Plenary session on the results of the EU summit at the European Parliament in Brussels.

Européennes : qui est Valérie Hayer, future tête de liste Renaissance qui « coche toutes les cases » ?

Inconnue du grand public, l’eurodéputée sortante devrait mener la liste de la majorité présidentielle pour les européennes. Celle qui « connaît les dossiers », est présentée comme « bosseuse » et « pugnace », sachant trouver au Parlement des « compromis ». Fille d’agriculteur, cette ancienne collaboratrice parlementaire au Sénat a failli être élue sénatrice de la Mayenne. Spécialiste des questions financières, elle a travaillé sur le plan de relance européen de 750 millions d’euros. Elle devra faire ses preuves sur les plateaux face à Jordan Bardella.
François Vignal

Temps de lecture :

11 min

Publié le

Mis à jour le

Ça commençait à presser sérieusement. Cette fois, ça y est, ou presque. Renaissance a une tête de liste pour l’élection européenne du 9 juin prochain. Si le choix n’est pas encore officiel, Valérie Hayer, eurodéputée sortante, est fortement pressentie pour mener la liste de la majorité présidentielle. Au milieu de la crise des agriculteurs, Emmanuel Macron a arrêté sa décision, selon nos confrères de La Tribune Dimanche. Sauf surprise de dernière minute, la nouvelle devrait être annoncée officiellement dans les tout prochains jours.

Totalement inconnue du grand public, Valérie Hayer ne l’est pas des habitués des travées du Parlement européen. Elue depuis 2019, elle vient de succéder à Stéphane Séjourné, nommé ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à la présidence du groupe Renew, groupe libéral centriste, où siègent les eurodéputés Renaissance, Modem et Horizons.

« Ses origines agricoles lui donnent le sens des réalités »

Pourquoi miser sur cette femme de 37 ans ? Si elle connaît déjà la complexe machine européenne, elle présente un autre avantage, en cette période de crise des agriculteurs qui n’en finit pas et qui sera l’un des enjeux de la campagne : elle est fille d’agriculteurs, en Mayenne. « Et sa sœur et son beau-frère ont une très belle exploitation dans le sud de la Mayenne », ajoute l’ex-eurodéputé macroniste, Jean Arthuis, qui l’avait à ses côtés comme collaboratrice parlementaire en circonscription. Un ancrage qui lui sera utile, alors que les macronistes seront taxés par leurs adversaires, RN en tête, d’être coupés des réalités de terrain.

« Ses origines agricoles lui donnent le sens des réalités, ce dont le monde politique a bien besoin aujourd’hui », souligne Jean Arthuis, avant d’ajouter : « Dans le contexte actuel, elle coche toutes les cases. On a besoin d‘un peu de fraîcheur dans le débat politique », soutient l’ancien sénateur de la Mayenne.

« Non lieu » dans l’enquête sur les collaborateurs parlementaires du Parlement européen

Valérie Hayer a déjà indirectement trouvé l’extrême droite sur son chemin. En 2017, lors du développement des affaires des collaborateurs parlementaires au Parlement européen, accusés de travailler en réalité pour leur parti, l’ex-eurodéputée FN Sophie Montel, dont le parti était déjà mis en cause, fait un signalement au procureur. Elle lâche 19 noms, dont celui de Jean Arthuis, qui travaille déjà avec Valérie Hayer (voir notre article sur le sujet).

« Elle a balancé des noms », peste encore aujourd’hui l’ancien eurodéputé, qui avait dû passer la journée à la brigade financière pour donner quelques explications. « Il y a eu une enquête préliminaire et il y a eu un non-lieu. C’était une collaboration parfaitement régulière. Quand vous êtes dénoncé dans la presse, puis mis hors de cause, personne n’en parle », regrette Jean Arthuis. Valérie Hayer était simplement élue, à côté de son travail de collaboratrice à temps partiel. Rien d’anormal, ni d’interdit.

Aujourd’hui, l’ex-ministre de l’Economie se dit « impressionné par la promptitude de sa progression. Elle a très vite montré ses aptitudes, ses capacités. Elle est devenue coordinatrice à la commission des budgets et y a trouvé sa place ».

« En termes de conviction, elle est très centriste », selon l’eurodéputée Fabienne Keller

Les questions financières sont en effet son « truc ». Au point d’avoir « à un moment imaginé être consultante sur les questions financières et budgétaires », confie Jean Arthuis, si elle n’avait pas été élue. « Elle a fait un formidable travail sur le budget européen, lors du plan de relance de 750 millions d’euros et sa conditionnalité », salue sa collègue Fabienne Keller, eurodéputée Renaissance. Cette ancienne sénatrice LR souligne aussi « son ancrage personnel, avec la Mayenne, où elle retourne tous les week-ends ». Avant de vite revenir à Bruxelles ou Strasbourg. « On se retrouve avec nos valoches dans le train », sourit Fabienne Keller, par ailleurs candidate à la candidature pour la liste. Surtout, « elle a une super connaissance des dossiers, un goût politique, une pugnacité, du courage », lance l’élue de Strasbourg.

Après avoir commencé à l’UDI et à L’Alliance centriste, parti à l’époque présidé par Jean Arthuis – « elle est très proche de lui philosophiquement. En termes de conviction, elle est très centriste », dit d’elle Fabienne Keller – elle rejoint Emmanuel Macron pour la campagne de 2017. Lors d’un déplacement en Mayenne du candidat, Jean Arthuis se souvient qu’« elle avait participé à l’organisation de son accueil, notamment dans le monde rural », déjà un sujet.

Aux sénatoriales 2017, « elle avait fait un excellent score qui avait surpris les observateurs politiques », se souvient Jean Arthuis

Un temps investie par LREM en Mayenne pour les législatives de 2017, elle doit finalement céder la place à une candidate Modem, suite à quelques pressions de François Bayrou. Valérie Hayer jette finalement son dévolu sur le Sénat, qu’elle connaît si bien pour y avoir été collaboratrice de 2009 à 2017. Elle est ainsi candidate LREM pour les sénatoriales de 2017, toujours en Mayenne. Celle qui est aussi conseillère municipale de Saint-Denis-d’Anjou puis conseillère départementale en 2015, où elle est rapporteure du budget, réalise un joli score de 38 % au second tour. Elle finit en troisième position à cause du maintien d’un candidat UDI… L’élection n’était pas loin et son destin en aurait été assurément changé. « Elle avait fait un excellent score qui avait surpris les observateurs politiques », se souvient Jean Arthuis.

L’Assemblée et le Sénat se refusent à elle, ce sera finalement un autrement Parlement, européen celui-là, plus éloigné des préoccupations des Français, où elle va tracer son chemin. Mais c’est ce parcours qui va lui permettre aujourd’hui de prendre la lumière et de se faire connaître des mêmes Français.

« C’était boulot-boulot »

Dans son parti ou son entourage, plusieurs saluent une femme très travailleuse. « Je l’apprécie beaucoup. Elle est brillante, bosseuse et très gentille, chaleureuse, souriante », dit François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs macronistes, qui a passé la journée de samedi à ses côtés au Salon de l’agriculture, lors de la visite mouvementée d’Emmanuel Macron. « Elle ne fait rien sans travailler », confirme Fabienne Keller.

« C’était boulot-boulot », se souvient d’elle le sénateur UDI, Claude Kern, qui a employé Valérie Hayer comme collaboratrice parlementaire au Sénat, à mi-temps. Elle était alors embauchée au même moment, pour un autre mi-temps, par Pierre Jarlier, ex-sénateur centriste du Cantal. « Elle est très compétente, investie et ne rechigne pas à la tâche. C’est une bosseuse franchement », se rappelle Claude Kern. Le sénateur du Bas-Rhin ajoute :

 Elle ne comptait pas ses heures au Sénat. Malgré qu’elle fût à mi-temps avec moi, elle faisait plus qu’un mi-temps, d’elle-même. J’étais des fois obligé de lui dire d’arrêter et de rentrer chez elle. 

Claude Kern, sénateur UDI du Bas-Rhin.

Claude Kern ne tarit pas d’éloge pour celle qui était « une excellente collaboratrice », dont « la principale qualité était une connaissance très fine du fonctionnement du Sénat. Elle était une aide très précieuse. Elle était très calée dans le domaine financier, pour le budget et la rédaction d’amendements ».

Un second choix ?

La recherche de la tête de liste de la majorité n’a pas été chose facile. Beaucoup de noms ont circulé, ce qui risque de se retourner contre Valérie Hayer. Elle paraît aujourd’hui comme un second choix. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, que certains auraient bien vu mener la bataille, a décliné, tout comme l’ex-ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, ou celui des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui a lui aussi refusé selon la presse. Des refus qui marquent au passage la perte de poids d’un Président, qui ne pourra pas être réélu et à qui on ose aujourd’hui dire « non »…

Un mal pour un bien, selon un macroniste. « Le Drian, ce n’était pas une bonne image. Aujourd’hui, dans le contexte actuel, il ne faut pas mettre des politiques anciens. Pascal Canfin, autre piste, ça aurait été une bronca terrible dans le monde agricole », avance cet élu de la majorité, qui reconnaît en revanche que « Julien aurait été parfait ».

« Être inconnue du grand public, c’est le seul défaut que je lui vois »

Reste qu’en termes de notoriété auprès des Français, elle part d’à peu près zéro. « Être inconnue du grand public, c’est le seul défaut que je lui vois », avance le sénateur Claude Kern, dont le parti, l’UDI, pourrait bien se retrouver sur la liste de la majorité présidentielle – « mais les négociations ne sont pas complètement terminées ».

Chez Renaissance, on se rassure. Son absence de notoriété sera compensée par un soutien du duo exécutif. « Tout le monde va faire campagne. Gabriel Attal est en campagne tous les jours. Je n’ai pas de doute que le Président s’impliquera d’une façon ou d’une autre dans la campagne », souligne François Patriat. Il ajoute :

 Est-ce que les gens connaissent Raphaël Glucksmann ? Je suis à Epoisses, en Côte-d’Or, si je demande aux gens, à part les intellos, personne ne le connaît. Et tout le monde connaît Marion Maréchal, mais est-ce que ça perce ? Non, rien du tout. 

François Patriat, président du groupe RDPI du Sénat.

Surtout, « ça se fera sur deux ou trois débats télévisés », pense François Patriat. Mais là aussi, Valérie Hayer ne va-t-elle pas pêcher par inexpérience des projecteurs et des plateaux ? « Je l’ai vu débattre. Je la trouve punchy, solide. Elle peut débattre », assure le président du groupe RDPI du Sénat. Jean Arthuis n’a « pas de doute » qu’elle saura tenir tête à Jordan Bardella.

« Il y a eu des petits bras de fer, mais elle est très bonne négociatrice »

Si la balance a finalement penché en sa faveur, c’est aussi par son envie. Fabienne Keller souligne qu’« Emmanuel Macron aime les gens qui ont le courage, qui n’ont pas peur de s’engager, de se battre. Et il y a une logique politique, comme elle est présidente du groupe centriste au Parlement, qui est le groupe clef ».

L’eurodéputée Renaissance décrit une femme politique qui sait se battre au Parlement européen. Pour prendre la succession de Stéphane Séjourné à la tête du groupe Renew, que visait son vice-président hollandais, « elle a su convaincre les délégations des pays, une à une. Il y a eu des petits bras de fer. Mais elle est très bonne négociatrice », avec « un très bon relationnel, une capacité d’écoute. Pour construire des compromis, c’est essentiel », remarque Fabienne Keller.

« Nous sommes allées ensemble à la gay pride de Budapest pour rencontrer nos collègues qui s’opposent courageusement à Viktor Orban »

Sur le plan plus personnel, on ne saura pas grand-chose. « Fille très ouverte », selon Fabienne Keller, elle insiste surtout sur « les valeurs qu’elle porte. Nous sommes allées ensemble à la gay pride de Budapest pour rencontrer nos collègues qui s’opposent courageusement à Viktor Orban, et des associations ». Tout juste l’eurodéputée Renaissance raconte qu’« elle aime l’art. Elle aime visiter les musées, lors de déplacement, quand l’occasion se présente ».

Jean Arthuis, encore « souvent » en contact avec elle, loue sa manière d’être : « Elle se donne intensément à sa mission. Je pense qu’elle est pudique et qu’elle sait préserver son jardin secret et personnel. C’est bien, car c’est facteur d’équilibre ». Après un lancement de campagne prévu le 9 mars, à Lille, sa mission sera surtout que le score de la liste Renaissance ne soit pas trop déséquilibré – c’est-à-dire dans l’idéal au-dessus de la barre des 20% – face à celle du RN, qui caracole en tête dans les sondages.

Dans la même thématique

Européennes : qui est Valérie Hayer, future tête de liste Renaissance qui « coche toutes les cases » ?
8min

Politique

Européennes 2024 : Raphaël Glucksmann prône dans son programme une « révolution écologique »

A moins d’un mois du scrutin, la tête de liste PS/Place Publique met sur la table un programme de 338 mesures, qui assume une « avancée fédérale de la Construction européenne » pour porter une « Europe puissante », « écologique » et « sociale ». Il assure qu’il ne s’agit pas de « chercher des voix » chez les écologistes. Mais Raphaël Glucksmann entend bien être « à la tête » de « la redéfinition de la social-démocratie européenne ».

Le