18 propositions, comme le numéro d’appel de la profession. Après six mois d’auditions et de déplacements sur le terrain, la mission d’information du Sénat sur la sécurité des sapeurs-pompiers a remis ce 11 décembre ses préconisations pour lutter contre les agressions dont est victime la profession, et mieux accompagner cette dernière.
Les recommandations du rapport, rédigé par trois sénateurs, Catherine Troendlé (LR), Loïc Hervé (UDI) et Patrick Kanner (PS), couvrent aussi bien la prévention de ces menaces, la période d’intervention des soldats, que leur accompagnement après les actes d’incivilités. Pour la commission des Lois du Sénat, il y a urgence à faire « cesser l’inacceptable », car les agressions touchant les sapeurs-pompiers sont en forte augmentation. En dix ans, ces actes ont triplé (1914 agressions de plus en 2017 qu’en 2008). La tendance ne semble pas s’arrêter puisque sur les cinq premiers mois de 2019, on observe une progression de 50 % du nombre d’agressions par rapport à la période de 2018.
« Exposer des volontaires, c’est mettre en péril le système lui-même »
Pour le président (LR) de la commission, Philippe Bas, il en va d’un « enjeu de pérennité », dans un système où 79 % des sapeurs-pompiers du pays ne sont pas des professionnels. « Exposer des volontaires, c’est mettre en péril le système lui-même, car cela peut dissuader d’autres personnes de les rejoindre. »
Le rapport sénatorial fait écho sur certains points aux mesures annoncées par le gouvernement en septembre, plan qui comportait pour l’essentiel des « mesures de recyclage », selon le socialiste Patrick Kanner. Les trois sénateurs recommandent, comme l’exécutif, la mise en place d’une campagne de sensibilisation nationale, pour alerter la population sur la situation des sapeurs-pompiers. En évitant l’écueil d’une campagne « choc », de type Sécurité routière, car elle pourrait « décourager les vocations », prévient Catherine Troendlé, qui préside le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires. Contrairement à une idée reçue, les pompiers caillassés dans un quartier dit sensible ne sont pas le type d’agression le plus répandu. « La grande majorité des violences se fait au domicile de la personne qui appelle au secours », a expliqué la sénatrice.
Pompiers : « Ils continuent à intervenir la boule au ventre » (Kanner)
« Ils continuent à intervenir la boule au ventre », relate Patrick Kanner
À partir de l’expérimentation des caméras-piéton, les parlementaires demandent aujourd’hui la mise en place d’une « véritable doctrine » pour en faire un « outil fiable », dans la prévention ou la réponse pénale.
Au niveau matériel, le rapport préconise de développer des vitrages « feuilletés » sur les véhicules d’intervention, et d’équiper les pompiers de gilets « pare-lames » (plus maniables que les gilets pare-balles et plus adaptés aux menaces). Pour financer cette mesure, la commission suggère de reverser l’économie née en 2017, de la réforme d’une prime versée aux sapeurs-pompiers volontaires, aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Un accent est aussi mis sur la formation des soldats du feu dans « l’autoprotection ».
Clarifier les compétences entre le 15 et le 18, et développer les plateformes communes de réception des appels
Dans le but d’assurer une meilleure « efficacité » des interventions et faire en sorte que les pompiers « se consacrent efficacement à leurs tâches », le rapport demande aussi de mettre fin au « brouillage des compétences entre les services du 15 et du 18 ». Une mesure qui améliorera indirectement la réception des pompiers sur le terrain. Les sénateurs répondent ici à une vieille revendication de la profession, qui a vu ses champs d’intervention s’étendre sans cesse. « Les pompiers ne peuvent pas être les variables d’ajustement des carences des autres services publics », demande Patrick Kanner.
Selon le rapport, il est nécessaire de développer les plateformes communes d’appel d’urgence afin de mieux coordonner les interventions, d’éviter les doublons (envoi simultané de pompiers et du Samu) et d’assurer la présence parfois nécessaire de forces de l’ordre. Certains départements l’expérimentent, comme en Haute-Savoie, souligne le sénateur Loïc Herbé (UDI). Et Emmanuel Macron a déjà fait part de son envie de voir un numéro unique. Pour Catherine Troendlé, il manque une « cohérence entre les bleus, les blancs et les rouges », trois corps qui dépendent de trois ministères, d’où un flottement dans la décision. « Cela doit être tranché par le Premier ministre », demandent les rapporteurs.
Plateforme unique pour les appels d'urgence : « J’en appelle au Premier ministre » (Troendlé)
Plateforme unique pour les appels d'urgence : Catherine Troendlé « en appelle au Premier ministre »
Saisie systématique de la justice
Quant aux réponses après les agressions, les trois sénateurs appellent à généraliser l’assistance juridique des SDIS auprès des sapeurs-pompiers victimes. Ils réclament également que la justice soit systématiquement saisie en cas de violence. Le rapport appelle d’ailleurs le gouvernement que le parcours législatif de la proposition de loi de Patrick Kanner soit « menée à son terme ». Ce texte, adopté au Sénat le 6 mars dernier, donne la possibilité aux sapeurs-pompiers de porter plainte de manière anonyme, afin de les éviter d’être exposés à des représailles. À ce jour, la proposition n’a pas été inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale.
Mais pour de nombreuses autres dispositions, comme la coordination avec des unités de soin psychiatrique, elles peuvent être opérationnelles rapidement. « Le rapport ne comprend pas que des propositions en matière législative. Il y a des choses qui sont de l’ordre des bonnes pratiques, de l’organisationnel », insiste le sénateur Loïc Hervé.
Sécurité des pompiers : « Ces actions doivent être déployées le plus facilement possible » (Loïc Hervé)
Sécurité des pompiers : « ces actions doivent être déployées le plus facilement possible », insiste Loïc Hervé
Interrogé lors des questions d’actualité par ce sénateur, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a indiqué que le gouvernement allait « étudier » les propositions sénatoriales avec « beaucoup d’intérêt », tout en précisant qu’un « certain nombre » de préconisations allait être mis en œuvre.