« On est passé d’une période où il fallait lutter contre la fracture numérique à aujourd’hui, où c’est l’overdose numérique ». Pour Antony Mareuil, professeur de Sciences et technologie au collège à Tours (Indre-et-Loire), le constat est alarmant. Depuis quelques années, il observe dans sa classe que ses élèves de 5e à la 3e « somnolaient, de plus en plus d’enfants avaient des difficultés de concentration, il y avait de l’agitation ». La raison selon lui ? La surexposition aux écrans.
Des interdictions contournées
Il a pu observer que la limitation d’âge pour accéder aux réseaux sociaux n’est pas toujours respectée : « Tous les enfants que je vois accèdent à Tiktok, Instagram, sans tenir compte de la limite d’âge actuelle, donc à 11 ans ils ont déjà Tiktok, Instagram sans la moindre difficulté », alerte-t-il. Avant de poursuivre : « Des adolescents, dans certains cas extrêmes, peuvent avoir 16, 17, 18 heures de consommation de portable par jour pendant les vacances ». Ce qui l’a poussé à modifier sa pratique pédagogique en proposant un cours qu’il appelle « Esprit scientifique, esprit critique adapté aux réseaux sociaux ». Il a aussi rejoint le Collectif Surexposition écrans (CoSe) pour s’informer et échanger avec des médecins et des psychologues.
« 20 heures de prévention » contre « 1800 heures de réseaux sociaux par an »
Mais pour Antony Mareuil, le combat est déséquilibré. Entre le temps consacré à la sensibilisation et le temps passé sur les écrans par les enfants, il y a un gap : « Les enfants sont censés avoir 16 heures d’éducation aux médias et à l’information par an. En tout, on propose à un enfant une vingtaine d’heures maximum sur la prévention dans l’usage des réseaux sociaux. Alors que l’enfant, il est à 1800 heures de réseaux sociaux par an. On a d’un côté 20h de prévention, de l’autre, 1800 heures de pratique ! » dénonce le professeur de Sciences et Technologie.
Pour l’enseignant, l’Éducation nationale doit maintenant se défaire de certains outils numériques. Et si au départ, détaille-t-il, ça a été une bataille de mettre en place des Espaces Numériques de Travail de manière généralisée en France, « il faut maintenant faire machine arrière. Comme ça a été proposé par la commission d’enquête parlementaire en avril 2024, il faudrait probablement fermer l’accès aux ENT à partir d’une certaine heure », propose Antony Mareuil.
Le soutien de Mickaël Vallet, sénateur engagé sur ces sujets de surexposition aux écrans
Pour le sénateur socialiste de la Charente-Maritime, Mickaël Vallet, il faut sortir de ces injonctions contradictoires entre limitation et nécessité d’utiliser les écrans prônée par l’Éducation nationale : « Tant que vous aurez des notes qui peuvent tomber à 20h ou 22h le dimanche soir sur ces applis, les enfants vont rafraîchir Pronote. Ce sont des exemples que je vois personnellement et concrètement », assure t-il. « Monsieur (Antony Mareuil) fait œuvre utile, mais la question est systémique, par le haut et par le bas ».
Pour le sénateur, il faudrait développer ces cours de prévention, avant d’interpeller la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne qui a annoncé vouloir imposer une limite horaire à l’utilisation de ces outils : « Je ne vois pas ce qui retient la ministre de l’Éducation nationale de poser certains principes sur la question de l’ENT ».