« Si une autre politique pénale était autant en échec que celle-ci, s’il y avait 71 hommes morts comme ça sous les coups de leurs femmes, croyez-moi qu’on en ferait une politique publique prioritaire ». Laurence Rossignol, sénatrice socialiste et surtout ancienne ministre des Droits des femmes, a réagi au 71e féminicide de l’année 2019, survenu mercredi 3 juillet.
« Les défaillances de l’État sont meurtrières »
« Sur les 71 féminicides qui ont déjà eu lieu, à plusieurs reprises, les victimes avaient auparavant alerté la police ou la justice et n’avaient pas eu de solutions donc on les a abandonnés à leurs bourreaux », a dénoncé Laurence Rossignol. La victime d’hier avait d’ailleurs déposé une main courante. « Une main courante, d’abord pourquoi une main courante et pas une plainte ? Probablement parce que le commissariat où elle est allée lui a dit « oh ça ira bien une main courante », on ne va pas prendre la plainte », a expliqué Laurence Rossignol, qui veut que le ministère de la Justice et de l’intérieur agissent. « Il faut qu’ils mettent en lumière les dysfonctionnements de leurs services et qu’il y ait des sanctions. Ce n’est pas possible qu’il n’y ait pas de sanctions parce que les défaillances de l’État sont meurtrières. »
Selon l’ancienne ministre du droit des femmes, « nous sommes aujourd’hui dans une situation d’urgence humanitaire en France en ce qui concerne les féminicides ». Elle appelle l’exécutif à sortir de la communication sans actes. « Le gouvernement doit faire mieux que des comptes Twitter pour annoncer son engagement sur le sujet. Un compte Twitter ça ne sauve personne. »
Laurence Rossignol plaide pour une augmentation des budgets des associations, « parce que ce sont elles qui accueillent les femmes en réalité, qui font les mises à l’abri ». « Il faut des places supplémentaires et d’ici la fin de l’année, on peut avoir facilement 200 places supplémentaires et un plan pour les années à venir », ajoute-t-elle. « Donc ce que nous attendons aujourd’hui, c’est que la fameuse « grande cause nationale », dont on ne voit pas bien les résultats aujourd’hui, se manifeste par une mobilisation de tous les ministres concernés et une mobilisation de tous les services de l’État. Pour le moment, on n’y est pas encore », regrette-t-elle.
Néanmoins, la sénatrice socialiste reconnaît qu’il y a eu une évolution dans la prise en compte de ses meurtres, prenant l’exemple du Tumblr de Sophie Gourion
« les mots tuent » qui pointe les titres de presse qui ironisent les conditions d’un féminicide. « Mais cette évolution, on la doit d’abord au mouvement féministe, aux associations et aux femmes engagées », indique-t-elle, appelant à les rejoindre samedi 6 juillet place de la République à Paris.