Face aux pénuries de médicaments, Sanofi veut « gérer un stock contraint le mieux possible »
Auditionnés par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, les représentants de Sanofi France ont détaillé leurs méthodes de gestion des « tensions » sur certaines molécules. Une « gestion de stocks contraints », qui a pu alarmer les sénateurs, d’autant plus que le géant français a soigneusement évité la question des prix de certains médicaments, trop bas pour certains industriels, concédant simplement être « inquiets » de la situation.

Face aux pénuries de médicaments, Sanofi veut « gérer un stock contraint le mieux possible »

Auditionnés par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, les représentants de Sanofi France ont détaillé leurs méthodes de gestion des « tensions » sur certaines molécules. Une « gestion de stocks contraints », qui a pu alarmer les sénateurs, d’autant plus que le géant français a soigneusement évité la question des prix de certains médicaments, trop bas pour certains industriels, concédant simplement être « inquiets » de la situation.
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Face aux pénuries de médicaments qui ont touché la France cet hiver, le Sénat a continué ce mercredi son travail d’enquête en auditionnant des représentants de Sanofi France. Audrey Derveloy, nommée présidente de Sanofi France il y a un peu moins d’un an, a d’abord dressé un état des lieux des difficultés d’approvisionnement qu’avait pu rencontrer le groupe en France récemment. « Il y a des tensions qui n’empêchent pas le patient d’accéder à son traitement, où le pharmacien peut proposer une alternative par exemple. Puis il y a des situations plus gênantes avec rupture de stock », a-t-elle expliqué en soulignant que tout « signalement » ou « difficulté » n’entraînait pas de pénurie en bout de chaîne.

Principes actifs : Sanofi France dépend de l’Asie à 5 %, « un contre-exemple tout à fait positif »

Concrètement, pour les médicaments commercialisés par Sanofi, 157 signalements ont été effectués en 2022, dont 1/3 allant « jusqu’à la rupture », d’après elle. « Seulement 15 % de nos tensions et ruptures sont liées au principe actif, il y a des causes multifactorielles », a-t-elle assuré en rappelant que Sanofi n’était « pas dépendant de la zone asiatique », avec 95 % de ses importations venant d’Europe ou des Etats-Unis. « Tous les chiffres que l’on a, nous disent que 80 % des principes actifs étaient en Chine ou un Inde, c’est un contre-exemple tout à fait positif », a salué la rapporteure communiste de la commission d’enquête, Laurence Cohen.

Jean-Marc Lacroix, directeur qualité à Sanofi France, a ensuite décrit les processus mis en place par Sanofi quand des « tensions » étaient observées sur l’approvisionnement de certaines molécules. Sanofi mène d’abord un travail de veille et d’information pour tenter d’anticiper des « transferts d’achats » sur le marché qui pourraient mettre en difficulté Sanofi sur certains produits, en partenariat avec les autorités et notamment l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Une fois la situation de tension détectée, « notre première réaction est d’estimer le délai de survenue d’une rupture réelle et nous communiquons les informations à l’ANSM », détaille Jean-Marc Lacroix, en insistant sur le fait qu’être en situation de tension ou de rupture est « forcément une situation d’inconfort, voire d’échec, par rapport à notre mission. »

« On est sur une gestion de la tension, pas une remise en cause du modèle pour éviter la pénurie »

« Notre objectif est donc d’éviter la rupture de stock », poursuit-il. Pour ce faire, la première étape est l’information des interlocuteurs de Sanofi de « l’état de nos stocks hebdomadaires pour donner une visibilité sur les stocks de nos produits. » Ensuite « si la situation s’avère plus grave », Sanofi tente de « mettre en place, en relation avec les sociétés savantes et expertes, le meilleur protocole de remplacement ou d’accompagnement des cas de rupture. » L’objectif est donc de « gérer un stock contraint le mieux possible, pour qu’il bénéficie aux patients qui en auront le plus besoin » et ainsi « éviter la rupture complète. »

L’étape d’après, c’est la mise en place d’un « contingentement à caractère médical », en privilégiant le « dépannage individuel » par rapport à une situation médicale précise. Autrement dit, les médecins prescripteurs doivent convaincre Sanofi que leurs patients sont « éligibles » au traitement. « Nous ne discutons pas les prescriptions », a bien précisé Jean-Marc Lacroix en réponse à une question de Sonia de la Provôté, sénatrice centriste et médecin de formation, qui a glissé « on sait bien ce que cela veut dire. » Enfin, Sanofi peut être amené à importer des produits, soit d’une filiale étrangère qui disposerait de stocks, soit d’autres laboratoires. « On est sur une gestion de la tension et de la pénurie, pas une remise en cause du modèle pour éviter la pénurie », s’est inquiétée la sénatrice socialiste Laurence Harribey.

Prix trop bas de certains médicaments ? « On est inquiets de la situation »

Autre inquiétude des sénateurs de la commission d’enquête, la question des prix des médicaments. Malgré des questions répétées de Laurence Cohen et Sonia de la Provôté, les représentants de Sanofi n’ont – pendant longtemps pendant l’audition – pas répondu aux interrogations sur l’influence du prix de certains médicaments dits « matures » sur leur commercialisation en France. Si les sénatrices se sont permis d’insister, c’est que le sujet est très souvent revenu dans les auditions menées jusque-là, que ce soit du côté des représentants des laboratoires pharmaceutiques (Leem), ou d’entreprises comme Pfizer. Les industriels ont en effet pointé des prix trop bas en France qui pourraient entraîner l’arrêt de la commercialisation de certains médicaments « matures », dont les molécules ont été découvertes il y a longtemps, dont les brevets seraient tombés, et qui ne seraient donc plus rentables.

En fin d’audition, la présidente de la commission d’enquête, Sonia de la Provôté, a reposé la question : « Y a-t-il eu à Sanofi un renoncement à mettre sur le marché français la fabrication de médicaments destinés au marché de notre pays en raison de nos prix trop faibles ? Vous évoquez peu cette question alors que le Leem l’a beaucoup évoqué. » Audrey Derveloy a prosaïquement répondu que « non », et que Sanofi est « complètement aligné sur la position du Leem. » La présidente de Sanofi France ne « veut pas répéter ce qu’ils ont dit », mais – devant l’insistance des sénatrices – s’est tout de même dite « extrêmement inquiète de la situation. » Après des relances de la sénatrice centriste, Audrey Deverloy a fini par diplomatiquement reconnaître que les prix pratiqués sur certains médicaments « ne mettent pas dans une situation favorable » pour garantir leur présence sur le marché français.

La commission d’enquête poursuivra ses travaux ce jeudi 13 avril avec l’audition à 11h de Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France.

Partager cet article

Dans la même thématique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

French L1 football match between Olympique Lyonnais (OL) and Le Havre AC
8min

Politique

Salaires exorbitants, conflits d’intérêts, droits TV : retour sur la commission d’enquête qui a mis un carton rouge au Foot business

Série- Les enquêtes du Sénat. C’est une commission d’enquête qui a connu de nombreux soubresauts. Alors que le football professionnel traversait une crise majeure liée aux revenus des droits TV, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont lancé une commission d’enquête pour encadrer le sport professionnel. Entre auditions, visite du siège de la Ligue de football et révélations de Complément d’enquête, retour sur les préconisations de la commission d’enquête pour stopper le Foot business.

Le

Le Mans Manifestation des maires de la Sarthe
4min

Politique

Elections municipales : il n’y a jamais eu autant de maires démissionnaires depuis 2020

Le nombre d’édiles qui renoncent à poursuivre leur mandat n’a jamais été aussi élevé, selon une étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Les démissions ont été multipliées par quatre depuis 2020 par rapport à la période 2008-2014. Les tensions au sein des Conseils municipaux sont invoquées comme première cause de renoncement.

Le

capture La bomba
3min

Politique

Les « films de l’été » 5/8 : « La bombe atomique a modifié à jamais le monde dans lequel nous vivons »

Pour les Américains, la bombe atomique était LA solution nécessaire pour gagner la Seconde Guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un problème environnemental, politique et moral. Comment vivre avec une invention capable de détruire la planète ? Étayé d'images et de vidéos déclassifiées, mais aussi d'archives poignantes consacrées aux victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, « La bombe », du cinéaste américain Rushmore DeNooyer, diffusé cet été sur Public Sénat, convoque également les témoignages d'anciens hommes politiques, d'ingénieurs du projet Manhattan et d'historiens pour raconter cette histoire scientifique, politique et culturelle.

Le