Il s’agirait d’une évolution du droit majeure sur la question des violences sexuelles. La proposition de loi pour renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sera examinée en séance publique, ce jeudi 3 avril au Sénat. Au cœur des débats ? La question de l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs. Une mesure défendue par Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, qui avait elle-même porté ce texte de loi avant d’être nommée au gouvernement en décembre.
« Pour ces crimes absolus que sont les crimes d’inceste ou de viol commis sur un enfant, ça ne doit jamais être trop tard pour accéder à la justice », a-t-elle résumé, invitée de la matinale de Public Sénat ce jeudi. Cet article avait été supprimé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, mais la responsable milite pour le voir réapparaître devant les sénateurs. L’imprescriptibilité dans ce type d’affaire, qui concernerait uniquement la justice civile dans le cadre de cette proposition de loi, « garantirait » selon elle « la capacité que la parole » des victimes « soit enfin entendue et recueillie par la justice ».
Intégration au Code pénal du contrôle coercitif
Aujourd’hui, le délai de prescription pour un viol sur mineur est de 30 ans à compter de la majorité de la victime. « Je mets beaucoup d’engagement » à promouvoir cette évolution de la loi, poursuit Aurore Bergé. « Il m’a été transmis par des hommes et des femmes que j’ai rencontrés et qui […] ont subi le pire des crimes : l’inceste, un viol en étant enfant ou adolescent. Ils nous interpellent en disant : « Moi, quand j’ai enfin la force, le courage, la possibilité de parler, la justice me renvoie à une nouvelle violence et me dit ce mot terrible de prescription. Elle me dit que c’est trop tard, qu’il fallait parler avant. »
Autre point débattu également via l’examen de cette proposition de loi : l’intégration comme nouvelle infraction du concept de « contrôle coercitif » au sein du Code pénal. Cette notion, initialement définie par un psychologue dans les années 50 lors d’études sur le comportement de soldats américains soumis à leurs geôliers lors de la guerre de Corée, est aujourd’hui transposée au cadre des violences conjugales. « Contrôle de votre téléphone, de vos sorties, de vos fréquentations, de vos tenues, de vos dépenses… Un système qui vous emprisonne […] se met en place et vous empêche de sortir des violences », détaille ainsi Aurore Bergé, qui souhaiterait « mieux sanctionner » ce genre de situation.
Alors que 20 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de l’année, le ministre insiste sur la prévention des élus à la question des violences faites aux femmes. « Notre enjeu est de beaucoup mieux nous former collectivement » en tant que responsables publics pour « détecter, prévenir, accompagner, recueillir la parole » afin de prévenir tout risque de féminicide, a ajouté Aurore Bergé. Lundi, elle a engagé des échanges avec l’ensemble des groupes parlementaires au Sénat et à l’Assemblée nationale pour définir les contours d’une future loi-cadre sur la problématique des violences faites aux femmes.