« Si Bercy préempte toutes les fiscalités qui ont un intérêt général pour remplir les caisses de l’État, cela pose problème en matière de sécurité routière et d’écologie. » Après avoir interrogé à de maintes reprises la ministre des Transports sur la réalité d’un possible financement des mesures du projet de loi d’Orientation des mobilités (LOM) par les recettes des radars, le sénateur centriste Hervé Maurey n’a pas dissimulé son agacement.
« Il manque 500 millions, comment on les trouve ? »
« J’ai un problème quant à la sincérité de la trajectoire et du financement de ces travaux et investissements » prévus dans la LOM, avait-il confié en début d’audition. Le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable rappelle que la loi de programmation prévoit 27,7 milliards d’euros sur dix ans et estime qu’ « il y a un problème quant à la sincérité de la trajectoire financière » : « Il manque 500 millions, comment on les trouve ? »
En cause notamment, le renoncement du gouvernement à la création d’une vignette poids lourds, en réponse au mouvement des Gilets jaunes. Un manque à gagner qui n’a pas encore été comblé par la ministre des Transports, qui y « réfléchit ». Élisabeth Borne précise vouloir « attendre la fin du grand débat » pour prendre sa décision. Et d’ajouter : « Il s'agit d’une loi de programmation et aucune loi de programmation n'est une loi de finance. »
« Bercy table sur une évolution des recettes des radars »
« On ne peut s'engager dans la loi de programmation sans la certitude d'atteindre les objectifs qu’on se fixe », lui rétorque Hervé Maurey. D’autant que le sénateur centriste semble privilégier une piste, après avoir eu accès à un tableau de prévisions transmis par le ministère de l’Économie et des Finances : « Bercy table sur une évolution des recettes des radars, de 200 à 450 millions d’euros par an ces dernières années, à 650 millions en 2022. »
« Je ne vais pas commenter les tableaux des chefs de bureau de Bercy, qui peuvent faire preuve d’une grande créativité. Je ne sais pas qui ils sont, ni qui les a produits », s’impatiente la ministre. Et d’ajouter : « Ce n’est pas une proposition que le gouvernement reprend à son compte. »
« Au cours des dernières années les recettes des radars étaient dynamiques »
La ministre constate toutefois qu’« au cours des dernières années les recettes des radars étaient dynamiques » et qu « on peut vouloir prolonger des courbes en comptant sur la poursuite de cette dynamique ». Mais il y a une ombre au tableau : beaucoup de radars sont détruits par les Gilets jaunes. Une preuve qu’il s’agit de « recettes fluctuantes » : « donc on peut légitimement s’interroger sur des ressources stables et pérennes dont on a besoin pour financer les transports », conclut l’ancienne chef de la RATP.
« On ne peut pas se réjouir que les recettes des radars soient dynamiques. Les radars n’ont pas été créés pour satisfaire les recettes de l’État, mais afin de satisfaire des objectifs de sécurité routière », s’emporte Hervé Maurey. Le président de commission fait d’ailleurs le parallèle avec la fiscalité écologique, « normalement pas faite pour faire rentrer de l’argent, mais pour influer sur le comportement des citoyens. » Alors que le gouvernement réfléchit au retour de la taxe carbone, abandonnée face à la colère des Gilets jaunes, il devrait réfléchir à deux fois avant de s’engager sur la piste des recettes des radars pour financer les transports.