Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre du logement, Valérie Létard est revenue sur les ambitions du gouvernement en la matière. L’ancienne sénatrice veut faire de son portefeuille un sujet de consensus, au risque d’avancer de manière incertaine.
Fermeture des bureaux de poste : sans carte bancaire, les plus vulnérables privés de ressources
Par Samia Dechir
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900 euros par mois. C’est la retraite que touche Alain Portal. Cet ancien plombier du sud de l’Essonne n’a pas de carte de bancaire. Lorsqu’il a besoin d’argent, il retire du liquide au guichet de sa commune de Boutigny-sur-Essonne. Mais il est aujourd’hui fermé en raison du coronavirus. « J’ai fait des courses pour la semaine, j’ai de quoi tenir dans le frigo. Mais il me reste 10 euros. Je suis un peu inquiet, j’espère que ça ne va pas durer trop longtemps » explique le retraité. Dans cette petite ville de 3000 habitants, beaucoup de personnes âgées sont dans le même cas, explique la maire Patricia Pichard-Bergdolt, « des retraités qui vivent à la petite semaine. Hier, deux d’entre eux étaient paniqués, ils n’avaient plus d’argent liquide, ils se demandent comment ils vont faire les achats de première nécessité. C’est très anxiogène, et aujourd’hui je n’ai pas de réponse à leur apporter » déplore la maire. Boutigny-sur-Essonne est normalement équipée d’un bureau dit « facteur-guichetier » (un postier y tient le bureau en complément de sa tournée). Mais il a fermé la semaine dernière « sans crier gare » déplore l’élue. Elle attend désormais de savoir si Boutigny-sur-Essonne fera partie des bureaux rouverts la semaine prochaine.
Ré-ouverture des bureaux guichetiers en zone rurale
Mercredi soir, La Poste a annoncé la mobilisation de 3 000 personnes supplémentaires - postiers bénévoles, CDD, intérimaires et personnel de la filiale publicitaire MEDIAPOST - pour renforcer son offre. En zone rurale, cela doit permettre la réouverture de 400 bureaux-guichetiers dès la semaine prochaine, assure l’entreprise. L’objectif est d’assurer un point de présence postale à moins de 5 km ou 20 minutes de trajet en voiture pour 60% des habitants en zone rurale. « C’est insuffisant » dénonce la sénatrice Jocelyne Guidez. Mercredi, l’élue centriste de l’Essonne a interpellé la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher sur le sort des personnes âgées privées de services postaux en milieu rural.
Retour de l’ardoise chez les commerçants
Pas satisfaite par la réponse du gouvernement, la sénatrice se dit «très inquiète» pour toutes les personnes âgées qui n’ont ni carte bancaire ni véhicule pour se rendre aux agences postales des communes voisines. « On arrive à des situations dramatiques, aujourd’hui les gens font des ardoises chez leurs commerçants, c’est pas normal, on ne peut pas en arriver là » dénonce Jocelyne Guidez, qui veut relayer « l’incompréhension de la population. Je comprends qu’il faille les protéger, mais comment aujourd’hui on peut dire à une population que vous avez des infirmières qui prennent des risques, des transporteurs, tous les magasins de bouche qui sont ouverts pratiquement, mais que la poste est fermée ? » s’interroge la sénatrice. De son côté, La Poste promet que dès la deuxième semaine d’avril, les 1 000 bureaux-guichetiers des zones rurales seront de nouveaux ouverts.
Assurer le versement des minima sociaux dans les quartiers populaires
Comme ceux des zones rurales, beaucoup d’habitants de banlieue n’ont pas de carte bancaire. La semaine dernière, Christophe Rouillon, maire de Coulaines, s’est étonné de voir le bureau de poste de sa ville fermer « sans aucune concertation ». Particulièrement inquiet pour le quartier Bellevue-Carnac, il a protesté auprès du directeur régional de l’entreprise, car dans cette banlieue du Mans, vit une population « sans moyen de transport, très dépendante du réseau de La Poste pour la perception de ses droits sociaux » décrit-t-il. La Poste s’est engagée à ouvrir de nouveau son bureau de Coulaines le 13 avril. En tout, 250 bureaux supplémentaires seront progressivement ouverts dans les quartiers prioritaires de la ville à partir du 6 avril. « J’ai conscience des difficultés de La Poste en cette période » assure Christophe Rouillon, « notre message semble avoir été entendu ».
Rétablissement du courrier cinq jours par semaine
« Nous avons fait une erreur » a reconnu mercredi Philippe Wahl. Le PDG de La Poste faisait notamment référence à la distribution du courrier et des colis, qui n’est plus assurée que du mercredi au vendredi. « Pourquoi ne pas avoir choisi le lundi, mercredi et vendredi pour assurer une continuité, plutôt que tout regrouper à la fin de la semaine ? » s’interroge la sénatrice Jocelyne Guidez, « les personnes âgées ne reçoivent plus leurs journaux, alors que c’est souvent le seul lien qui leur reste pour avoir des nouvelles de leur coin » ajoute-t-elle. Là aussi, l’entreprise promet de redresser la barre. Un quatrième jour de distribution sera rétabli le lundi ou le mardi, avant d’arriver à une continuité du lundi au vendredi.
La presse locale à rude épreuve
Pour la presse quotidienne régionale, le coup est rude. « Chaque jour, je perds des clients » déplore Christophe Legrand, directeur des ventes du journal Paris-Normandie. Sur environ 23 000 abonnés, 2 500 reçoivent habituellement leur journal par La Poste, du lundi au samedi. Ce sont souvent des personnes âgées, en milieu rural, où la livraison par porteur n’est pas rentable. « On a des annulations, et surtout des suspensions d’abonnement. Ca peut avoir un impact considérable sur notre chiffre d’affaires, et mettre en péril l’entreprise » s’inquiète Christophe Legrand.
5 000 bureaux de poste ouverts d’ici fin avril
Jeudi 2 avril, Edouard Philippe s’est entretenu à Matignon avec le PDG de La Poste Philippe Wahl pour «veiller à ce que l’ensemble des obligations et des missions de La Poste soient bien assurées sur le territoire». A l’issue de leurs échange, le Premier ministre a assuré que 5 000 bureaux de poste seraient ouverts d’ici fin avril contre 1 600 aujourd’hui (sur 7 700). Les collectivités territoriales travaillent aussi à la réouverture des agences postales communales (850 sont encore ouvertes). Souvent interpellés dans leurs territoires frappés par les fermetures de bureaux de poste, les sénateurs ont souhaité entendre le dirigeant de l’entreprise. Philippe Wahl sera auditionné le 8 avril par la commission des affaires économiques du Sénat. «Le ton n’est pas à la polémique, mais à la recherche d’efficacité» assure Sophie Primas, présidente de cette commission.