Face aux sénateurs, Thierry Breton tempère ses propos sur l’immunité collective

Face aux sénateurs, Thierry Breton tempère ses propos sur l’immunité collective

Auditionné par trois commissions du Sénat, le commissaire européen a précisé la stratégie sanitaire européenne. Certificat vaccinal, calendrier des livraisons de doses, production par rapport aux Etats-Unis… Thierry Breton a réaffirmé que l’Europe pourrait atteindre l’immunité d’ici juillet. « Si les Etats membres s’organisent très vite », a-t-il nuancé.
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Par Pierre Maurer

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Voilà quelques jours que Thierry Breton le martèle urbi et orbi à qui veut bien l’entendre : l’immunité collective européenne est à portée de doses, toute « proche ». Auditionné ce mardi par les commissions des Affaires Européennes, des Affaires économiques, et de la Culture du Sénat, le commissaire européen chargé des vaccins depuis le 5 février a quelque peu tempéré ses propos des derniers jours jugeant une immunité collective possible le 14 juillet dans l’Union européenne (UE).

Toujours résolument optimiste, et insistant à plusieurs reprises sur sa volonté de « transparence » pour exposer la « réalité », il estime désormais que pour atteindre l’immunité collective, « il faut que les Etats membres s’organisent très vite pour augmenter très significativement la capacité vaccinale ». « Ça, ça n’appartient pas à la Commission » européenne, a-t-il précisé, alors qu’aux Etats-Unis, la vaccination devrait être ouverte à 90 % des adultes d’ici le 19 avril. L’immunité collective contre le covid-19, c’est-à-dire qu’une part suffisante de la population soit immunisée pour stopper la circulation du virus, Thierry Breton la situe toujours aux alentours du « 14-15 juillet », si ce préalable est respecté.

« La production européenne atteindra 2 à 3 milliards de doses à la fin de cette année »

Car à l’écouter, l’Europe est à la pointe en production de doses de vaccins. « L’Europe a produit, depuis le début de la crise, 190 millions de doses de vaccins, nous sommes le premier producteur de vaccins au monde », souligne-t-il et s’appuie sur 53 usines qui tournent « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». Cette chaîne de production monte peu à peu « en puissance ». « Normalement quand on démarre une usine de zéro, il faut 4-5 ans pour une production normale. Là, on l’a fait en une dizaine de mois. C’est totalement inédit ! », fait-il valoir, comparant ce rythme à une « production de guerre ».

Voulant couper court à toute comparaison avec les Etats-Unis, il a rappelé que le voisin d’Outre Atlantique avait une stratégie totalement différente de l’UE. « Ils ont interdit tout export de vaccins en dehors du pays tant que leur immunité n’est pas atteinte. Alors qu’en Europe, on garde 60 % de la production et on fournit 40 % aux pays autour de nous. Ce qui permet aux Anglais d’avoir la politique vaccinale qui est la leur… », soulève-t-il. Avant de détailler le chiffre précis de doses commandées en Europe, en tout « 360 millions » pour le second semestre. « 200 millions de Pfizer, 70 millions d’AstraZeneca, 35 millions de doses de Moderna, 55 millions de Johnson et Johnson et peut-être 10 millions de CureVac », affirme-t-il, qui seront disponibles « fin juin ». « On voit qu’à mi-juillet, sur les livraisons qui ont été commandées et qui sont en production, 420 millions de doses seront livrées dans l’Union européenne », ajoute encore Thierry Breton. Soit le montant « nécessaire » pour vacciner « la population adulte ». Rien que pour la France, 3 millions de doses arrivent « cette semaine ».

En septembre, l’UE devrait ainsi atteindre une capacité de production de « 150 millions de doses par mois ». Et à la fin de cette année, la production européenne atteindra « 2 à 3 milliards » de doses. « Ce qui fera de notre continent, le premier en matière de production vaccinale », précise-t-il.

Passeport vaccinal : « Rien ne sera obligatoire ! »

Dimanche, Thierry Breton avait exposé le principe du « certificat vaccinal ». Interrogé à ce sujet par la sénatrice LR Dominique Estrosi Sassone, le commissaire européen rassure : « Rien ne sera obligatoire ! ». « On n’utilisera jamais le mot passeport. Ça donne le sentiment d’être obligatoire. Il ne le sera pas. Ce sera volontaire », assure-t-il. Selon lui, le certificat comportera des informations « simples » sur la personne détentrice : « Si vous avez été vacciné ou pas, si vous avez des anticorps etc ». Il conclut sur la nécessité d’un tel document : « Il faut des modalités les moins attentatoires à nos libertés mais qui permettent de fluidifier la vie sociale ».

Par ailleurs, Thierry Breton affirme n’avoir « absolument rien » contre le vaccin russe Spoutnik V, qu’une partie de l’opposition aimerait voir être utilisé par la France. Mais le problème est industriel, selon le commissaire européen. « Spoutnik est certainement un très bon vaccin, mais il faut le produire massivement. Les Russes ont déjà des grandes difficultés à le produire en masse pour eux. Ils n’ont vacciné qu’une petite dizaine de millions de leurs citoyens. Pour changer une ligne de production, c’est 10 à 12 mois », oppose-t-il.

Rejet des critiques sur la stratégie européenne

Thierry Breton défend également la stratégie vaccinale européenne avec vigueur, rejetant la faute sur l’entreprise pharmaceutique AstraZeneca en particulier. « La moitié des vaccins dans le monde ont été développés grâce à des fonds européens. C’est un peu une course Europe-USA qui est menée en parallèle », rétorque-t-il à une question de la sénatrice socialiste Laurence Harribey sur l’éventualité d’accorder des « licences gratuites » aux laboratoires pour accélérer la production. « Hélas non, car le problème est d’augmenter la production industrielle. Mais il y a un temps incompressible de 10 à 12 mois et toutes nos usines sont mobilisées », insiste-t-il.

« Est-ce que l’Europe a été défaillante ? Elle aurait pu faire mieux si elle avait eu la Barda (bureau du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis) ? C’est clair. Mais qui a commandé en premier ? Le Royaume-Uni ou l’UE ? C’est l’UE », poursuit-il. Avant de revenir sur l’exemple des retards de livraisons de doses d’AstraZeneca. « Oxford voulait s’associer avec Merck. Il se trouve que le gouvernement britannique a mis son veto car Merck est un laboratoire américain et AstraZeneca est britannique. Nous avons commandé 120 millions de doses à AstraZeneca, et le Royaume-Uni a commandé ses doses. AstraZeneca a délivré ce qui était prévu au Royaume-Uni. Et en ce qui nous concerne, ils ont livré 30 millions au lieu de 120 millions de doses… S’ils nous avaient livré ce qui était prévu, on serait dans la situation de la Grande-Bretagne », cingle-t-il agacé, mettant clairement en cause l’entreprise britannique et son incapacité de fournir toutes les doses dans les temps impartis.

Quant à l’Etat d’Israël, plébiscité à travers le monde pour la rapidité de sa politique vaccinale, Thierry Breton souligne « qu’ils ont donné à Pfizer les données de santé de leurs concitoyens anonymement ». Ce qui aurait été inconcevable en Europe. Mais qu’on ne l’y reprenne plus : si jamais un nouveau vaccin est mis sur le marché, Thierry Breton jure qu’il demandera « immédiatement qu’on aille inspecter la chaîne de production ». Pour éviter une nouvelle déconvenue.

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