« Extrêmement émouvant », « mauvais timing » : au Sénat, la reconnaissance de l’Etat de Palestine fait débat
Au lendemain du discours « historique » d’Emmanuel Macron à l’ONU, la droite sénatoriale interroge sa décision. « On ne met pas la charrue avant les bœufs pour des raisons de communication politique », pointe Cédric Perrin, président LR de la commission des affaires étrangères. « C’était très fort », salue au contraire la présidente PS du groupe d’amitié France-Palestine du Sénat, Gisèle Jourda, qui est sur place. Elle espère que la France « va pouvoir entraîner dans son sillage d’autres pays ».
« Je déclare que la France reconnaît aujourd’hui l’État de Palestine ». Une simple phrase, historique, prononcée lundi 22 septembre par Emmanuel Macron lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Elle fait largement réagir en France, comme à l’international.
La décision du chef de l’Etat est largement saluée à gauche, qui en demande même davantage, mais interroge à droite. Au Sénat, on retrouve ces clivages. Pour les sénateurs LR, ce n’était pas le bon moment.
Forme de « reconnaissance de l’action du Hamas », selon Cédric Perrin
« On m’avait proposé d’aller à l’assemblée générale des Nations Unies, je n’y suis pas allé car je considère que le timing n’est pas le bon. Si la reconnaissance doit intervenir un jour, elle ne doit pas intervenir maintenant. La diplomatie doit être conduite avec un minimum de raison », réagit le président LR de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Cédric Perrin.
« La seule solution, c’est la solution à deux Etats, on l’a dit à de multiples moments à la commission. Il n’y a pas de problème par rapport à cela. Mais on considère qu’il y a des préalables qui doivent être respectés et le calendrier doit être réaliste, il doit suivre des étapes et ne pas les précéder : la libération des otages, que le Hamas quitte la bande de Gaza et que le peuple palestinien puisse choisir une représentation politique qui sera représentative. On ne met pas la charrue avant les bœufs pour des raisons de communication politique. En avril, le Président était sur cette ligne et il a changé d’avis entre temps, ce qui nous pose un certain nombre de difficultés », pointe du doigt le sénateur LR du Territoire de Belfort, qui pense que cette reconnaissance « ne fera rien bouger du tout ».
Pour Cédric Perrin, cette décision de la France, en arrivant maintenant, revient quelque part à « une reconnaissance de l’action du Hamas, car c’est suite à son action et aux horreurs perpétuées de part et d’autre, qu’il y a la reconnaissance. Ça valorise l’action terroriste du Hamas. Finalement, il obtient ce qu’il voulait », soutient le président de la commission des affaires étrangères.
« C’est formel, c’est provocateur », dénonce Roger Karoutchi
Pour le sénateur LR Roger Karoutchi, actif notamment sur la question des otages depuis le 7 octobre, « cette reconnaissance par la France n’aura pas de conséquence. Par définition, on sait bien que l’ONU ne l’acceptera pas, il y aura un véto américain. Israël n’acceptera pas. C’est formel, c’est provocateur », dénonce-t-il. « Est-ce que dans les jours qui viennent, les otages seront libérés ? Le Hamas va s’arrêter ? Car le Président a dit que c’est une dynamique qu’il met en place. J’attends de voir la dynamique », lance Roger Karoutchi.
L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy ajoute que « ça aura des conséquences évidentes dans la difficulté de nos relations avec Israël, qui étaient déjà tendues et qui là, sont au niveau zéro. Donc au-delà des relations commerciales, économiques, il y avait des relations par rapport au renseignement, notamment par rapport au terrorisme en Europe. Si ça s’arrête, comment on fait ? Tout ça n’est pas géré », dénonce le président du groupe d’amitié France-Israël.
« Un grand discours » et « un bon coup diplomatique », selon le sénateur LR Christian Cambon
L’ancien président LR de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, est au premier abord un peu moins dur. Il salue « un bon discours, un grand discours, avec beaucoup d’esprit de conviction, qui reprend en quelque sorte la position qui a toujours été celle de la France, c’est-à-dire deux Etats, pour arriver à la paix. Cette reconnaissance officielle est une pierre supplémentaire », pense le sénateur LR du Val-de-Marne, invité de la matinale de Public Sénat, ce mardi matin. Il y voit aussi « un bon coup diplomatique. Dix grands pays, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, ont aussi reconnu l’Etat de Palestine. L’espace d’un instant, on a revu la France au mieux de sa forme dans les instances internationales. Ça faisait un moment qu’on n’avait pas vu ça ». Regardez :
Mais Christian Cambon doute que la décision permette de « construire la paix » et estime que « la temporalité de cette décision peut poser problème ». Notant « l’image terrible » des « sièges vides d’Israël » à l’ONU, il rappelle que « pour faire la paix, il faut être deux. Or d’un côté, il y a le Hamas, qui est identifié dans le monde entier comme organisation terroriste, […] et de l’autre, Israël, dont le premier ministre, Benjamin Netanyahou, a redit de manière très claire qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien ». Autre problème, qu’il soulève aussi : « De la part du Hamas, il peut prendre ça comme une reconnaissance, même si le Président dit le contraire ».
« Nous étions attendus et la France se devait d’être au rendez-vous », salue la socialiste Gisèle Jourda
A l’inverse, à gauche, la sénatrice PS Gisèle Jourda, présidente du groupe d’amitié France-Palestine du Sénat, y voit un grand moment. Présente sur place au siège de l’ONU, elle a été marquée par ce moment.
« C’était très fort. Tout le monde s’est levé. Dès que la reconnaissance a été prononcée par la France, ça a été la seule standing ovation. Nous étions attendus et la France se devait d’être au rendez-vous », salue la sénatrice de l’Aude. Elle ajoute : « Pour moi, ça a été un moment extrêmement émouvant. Car quand j’ai été élue sénatrice en 2014, mon prédécesseur au groupe d’amitié France Palestine avait déposé la première résolution pour la reconnaissance, au Sénat. On a été suivi ensuite par l’Assemblée ». Elle exprime cependant un bémol :
Il vaut mieux tard que jamais, mais je regrette que la France ait mis autant de temps à cette reconnaissance.
Gisèle Jourda, sénatrice PS de l'Aude, présidente du groupe d’amitié France-Palestine du Sénat.
Gisèle Jourda espère que la France « va pouvoir entraîner dans son sillage d’autres pays, comme c’est déjà le cas, et ouvre les portes pour établir le jour d’après », car « c’est un premier pas ». « Maintenant, il faut mettre en place la coalition pour pouvoir réaliser cette solution à deux Etats », soutient la présidente du groupe d’amitié. Mais « quand on voit ce qu’il se passe en Cisjordanie (où le groupe d’amitié revient d’un déplacement, ndlr), où la politique de colonisation, qui se produit avec une grande violence, ne cesse d’être endémique, car les familles palestiniennes sont chassées, cela ne permet pas d’envisager les choses sereinement ». Malgré tout, « il faut trouver les moyens d’aller vers l’apaisement et la mise en œuvre de délimitation de frontières », soutient la sénatrice PS.
« La France doit avoir un rôle dans les sanctions, face à un Etat génocidaire, qui est en train de faire un massacre », demande l’écologiste Guillaume Gontard
Le sénateur écologiste Guillaume Gontard y voit pour sa part « une décision historique », mais il rappelle aussi que « ça avait été voté à l’Assemblée et au Sénat. C’est à la fois quelque chose d’indispensable, de nécessaire mais qui n’est évidemment pas suffisant. Et la vraie question, c’est le jour d’après. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »
Pour le président du groupe écologiste du Sénat, « la France doit avoir un rôle dans les sanctions, face à un Etat génocidaire, qui est en train de faire un massacre, de constituer un génocide », dénonce Guillaume Gontard. « La France va-t-elle s’associer à de véritables sanctions, notamment sur la vente d’armes ou de matériel pour les armes ? » interroge le sénateur de l’Isère, qui pense aussi à « la remise en cause des accords avec l’Union européenne, la question toute simple de l’autorisation du survol de notre pays par Netanyahou ».
Dans cette perspective, il note « un sujet important, relevé dans notre rapport, quand on est allé à Gaza avant le 7 octobre, c’est la question de l’autorité palestinienne et la question démocratique » et « la libération des otages, évidemment ».
« Une étape décisive, nécessaire, indispensable mais maintenant, c’est la suite »
Il rejette les critiques sur le timing, qui ferait le jeu du Hamas. « Si on dit ça, ça veut dire qu’on ne le fera jamais. Evidemment, il fallait le faire avant. Mais à l’inverse, comme il y a eu le 7 octobre, soutenir que ça va légitimer le Hamas, ça veut dire qu’on ne fait plus rien qu’on laisse Israël faire ce qu’il veut », remarque l’écologiste.
Si les choses avancent dans le futur, « peut-être qu’au final, ce ne sera pas une solution à deux Etats. On a deux peuples qui doivent vivre en paix. On doit trouver cette articulation. Ça peut prendre peut-être plusieurs formes. On peut avoir deux peuples qui vivent en paix, à condition qu’on ne soit pas dans la domination d’un peuple sur l’autre », imagine Guillaume Gontard. Mais dans l’immédiat, « la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine est un message très fort, mais ça peut aussi devenir un coup d’épée dans l’eau. C’est une étape décisive, nécessaire, indispensable mais maintenant, c’est la suite ».
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