Financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : « Il faut donner à l’administration les moyens de ses missions », prévient la commission des finances

Cinq ans après un premier rapport sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, les sénateurs Arnaud Bazin et Pierre Barros ont présenté ce jeudi 3 juillet un nouveau rapport sur le sujet. Les deux élus pointent un financement trop faible et une politique publique peu lisible.
Henri Clavier

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Malgré le volontarisme affiché depuis 2017 où la lutte contre les violences conjugales a été qualifiée de « grande cause du quinquennat », deux sénateurs de la commission des finances, Arnaud Bazin (LR) et Pierre Barros (communiste), présentaient ce jeudi 3 juillet un rapport sur les limites du financement de la lutte contre les violences faites aux femmes. 

« Si le nombre de féminicides a diminué entre 2020 et 2023, les tentatives ont augmenté sur la même période », pointe le sénateur du Val d’Oise Arnaud Bazin qui rapporte également un « doublement des tentatives de viols ». Les rapporteurs spéciaux de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », rappellent que l’augmentation des crédits alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes ne suffit pas à produire des effets concrets. 

Une hausse des crédits pour le programme dédié, mais des financements disparates 

Si les sénateurs relèvent que les crédits alloués au programme budgétaire 137 « égalité entre les femmes et les hommes » ont presque triplé depuis 2020 passant de 36 millions à 101 millions d’euros, cette somme reste dérisoire estiment les sénateurs. « Il s’agit d’un montant, disons-le, dérisoire, a fortiori lorsqu’on le rapporte au coût des violences pour la société, que plusieurs études ont chiffré à au moins 3,6 milliards d’euros par an », rappelle Arnaud Bazin. En effet, pour les seules violences conjugales, la fondation des femmes a estimé à 3,6 milliards d’euros le coût pour la société. 

Néanmoins, les 101 millions du programme 137 ne sont pas les seuls crédits mobilisés pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ainsi le document de politique transversale qui retranscrit l’ensemble des crédits dédiés à l’égalité entre les femmes et les hommes estime à 5,8 milliards d’euros le financement de cette politique. « Il est difficile de recenser clairement l’ensemble des financements, mais le chiffre de l’administration paraît excessif », affirme Arnaud Bazin. Comme le pointe la commission des finances, le chiffre du gouvernement semble fantaisiste dans la mesure où le document englobe des missions très larges. Par exemple, la rémunération des professeurs chargés de l’enseignement moral et civique fait partie des 5,8 milliards. Partant de ce constat, les sénateurs préconisent un meilleur pilotage de cette politique publique afin d’être « en situation d’évaluer l’impact de ces actions ». 

La nécessité de créer une véritable administration chargée de l’égalité 

Alors que le sénateur du Val d’Oise estime que la politique de lutte contre les violences faites aux femmes « manque d’une véritable boussole stratégique », la commission des finances souhaite renforcer les capacités de pilotage du Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE). « Il faut donner à l’administration les moyens de ses missions […] Le SDFE doit devenir une véritable administration, ce qu’il n’est pas aujourd’hui, relever d’une politique interministérielle et avoir un ministère de tutelle rattaché directement au Premier ministre », pointe Arnaud Bazin. 

Une nouvelle organisation qui devrait permettre de faciliter et de stabiliser le financement des associations qui participent à la lutte contre les violences faites aux femmes. Récemment, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ont alerté sur les retards de versement des subventions de l’Etat et la pression financière que cela engendre sur leurs effectifs. « Les grosses associations sont très impactées par les effets sur la masse salariale », rappelle Pierre Barros qui propose de mettre en place des conventions pluriannuelles pour un versement fixe des fonds. Surtout, une telle mesure pourrait renforcer la visibilité des associations pour mener leur action dans un contexte de réduction des dépenses. 

Trois axes identifiés pour poursuivre la lutte contre les violences faites aux femmes dans un climat de contraintes budgétaires. 

Dans ce contexte de contraintes budgétaires, Pierre Barros identifie trois axes prioritaires sur lesquels il est nécessaire de renforcer l’effort. La première consiste à élargir la lutte contre les violences faites aux femmes hors du couple qui n’est actuellement doté que de 13 millions de crédits et représente pourtant 73 % des violences faites aux femmes. Les dispositifs visant à soutenir le parcours de sortie de la prostitution et le renforcement de l’hébergement d’urgence constituent les deux autres axes prioritaires. 

Sur ce dernier point, les sénateurs attirent l’attention sur la « tension croissante sur l’offre d’hébergement » et plaident pour un développement des « places d’hébergement à destination des victimes et de structurer un véritable parcours de la mise à l’abri jusqu’au retour à l’autonomie en passant par une phase d’accompagnement dans la durée ». Entre 2023 et 2024, les crédits exécutés pour l’hébergement avaient stagné. Avant la présentation du budget, Pierre Barros et Arnaud Bazin appellent donc le gouvernement à se mobiliser sur le sujet pour véritablement passer de la parole aux actes. « On verra dans la maquette budgétaire du projet de loi de finances si les moyens seront réalistes et tout aussi ambitieux que les annonces », déclare le sénateur communiste.

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