Trump Meets Reporters and Signs Executive Orders

Face à Donald Trump, « le RN essaye de ménager la chèvre et le chou, mais a un gros problème de clarté », selon Pascal Perrineau

La ligne suivie par Donald Trump, qui se rapproche de Vladimir Poutine sur l’Ukraine, place le RN dans une situation ambiguë. Si le parti apprécie à la base le président américain, il commence à prendre quelques distances. « On sent bien que le sujet les embarrasse. Car il est impossible de donner raison sur toute la ligne à Donald Trump », selon Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite. « Ils ne sont pas à l’aise », résume le politologue Pascal Perrineau.
François Vignal

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Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis et son rapprochement avec Vladimir Poutine, les responsables du RN semblent être face à une certaine difficulté. D’un côté, ils portent un regard bienveillant sur l’arrivée au pouvoir du président américain, devenu une sorte de leader mondial des populistes. De l’autre, son action sur l’Ukraine, encre plus depuis l’humiliation de Volodymyr Zelensky dans le bureau oval, place Donald Trump au centre des critiques. Une altercation que Marine Le Pen a semblé minimiser. Depuis, elle a pris légèrement ses distances dans Le Figaro, mais pas sur le fond. « Il est très critiquable de ne pas laisser un délai raisonnable à l’Ukraine pour se retourner », estime la responsable du RN. « C’est très cruel pour les soldats ukrainiens engagés dans une défense patriotique de leur pays », ajoute Marine Le Pen.

« Quand on est embarrassé à ce point, il vaut mieux se taire. C’est un peu ce que Marine Le Pen fait »

Mais on voit l’attirance du parti d’extrême droite pour le président américain. En février, Marine Le Pen s’est rendu à un rassemblement pro Trump, à Madrid, aux côtés de ses alliés européens. Puis c’est le président du RN, Jordan Bardella, qui s’est rendu à la Conservative political aciton conférence de Washington, avant d’en partir après que l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, a fait un salut nazi. Le RN se retrouve à jouer les équilibristes, au risque de donner une impression de flou.

Le vice-président du RN, Sébastien Chenu, souffle ainsi le chaud et le froid. S’il a salué, mercredi sur Sud Radio, en Donald Trump un président « pragmatique », qui « veut que les choses bougent, avancent », il pointe en même temps un « président très contestable », critiquant son « côté brutal ».

« On sent bien que le sujet, effectivement, les embarrasse. Car il est impossible de donner raison sur toute la ligne à Donald Trump. Mais pour eux, qui ont été longtemps assez proches des positions russes, à des degrés variables, il est impossible aussi de donner entièrement raison à Vladimir Poutine, mais il est aussi impossible pour eux de donner entièrement raison à Volodymyr Zelenski. Ça explique un peu la rareté des déclarations de Marine Le Pen sur le sujet. Quand on est embarrassé à ce point, il vaut mieux se taire. C’est un peu ce qu’elle fait », estime Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès et spécialiste de l’extrême droite.

« Quand on est dans une trajectoire de normalisation, il est très difficile de passer pour un disciple de Poutine et Trump réunis »

« Quand on est dans une trajectoire de normalisation, il est très difficile de passer pour un disciple de Poutine et Trump réunis. Et ça ne vaut peut-être pas le coup, vu le peu d’appétit des Français pour les sujets internationaux, de se griller, en jouant cette carte-là », ajoute Jean-Yves Camus. Si Marine Le Pen « a eu l’intelligence de ne pas aller à l’investiture de Trump – cela dit, elle n’a peut-être pas été invitée », le spécialiste juge que « son problème, c’est qu’autour d’elle, il y a des gens qui sont beaucoup moins prudents. Certains sont grisés par l’arrivée au pouvoir de Trump. Ils ont l’impression que chacun va prendre le pouvoir dans son pays respectif. C’est toujours très mauvais, en politique, de se laisser griser ».

Jean-Yves Camus s’étonne au passage de la position du député RN Jean-Philippe Tanguy, « qui dit que dans le Bureau oval, Zelenski ne s’est pas fait humilier. C’est absolument surréaliste. Ça prouve qu’il y a des réactions de dénis. On n’est pas obligé de se montrer comme ça, quand on prétend arriver aux responsabilités ».

Pour le politologue Pascal Perrineau, « le RN se retrouve dans une position assez ambiguë, car ils sont en partie assez proches des positions russes. C’est très difficile d’assumer de façon explicite. En termes d’opinion, ça ne passe pas, dans la mesure où le soutien à l’Ukraine est extrêmement majoritaire dans l’électorat, à commencer par le leur ». Bref, « ils ne sont pas à l’aise ». Il ajoute : « Ils sont en train d’essayer de marier la carpe et le lapin, ménager la chèvre et le chou, mais ils ont un gros problème de clarté, surtout par rapport à leur message de patriotisme. On voit qu’il a certaines limites. Le patriotisme ukrainien, ils s’assoient dessus… »

« Comme tout l’enjeu se déplace sur l’Europe de la défense, leur position eurosceptique rentre complètement en contradiction »

Autre difficulté : leur positionnement historique anti européen se confronte, là encore, à la réalité du moment. « Comme tout l’enjeu se déplace sur l’Europe de la défense, car les Etats-Unis nous lâchent, leur position eurosceptique rentre complètement en contradiction avec cela. Ils sont vent debout contre l’Europe de la défense », relève Pascal Perrineau.

Jean Yves Camus note une autre difficulté, par rapport à Trump, avec sa volonté de coupes budgétaires massives. « Le RN est pris à son propre piège, car il est d’un côté favorable aux coupes budgétaires. Jordan Bardella le répète souvent, il dit qu’il y a trop de normes, de comités, qu’il faut être plus strict sur les aides sociales. Mais en même temps, nous sommes en France, avec un modèle social établi depuis 1945 avec une tradition d’intervention de l’Etat. Mais au RN, on distingue le fait qu’il faille faire des coupes et le fait de passer à la tronçonneuse le budget pour décapiter l’Etat. Ça, Marine Le Pen est évidemment contre. La tronçonneuse, ce n’est pas son truc. Car la classe populaire et moyenne ont besoin en partie de l’intervention de l’Etat. Et ils se réclament du gaullisme. Donc là, ça recèle aussi d’une erreur d’analyse de la part du RN. Il ne fallait pas être aussi enthousiasme par rapport à Trump, car il était très clair, que contrairement à sa campagne de 2016, il allait cette fois-ci décapiter l’Etat, par le biais d’Elon Musk », analyse le spécialiste de l’extrême droite.

« Ça devient compliqué »

Reste encore une solution pour le RN : faire le dos rond, et « attendre que la séquence passe », avance Pascal Perrineau. Mais difficile, cette fois, de compter sur le fait que l’international n’intéresse pas les Français. « Là, on n’est pas dans un schéma classique », selon le politologue. « La politique étrangère ne passionne pas les foules en période d’élection présidentielle, mais la limite, c’est que si Trump prend des mesures qui ont des répercussions concrètes, soit sur notre sécurité, soit sur notre économie, alors à ce moment-là, ça deviendra compliqué. Ce sera difficile pour un élu RN de faire comprendre aux électeurs de sa circonscription que des emplois sont en danger car Trump a mis des droits de douane énormes sur des produits Français. Ça, c’est palpable, concret ».

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