C’est aujourd’hui, mercredi 24 septembre que la commission des affaires sociales du Sénat devait examiner deux propositions de loi, une sur les soins palliatifs et une autre sur la fin de vie qui autorise, pour les malades incurables et sous conditions, le recours à une substance létale. Mais la session extraordinaire ouverte le 8 septembre avec le vote de confiance, s’est vite refermée avec la chute du gouvernement Bayrou.
Le texte sur les soins palliatifs porté par la députée Renaissance Annie Vidal avait été adopté à l’unanimité de l’Assemblée nationale en mai dernier. La proposition de loi sur la fin de vie du député du groupe MoDem Olivier Falorni, a été adoptée par 305 voix, contre 199.
En l’absence de gouvernement depuis 15 jours, le risque d’enlisement autour de cette proposition de loi reprend les mesures phares du projet de loi présenté par le gouvernement en mars 2024, mais dont le parcours législatif a été brutalement interrompu par la dissolution.
La proposition de loi permet « une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie mais qui ne veulent pas être condamnés à l’agonie ». Cette aide à mourir « consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale », indique l’article 2. Le malade devra s’administrer lui-même le produit, c’est l’une des principales règles fixées par les députés, à partir d’un amendement du gouvernement. Seule dérogation possible : « Lorsque la personne n’est pas en mesure physiquement d’y procéder », elle pourra alors se faire administrer la substance par un médecin ou un infirmier.
Alors que Sébastien Lecornu fait durer les consultations dans la recherche, pour le moment insoluble, d’un accord de non-censure avec le PS qui ne ferait pas fuir Les Républicains, ce texte pourrait être la victime collatérale de l’instabilité politique. A l’Assemblée nationale, 34 des 49 députés de droite avaient voté contre. Au Sénat, où les LR sont majoritaires avec les centristes, l’examen de ce texte avant les textes budgétaires pourrait tendre un peu plus les positions.
Vers un examen avant le budget ?
En attendant le prochain gouvernement, la commission des affaires sociales se tient prête. « Sous réserve de la nomination d’un gouvernement la semaine prochaine et l’inscription du texte à l’ordre du jour, le scénario envisageable pourrait être un examen en commission le 7 ou le 8 octobre et en séance le 13 ou le 20 », indique le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller. Rien de certain donc. Selon nos informations, l’examen des deux propositions de loi serait prévu sur une semaine.
L’auteur du texte, le député, Olivier Falorni a été auditionné ces jours derniers par les rapporteurs de la commission du Sénat. Alain Milon (LR) et Christine Bonfanti-Dossat. Ils ne cachent pas à leur opposition à ce texte, mais leur avis ne reflète pas les positions de tous les sénateurs », rappelle-t-il.
Contactés par publicsenat.fr, les deux sénateurs ne souhaitent pas dévoiler les pistes de leur rapport. « Mais tout le monde connaît ma position. Si notre rapport n’est pas adopté en commission on déposera des amendements de repli en séance », indique Christine Bonfanti-Dossat. Interrogée sur le sujet l’année dernière, la sénatrice, infirmière libérale de profession, fixait l’ordre suivant. « D’abord on s’attaque au développement des soins palliatifs, puis à l’application de la loi Claeys-Leonetti [le droit d’accéder à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, ndlr]. Et il y aura une clause de revoyure. Ensuite on pourra commencer à envisager une loi sur la fin de vie », préconisait-elle.
« Il ne faudrait pas que les Républicains du Sénat se retrouvent déphasés avec les attentes des Français »
« Au vu du parcours du Premier ministre, il pourrait ne pas être pressé de l’inscrire à l’ordre du jour parmi les premiers textes à examiner », s’inquiète la sénatrice PS, Marie-Pierre de la Gontrie. L’élue de Paris avait elle-même déposé une proposition de loi « visant à établir le droit à mourir dans la dignité » en 2021. « Ce n’était pas la même composition du Sénat mais j’avais eu l’agréable surprise de voir qu’il n’avait été rejeté qu’à 19 voix près (161 voix contre 142) ». Ce jour-là, à peine un centriste sur trois avait, en effet, décidé de rejeter le cœur de la proposition de loi.
« Je sais que ce texte a fait partie des sujets évoqués entre les dirigeants socialistes et le Premier ministre. Une nouvelle loi sur la fin de vie est plébiscitée par plus de 80 % des Français quelles que soient leurs orientations politiques. Il ne faudrait pas que les Républicains du Sénat se retrouvent, une nouvelle fois, déphasés avec les attentes des Français, comme ce fut le cas lors de l’inscription de l’IVG dans la Constitution », met-elle en garde.
« Ça reste un marqueur fort pour certains membres de la macronie »
Olivier Falorni rappelle, lui, l’engagement d’Emmanuel Macron en mai dernier. Le chef de l’Etat avait annoncé qu’il était prêt à recourir au référendum, si le texte faisait face à un « enlisement » au Parlement. « C’est un respect du travail de l’Assemblée nationale qui est en jeu. L’examen de ce texte a été emblématique. C’est à peu près la seule fois, cette année, que les députés ont donné une belle image de l’Assemblée nationale. C’est suffisamment rare pour être noté. Il n’y avait aucune consigne de vote. On était dans la quintessence de ce que doit être un débat parlementaire de fond, sans être pollué par des consignes partisanes », se félicite-t-il.
Tout dépend évidemment du point de vue d’où on se place. La présidente LR de la commission des lois, Muriel Jourda livre une analyse plus pragmatique de l’enjeu. « A titre personnel, je dirais que ce n’est pas une priorité pour la France. Mais ça reste un marqueur fort pour certains membres de la macronie qui pensent pouvoir l’utiliser en bilan ».
Voilà qui promet des débats animés. Mais quand ?