Le sujet fait bondir les écologistes. Une enquête de l’association suisse Public Eye et de la branche britannique de Greenpeace, à laquelle Le Monde a eu accès révèle l’ampleur du commerce et de l’exportation, par l’Union européenne, de plus d’une quarantaine de pesticides pourtant interdits sur le territoire européen. En 2018, l’UE a ainsi approuvé l’exportation de de 81 615 tonnes de pesticides contenant des substances bannies depuis parfois plus de dix ans sur son propre sol, soutient le quotidien. Dans la liste des 41 produits exportés par les pays membres de l’Union européenne, on retrouve le dichloropropène, ou encore le paraquat, tous deux interdits en raison de leur très haute toxicité, et des risques qu’ils font peser sur l’environnement et la santé.
Dans le classement des pays exportateurs de ces produits dangereux, l’enquête révèle que la France n’est pas en reste. 5e pays exportateur de l’Union européenne, avec 8000 tonnes de produits en 2018, elle détient le palmarès de la plus grande diversité de produits exportés. « Je pense qu’on peut parler d’un véritable scandale, sans avoir besoin de modérer ses propos », réagit le sénateur écologiste Ronan Dantec. « C’est évidemment quelque chose qui doit cesser dans les plus brefs délais. L’Union européenne ne peut pas considérer que ces substances sont dangereuses pour elle, mais qu’elles ne le sont pas pour le reste du monde. C’est d’une hypocrisie sans nom. » Pour le sénateur de Loire-Atlantique, la question doit être saisie par le Parlement européen. « De même qu’on a une législation pour interdire l’exportation de nos déchets en dehors de l’Europe, il faut légiférer pour que, dès que l’on considère qu’un produit est dangereux sur le sol européen, on ait la stricte interdiction de l’exporter », estime-t-il.
L’influence des lobbys en question
Mais la question de l’exportation de substances dangereuses hors du territoire européen a déjà été traitée par le Parlement. « C’est une vieille histoire », rappelle le sénateur écologiste Guillaume Gontard. En 2018, l’article 83 de la loi Egalim prévoyait l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022 « de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées dans l'Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine, animale ou de l'environnement ». « Au moment de la loi Pacte, la droite sénatoriale, sous la pression des lobbys, est revenue sur cette interdiction, et l’Assemblée nationale a tenté de repousser ce délai à 2025, dans son article 18. Plusieurs élus ont alors saisi le Conseil constitutionnel, qui a déclaré l’article non conforme, et la date de l’interdiction a de nouveau été fixée au 1er janvier 2022 », relate le sénateur de l’Isère.
Un sujet qui, pour Guillaume Gontard, questionne à nouveau sur l’influence des lobbys dans le domaine de l’écologie. « Il faut être vigilants sur ce genre de sujets, car avec la puissance de l’influence des lobbys dans notre pays, on n’est jamais à l’abri d’un rebondissement », estime-t-il. « Nous devons donc nous battre pour que la disposition reste en 2022, car ce sont des produits particulièrement dangereux, qui ne sont pas interdits par hasard dans notre pays. Se dire qu’on va les exporter paraît dès lors assez fou… »