Faut-il voir dans le virage à gauche d’Olivier Faure l’influence des insoumis ?
Le coup de gueule d’Olivier Faure à la tribune de l’Assemblée nationale mardi, pendant le débat sur la motion de censure déposée par la Nupes, a été vivement applaudi par les LFI, qui y voient un recentrage du PS vers la gauche. Mais plusieurs élus socialistes, au Sénat notamment, s’agacent du leadership des insoumis au sein de l’opposition et invoquent la nécessité pour le PS « de conserver son identité ».

Faut-il voir dans le virage à gauche d’Olivier Faure l’influence des insoumis ?

Le coup de gueule d’Olivier Faure à la tribune de l’Assemblée nationale mardi, pendant le débat sur la motion de censure déposée par la Nupes, a été vivement applaudi par les LFI, qui y voient un recentrage du PS vers la gauche. Mais plusieurs élus socialistes, au Sénat notamment, s’agacent du leadership des insoumis au sein de l’opposition et invoquent la nécessité pour le PS « de conserver son identité ».
Romain David

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« Je ne fais pas pour la popularité, je fais ce que je crois. C’est vrai que pendant longtemps, peut-être, je me suis restreint parce que je voulais être au point d’équilibre entre les différentes sensibilités. Maintenant, je crois que le moment est venu de dire les choses et d’affirmer ce que nous sommes. » Sur LCI, ce mardi matin, l’heure était presque à l’introspection pour Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste, au lendemain d’une intervention remarquée à la tribune de l’Assemblée nationale, qui a galvanisé les rangs de la gauche et a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux. Le député de Seine-et-Marne s’exprimait dans le cadre du débat autour de la motion de censure déposée par la Nupes contre le gouvernement. L’élu a largement dénoncé ce qu’il considère comme une alliance d’opportunité entre la majorité et le Rassemblement national. Au point de dépasser le temps de parole qui lui était dévolu et de voir son micro coupé par la présidente Yaël Braun-Pivet. Lot de consolation : la standing ovation que lui ont réservée les élus de gauche, y compris les députés LFI présents dans l’hémicycle.

L’image ferait presque oublier les critiques de la veille, et les commentateurs annonçant une rapide dislocation de l’alliance des principaux partis de gauche, une fois les législatives passées. On se souvient des douloureuses tractations du printemps entre La France insoumise et le PS, puis des cris d’orfraie de l’arrière-garde socialiste, notamment des anciens ministres de François Hollande comme Bernard Cazeneuve et Carole Delga, face à un accord électoral ne laissant que 70 circonscriptions au parti de François Mitterrand. Epinglé durant la campagne présidentielle pour ne pas avoir assez mobilisé le PS autour de la candidature d’Anne Hidalgo, Olivier Faure a finalement fait le pari de s’agréger à la dynamique mélenchoniste pour sauver le groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Au risque de se laisser diluer ?

« Jean-Luc Mélenchon n’a aucun titre pour être celui qui distribue le label ‘de gauche’ »

Après son intervention, les Insoumis n’ont pas manqué de souligner un certain recentrage idéologique : « Olivier Faure restera l’homme qui aura remis le PS à gauche, il faut savoir reconnaître son talent, bravo ! », a salué Jean-Luc Mélenchon sur Twitter. « Olivier Faure a fait à la tribune un discours qui rompt de manière extrêmement forte avec ce que le Parti socialiste portait encore il y a quelques mois, et il nous a rendus toutes et tous très fiers », a commenté au micro de LCI la députée Mathilde Panot, cheffe de file des insoumis à l’Assemblée nationale. « Jean-Luc Mélenchon n’a aucun titre pour être celui qui distribue le label ‘de gauche’ dans le pays », s’agace le sénateur de Paris David Assouline auprès de Public Sénat. « Les protestations de la majorité ont eu l’avantage de faire sortir Olivier Faure de ses gonds, ce qui a donné lieu à une saillie remarquée. Mais sur le fond, son intervention s’inscrivait dans la lignée de celle de Boris Vallaud, le président du groupe PS à l’Assemblée. À savoir : montrer son opposition au gouvernement, une opposition qui se distingue de l’opposition de principe parce que prête à ouvrir les bras aux compromis qui vont dans le bon sens. » Notons que tous les députés PS ne se sont pas alignés derrière la motion de censure déposée par la Nupes. Six d’entre eux étaient absents au moment du vote, dont la vice-présidente de l’Assemblée nationale, Valérie Rabault.

Continuer à peser au sein de la gauche

L’opposition de gauche doit rester contrastée et ne pas renoncer à son altérité, insiste-t-on du côté du Sénat, où aucun élu étiqueté LFI ne siège. « Les élus PS chercheront toujours le dialogue et la construction de propositions communes, mais chacun doit garder sa souveraineté. J’insiste là-dessus ! », martèle le sénateur Patrick Kanner, le président du groupe PS. « Il y a la nécessité d’un ancrage et d’une unité à gauche, que nous réclament nos électeurs. Mais il y a aussi cette nécessité pour le PS de conserver son identité face au leadership de la France insoumise », abonde le sénateur David Assouline. Les élus socialistes de la Chambre Haute s’étaient montrés particulièrement réticents face à l’accord PS-LFI. À présent qu’Emmanuel Macron se voit privé de majorité absolue, sénateurs et députés vont devoir travailler de concert s’ils veulent profiter de la reparlementarisation de la vie politique pour peser sur l’élaboration de la loi. Ce qui implique aussi de dialoguer avec les autres composantes de l’alliance, aussi bien les communistes que les Verts… ou les Insoumis.

« Il faut tenir compte du fait qu’il y a désormais un intergroupe à l’Assemblée nationale dans lequel LFI est dominant en nombre de députés. […] C’est une réalité qui n’existait pas dans le quinquennat précédant », admet Patrick Kanner. Mais l’élu du Nord tient aussi à envisager le Parlement comme un tout, afin de faire valoir la prédominance numérique des socialistes, manière de contrebalancer l’influence du parti de Jean-Luc Mélenchon. « Je souhaite vraiment que les deux groupes puissent travailler ensemble, et démontrer en termes de puissance que le principal groupe parlementaire de gauche, entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ce sont les socialistes. Nous avons 64 sénateurs et 31 députés, nous sommes le premier groupe de gauche, l’arithmétique aussi peut avoir un rôle sur le plan politique. »

Apprendre à travailler de concert avec les députés

« Il y a des décisions qui sont prises en commun avec l’intergroupe de la Nupes, cela suppose qu’entre les deux chambres, il y ait aussi une cohérence et une correspondance sur les textes. Il va falloir comprendre quels sont les processus qui peuvent nous engager collectivement », tempère Olivier Faure. Un travail rendu nécessaire par le couac autour de la mission d’information sur les cabinets de conseils. L’annonce par le président LFI de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, du lancement d’une mission d’information sur ce sujet a été plutôt fraîchement accueillie dans les couloirs du Palais du Luxembourg, un peu plus de trois mois après la publication par la Haute Assemblée d’un rapport très médiatisé sur la question. « Un travail sérieux et rigoureux a déjà été réalisé au Sénat par une commission d’enquête transpartisane qui a ensuite déposé une proposition de loi qui ne se limite pas à des ‘polémiques’ ! C’est beau le rassemblement ! », s’est agacée la rapporteur communiste Éliane Assassi dans un tweet.

Ce mardi matin, les sénateurs socialistes ont planché durant leur réunion de groupe sur la manière d’accorder leurs violons avec leurs collègues du Palais Bourbon. « Nous allons renforcer le lien entre les deux assemblées, en travaillant autour de thématiques communes », glisse David Assouline. L’élu parisien évoque ainsi le prochain dépôt d’une proposition de loi commune aux deux groupes sur l’audiovisuel public. Reste à savoir si la cohésion entre les deux chambres se maintiendra durant les débats.

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