du groupe socialiste, Patrick Kanner. « Emmanuel Macron veut créer lui-même l’hystérisation autour de cette campagne européenne qui se déroule normalement. » Dénonçant l’attitude « d’un chef de clan », l’ancien ministre des Sports sermonne son ancien collègue au Conseil des ministres. « Il a provoqué lui-même cette situation en disant : c’est moi ou le chaos. »

Européennes : Macron « veut créer lui-même l’hystérisation » (Patrick Kanner)
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Le sénateur de Saône-et-Loire Jérôme Durain ne goute pas plus au virage pris par cette campagne. « On est dans un étau qui écrase toutes les autres opinions, sur ce pseudo-combat à mort. Dommage pour l’Europe et le combat démocratique. Cette grille de lecture est dangereuse. »

Européennes : « Le Président s’est mis dans la nasse tout seul » (Jérôme Durain)
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Chez les communistes, on fait mine de pas être surpris par l’interview présidentielle. « Il monte au créneau, comme on l’avait prévu. Il se comporte tous les jours comme le chef de la majorité. À aucun moment de l’année, il n’est dans la réserve », résume l’ancien patron du PCF, Pierre Laurent.

Européennes : "Macron monte au créneau comme on l'avait prévu" (Pierre Laurent)
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Au contraire, selon le sénateur La République en marche, André Gattolin, l’engagement en première ligne d’Emmanuel Macron est « absolument légitime. » « Il s’est fait élire avec un projet européen, c’est le cœur de son combat. C’est normal qu’il prenne la parole », fait-il valoir. « D’autres responsables en font un référendum national anti-Macron. Ce n’est pas un enjeu d’opportunisme pour lui ».

Européennes : « L’intervention d’Emmanuel Macron est légitime » (André Gattolin)
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L’espoir des partis historiques

Le petit trou d’air traversé par la liste Renaissance de la majorité présidentielle et de ses alliés, redonne en tout cas de l’espoir aux autres formations. Les socialistes estiment que la barre fatidique des 5 %, synonyme d’élus au Parlement européen, est presque assurée. « Les sondages indiquent un étiage », croit Jérôme Durain. Même Patrick Kanner, qui n’était pas spécialement ravi du choix d’une personnalité étrangère au Parti socialiste (Raphaël Glucksmann) pour conduire leur liste, semble avoir mis de l’eau dans son vin en deux mois de campagne. « La campagne a commencé lentement. Il fallait se connaître, s’appréhender, s’apprécier. Maintenant, M. Glucksmann est vraiment apprécié par les militants », reconnaît le sénateur lillois.

À droite aussi, le manque de notoriété de François-Xavier Bellamy semble être relégué dans le passé. « C’est une belle surprise, il y a un vrai engouement autour du trio de tête », commente Laure Darcos, qui se projette déjà dans les prochains mois. « Il faudra que l’on entretienne cette flamme. Et continuer à rassembler le centre et la droite. Surtout, ne pas étriquer. »

Le Parti communiste veut aussi croire à un frémissement dans les sondages et à un « effet Ian Brossat ». « Sa campagne est remarquable. Le travail de terrain commence à payer », salue Pierre Laurent, qui attend désormais le franchissement de cette « barre antidémocratique des 5 % ». Pour ces trois familles, réponse dimanche. Elles n’ont plus que cinq jours pour convaincre.

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