Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre du logement, Valérie Létard est revenue sur les ambitions du gouvernement en la matière. L’ancienne sénatrice veut faire de son portefeuille un sujet de consensus, au risque d’avancer de manière incertaine.
Faut-il informer les maires de la présence d’un radicalisé dans leur commune ?
Par Public Sénat
Publié le
Le débat n’est pas nouveau. C’est Emmanuel Macron qui le relance. Le chef de l’Etat a annoncé, mardi 22 mai, lors de son discours sur les banlieues, son souhait que les préfets puissent échanger avec les maires sur la présence dans leur commune de personnes fichées pour radicalisation islamiste. On ne parle pas ici des fichés S, mais du FSPRT, le Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. Près de 20.000 personnes sont recensées dans ce fichier.
« Beaucoup de maires disent « j'ai de l'insécurité chez moi, j'ai des fichés S, je ne le sais pas, je voudrais le savoir » », mais le fiché S « n'est pas un terroriste ou en passe de l'être » a souligné Emmanuel Macron, qui préfère viser « les personnes identifiées comme les plus à risque, qui sont dans un fichier qu'on appelle FSPRT (…). Ces personnes-là, pour les plus sensibles, il est normal que le préfet ait maintenant de manière systématique, et dans une charte qu'on va rendre transparente, un dialogue avec les maires pour pouvoir échanger », estime le président de la République. Le ministère de l’Intérieur fera d’ici juillet « des propositions concrètes » pour mettre en œuvre cette annonce.
« Les maires ont un rôle croissant en matière de sécurité »
Une mesure pour le moins bien accueillie par le sénateur UDI Hervé Maurey. En 2016, il avait déposé une proposition de loi pour permettre aux maires de connaître l'identité des personnes fichées S résidant dans leur commune. « Je me réjouis qu’Emmanuel Macron écoute enfin les sénateurs centristes » se félicite le président de la commission du développement durable du Sénat. Pas tout à fait, puisque la proposition d’Emmanuel Macron concerne le fichier FSRT. « L’idée d’avoir un fichier ciblé, c’est une bonne chose. Les fichés S, c’est très large » reconnaît le sénateur de l’Eure, ancien maire de Bernay.
Hervé Maurey souligne que « les maires ont un rôle croissant en matière de sécurité publique et de maintien de l’ordre. Il est logique qu’ils puissent disposer de ces informations importantes ». « Il ne s’agit pas de divulguer ce genre d’information. Le maire peut être lié à une obligation de secret professionnel ou de discrétion. C’était dans la PPL » précise le sénateur.
« Risques de fuites »
Mais la mesure ne fait pas que des heureux. Et pas forcément là où on croit. Le sénateur LR du Rhône, François-Noël Buffet, s’y oppose. « Il ne doit pas y avoir d’accès des maires à ce fichier pour raisons de confidentialité et de responsabilité prise par les maires (…) et de risque de fuites des informations » qui mettrait à mal le travail des services de renseignement, met en garde le sénateur. Pour le vice-président de la commission des lois, ce type de fichier « doit être l’exclusivité (de l’Etat) et être contrôlé par les services de l’Etat ».
François-Noël Buffet n’est en revanche pas contre certains échanges. « Je suis favorable au fait qu’un élu, interrogeant le préfet, puisse être informé des risques existant dans sa commune, avoir des informations à caractère général et qu’il puisse y avoir un échange. D’ailleurs, ça se fait, en pratique » assure l’ancien maire d’Oullins. Mais si le premier édile peut être « informé de situations, c’est très différent d’avoir des informations confidentielles ».
Pour son collègue Philippe Dominati, sénateur LR de Paris, s’est aussi clairement non (voir le sujet de Sandra Cerqueira). « C’est une mauvaise chose » dit le sénateur, qui se demande pourquoi limiter dans ce cas l’information des maires aux seuls radicalisés : « Les fichés S, c’est important. Mais les délinquants sexuels également, tout comme les braqueurs de banques. Dans ce cas, il doit être informé de tous les dangers ». La proposition d’Emmanuel Macron constitue au final un risque, selon Philippe Dominati. « Si les citoyens savent que le maire peut être une source d’information, ils peuvent mettre la pression sur lui. (…) Il doit être protégé dans ce cas. Sinon, on met en danger le maire ». Reste que pour Hervé Maurey, « ça n’a aucun sens de refuser ça aux maires », « c’est aberrant qu’on leur oppose un tel secret, alors qu’ils sont quand même des officiers de police judiciaire ».