L'Assemblée a débattu jeudi soir d'une proposition de loi de la France insoumise sur le sujet sensible de l'euthanasie et du suicide assisté, mais sans achever son examen, le texte ayant peu de chances de revenir dans l'hémicycle sous peu.
Le dernier des cinq textes présentés par les Insoumis dans le cadre de la journée réservée à leur groupe ("niche parlementaire") a fait l'objet comme les précédents d'une motion portée par LREM, celle-ci visant à le renvoyer en commission.
Mais les débats ont été interrompus à 01H00 du matin avant le vote de cette motion, le vice-président Sylvain Waserman (MoDem) indiquant qu'il appartiendrait "à la conférence des présidents de fixer les conditions de la poursuite des discussions de cette proposition de loi". Celle-ci a ainsi peu de chances de revenir rapidement dans l'hémicycle, puisqu'il lui faudra en principe attendre la prochaine "niche" réservée aux Insoumis.
Porté par Caroline Fiat, aide-soignante de profession, le texte, inspiré des lois belges et luxembourgeoises, entendait légaliser l’euthanasie et le suicide assisté sous conditions.
Mme Fiat a déploré qu'on repousse "ad vitam aeternam une avancée fortement attendue et même plébiscitée par nos concitoyens", son collègue Alexis Corbière défendant "une grande loi de liberté".
"Sur un tel sujet intime, complexe, les avis sont toujours divers. Légiférer sur la fin de vie est une responsabilité d'autant plus grande", a souligné de son côté la ministre de la Santé Agnès Buzyn, jugeant que la loi Claeys-Leonetti de 2016 "renforce incontestablement les droits des patients" et est "une avancée pour ne pas s'acharner à soigner".
Adoptée après un long processus qui visait le consensus, cette loi prévoit notamment un "droit à la sédation profonde et continue" jusqu'à la mort pour certaines personnes.
Mme Buzyn, qui a rapporté avoir dialogué avec la romancière Anne Bert avant son euthanasie en Belgique, s'est interrogée sur le choix de LFI d'ouvrir l'euthanasie ou le suicide "y compris lorsque la maladie est grave même si elle est curable", jugeant que "c'est prendre le risque d'ouvrir la voie à une euthanasie arbitraire".
Estimant "notre recul insuffisant sur la loi Claeys-Leonetti" elle a dit ne pas souhaiter "qu'une nouvelle loi interfère avec la mission d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi", rappelant en outre l'ouverture récente des Etats généraux de la bioéthique.
"Faut-il voter de telles mesures ce soir? Ce n'est plus possible avant quelques mois" en raison des "concertations multiples" en cours, a aussi estimé Jean-Louis Touraine (LREM). Il avait lui-même déposé fin septembre une proposition de loi favorable à "une assistance médicalisée active à mourir", cosignée par une cinquantaine de ses pairs dont une grande majorité de marcheurs.
Des élus d'autres groupes ont aussi plaidé pour un temps de réflexion, à l'instar d'Alain Ramadier (LR) pour qui il faut se "donner le temps de l'évaluation" de la loi Claeys-Leonetti.
Sébastien Chenu (FN) a, lui, dénoncé l'ouverture d'une boite de Pandore avec ce texte. "Je le reconnais, pour gérer la fin de vie, l'euthanasie est plus simple et moins coûteuse, mais promouvoir cette solution de facilité est-ce là ce qui donne un sens à notre société?", a-t-il lancé, suscitant des protestations dans l'hémicycle très dégarni.
"On a eu un débat très digne sur un sujet particulièrement sensible. Je propose qu'on garde la même tonalité", a souligné au "perchoir" M. Waserman, avant que les débats ne reprennent dans le calme.