Avant de poursuivre son marathon budgétaire par l’examen du budget de l’Etat, la délégation aux entreprises du Sénat a fait le choix d’auditionner l’ensemble des représentants du patronat. Les représentants du Medef, de la CPME, de METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire) et de l’U2P (l’Union des entreprises de proximité) ont pu bénéficier d’une oreille attentive, car comme la précisé le président de la délégation transpartisane Olivier Rietmann (LR), seuls une douzaine de sénateurs de droite et du centre ont fait le choix de participer à cette audition. « Le monde de l’entreprise, il y a ceux qui en parlent et ceux qui écoutent avant d’en parler », a-t-il taclé.
« Captation du débat autour de thèses très décalées de ce qu’attendent les entreprises »
Les échanges étaient donc courtois ce matin. Patrick Martin, le président du Medef, a pu faire part de « son plaisir d’intervenir dans une maison apaisée, républicaine et rationnelle », en comparaison avec l’Assemblée nationale. « Ce qui nous heurte au regard du débat politique actuel, c’est une forme de déconnexion par rapport aux réalités du monde et une captation du débat autour de thèses très décalées de ce qu’attendent les entreprises », a-t-il pointé évoquant notamment le sujet des aides aux entreprises.
Un sujet qui avait l’objet cet été d’une commission d’enquête au Sénat dont les travaux avaient conduit à évaluer à 211 milliards le montant de ces aides. Un montant qui ne passe pas auprès du patronat dont les représentants n’ont eu de cesse de le contester ce matin, « la réalité ». « Les aides générales aux entreprises sont autour de 16 milliards », a contesté Philippe d’Ornano, co-président de METI.
« On fait tout dire aux chiffres, ça n’enlève rien, que les entreprises françaises restent les plus taxées de l’Union européenne », a soutenu Patrick Martin, qui avait été auditionné par la commission d’enquête. Il en a retenu l’existence de 2 260 dispositifs d’aide. « Au titre de la simplification, on pourrait gagner beaucoup d’argent en élaguant un certain nombre de dispositifs », a-t-il esquissé.
211 milliards d’aides contre 1 215 milliards de charges
Olivier Rietmann, qui était président de la commission d’enquête sur les aides aux entreprises a fini par apporter son éclairage. « A aucun moment, le rapport (de la commission d’enquête) ne met en cause le montant, ni ne porte un jugement », a-t-il souligné avant de comparer les 211 milliards d’aides aux 1 215 milliards que représentent les cotisations, les impôts de production et les impôts sur les sociétés. « Il reste quand même à la charge des entreprises, un écart de plus de 1 000 milliards », a-t-il mis en avant.
Quant au crédit impôt recherche régulièrement pointé du doigt lorsque les entreprises qui en bénéficient délocalisent une partie de leur production, il est perçu comme « le contrepoint du manque de compétitivité de la France ». « Il nous permet de maintenir dans des conditions difficiles avec des charges sociales plus hautes sur les chercheurs (ailleurs qu’en Europe), des projets en France », explique Philippe D’Ornano. « Ça devrait s’appeler crédit impôt recherche et attractivité », a approuvé Olivier Rietmann.
En ce qui concerne ce qu’on appelle communément « les irritants » du budget, les représentants du patronat se sont émus de la remise en cause à l’Assemblée et dans un rapport de la Cour des comptes, de la niche fiscale du Pacte Dutreil. Il vise à faciliter la transmission des entreprises familiales. « Un pacte Dutreil sans effet positif ? Comment on peut dire une chose comme ça. Ça choque profondément les entreprises familiales qui se sont engagées sur les territoires français », a fait valoir Philipe D’Ornano.
Baisse des aides pour l’apprentissage : « Ça nous touche beaucoup »
Laurent Munerot, vice-président de l’U2P a alerté sur la baisse des primes pour les entreprises, notamment pour les plus petites, qui embauchent des apprentis. Un milliard d’économie est attendu sur ce mécanisme. « Des entreprises s’inquiètent des mesures qui pourraient être prises et ne vont pas prendre d’apprentis. Ça nous touche beaucoup. C’est quelque chose qui est dans l’ADN des entreprises de proximité […] Pour nous, ce n’est pas une aide. Le chef d’entreprise accompagne un élève sur son cursus, il est normal que cet accompagnement soit soutenu par l’Etat », a-t-il mis en avant.
En conclusion, l’ancienne ministre, Sophie Primas a souhaité connaître la position des représentants du patronat sur la proposition du patron de Renaissance, Edouard Philippe. Le candidat Horizons s’est engagé à une réduction massive des impôts de production, en contrepartie d’une baisse des aides « improductives » pour les entreprises.
« La démarche de réduire les aides pour aller vers moins de ponctions, ça nous va très bien. Mais tout ça doit être assez fin et on compte sur vous », a répondu Laurent Munerot à quelques heures du début de l’examen du projet de loi de finances par les sénateurs.