« Les perspectives des finances publiques pour 2019 sont affectées d'une fragilité toute particulière », a mis en garde l'institution financière, chargée d'évaluer la qualité de gestion des politiques publiques, dans son rapport annuel publié mercredi. « La France, du fait du caractère incomplet de l'assainissement de ses finances publiques, ne dispose que de peu de marges budgétaires pour faire face à un retournement conjoncturel ou à une situation de crise » ajoute-t-elle en référence aux mesures annoncées en fin dernier en plein mouvement des gilets jaunes.
Les dépenses publiques « fragilisées » par les mesures annoncées face au mouvement des gilets jaunes
Dans son projet de loi de finances initiale, le gouvernement avait prévu un déficit équivalant à 2,8% du PIB en 2019, en hausse de 0,2 point par rapport à celui prévu en 2018 en raison de l'impact de la transformation du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de charges.
Mais les mesures « gilets jaunes », chiffrées à 11 milliards d'euros, ont obligé l'exécutif à revoir sa copie. Selon Bercy, le déficit devrait finalement s'établir à 3,2% du PIB cette année, repassant pour la première fois depuis 2016 au-dessus des 3% exigés par les traités européens.
Une situation qui pourrait « dégrader encore la position de la France au sein de la zone euro et faire peser un risque « à la baisse » sur la croissance française, souligne l'institution de la rue Cambon
Urgences hospitalières : fermeture ou transformation envisagée
Les magistrats financiers recommandent de « faire évoluer les services d'urgence à l'activité insuffisante en utilisant tous les leviers disponibles », y compris leur « fermeture » ou leur « transformation en centre de soins non programmés ». Sont particulièrement visés ceux « dont la faible activité, notamment la nuit entre minuit et 8H00, ne permet plus d'assurer la permanence des soins dans des conditions financièrement supportables ».
Fonds européens en Outre-mer : « des défaillances de gestion »
En outre-mer, les Fonds européens structurels et d'investissements (FESI) sont très utilisés, mais la volonté de consommer à tout prix ces crédits conduit parfois à « des défaillances de gestion » et à un « manque de transparence », regrettent les magistrats financiers.
L’État doit se désengager des trains Intercités
« Mal armé pour ce rôle » en raison « de la faiblesse des moyens qu'il peut y consacrer », selon le rapport annuel, l’État devrait se désengager totalement de la gestion des « trains d'équilibre du territoire » (TET, Intercités et trains de nuit) dont il a encore la charge. Les magistrats suggèrent un transfert des « lignes d'aménagement du territoire » (Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye) aux régions concernées et une exploitation sans convention des trains de nuit et des « lignes structurantes » (Paris-Toulouse, Paris-Clermont, Bordeaux-Toulouse-Marseille) « par la SNCF ou ses futurs concurrents ».
EDF doit supprimer « l’avantage énergie » dont bénéficient ses salariés
« L’avantage énergie » se chiffre en milliards d'euros et contribue à plomber les finances du groupe français, estime la Cour. La gratuité de l'abonnement, la fourniture de l'électricité pour environ 4% du tarif de base et l'exonération des taxes sont actuellement offertes aux agents en activité ainsi qu'aux agents retraités pouvant justifier d'au moins 15 ans de services.
Travailleurs détachés pas suffisamment sanctionnés
Alors qu'il n'y a jamais eu autant de travailleurs détachés en France (516.000 en 2017), la Cour se réjouit du « renforcement » de l'arsenal juridique et de « la priorité assignée à l'inspection du travail » (près de 1.000 contrôles par mois en 2017), mais elle déplore le manque de sanctions et le « nombre élevé d'affaires classées sans suite » par les parquets.
Sécurité alimentaire : les procédures de retrait-rappel demeurent « inefficaces »
La France a progressé en matière de sécurité alimentaire, mais quelques zones d'ombre demeurent, telles les procédures de retrait-rappel, qui demeurent « inefficaces ». L'institution financière, comme le Conseil national de la consommation, prône ainsi le blocage en caisse des produits concernés et la publication des retraits-rappels sur un site internet unique.
Radio France : en progrès mais peut mieux faire
En progrès en matière d’audience et de gestion depuis 2015, la « maison ronde » doit pourtant se réformer pour sortir d’une situation financière « inquiétante » estime la Cour. Parmi les pistes envisagées, les magistrats suggèrent de basculer la radio Mouv’ vers une diffusion tout numérique et de mettre fin aux programmes locaux de la station musicale éclectique, FIP. Pour parer à une potentielle « crise financière » au niveau du groupe, et alors que l'État baisse ses dotations à l'audiovisuel public, la Cour émet plusieurs recommandations, dont, en priorité, une renégociation du temps de travail, afin de maîtriser la masse salariale.
Pompes funèbres : « insuffisamment contrôlées » et « manque de transparence »
Selon la Cour, le secteur des pompes funèbres est « insuffisamment contrôlé » et manque de transparence. Les magistrats dénoncent les effets pervers de l'ouverture à la concurrence de ce champ d'activité. Pour mieux contenir les hausses de prix, les magistrats recommandent à l'État de renforcer les contrôles des entreprises et de muscler la législation.
« Quantité importante d’alcool » au Mobilier national
Le Mobilier national, une institution chargée de l’ameublement des résidences présidentielles est « à bout de souffle » selon la Cour des comptes. Collections insuffisamment documentées et mal entretenues, défaillances dans la mise en œuvre des missions, gestion « sclérosée » du personnel, « taux d’absentéisme singulièrement élevé » ou encore « quantité importantes d’alcool » sur les lieux de travail, la Cour critique avec virulence le MNGBS (Le Mobilier national et les Manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie) chargé également de la création d'œuvres contemporaines et de la valorisation du patrimoine.