Fiscalité, Economie, éducation… Ce qu’il faut retenir du discours d’Edouard Philippe

Fiscalité, Economie, éducation… Ce qu’il faut retenir du discours d’Edouard Philippe

Le Premier ministre s’est présenté face aux députés, pour son discours de politique générale. L’occasion de lancer plusieurs annonces notamment sur l’agenda politique des réformes. Un discours approuvé par 370 voix, lors du vote de confiance.
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Au lendemain de l’allocution présidentielle à Versailles, c’est le Premier ministre Edouard Philippe qui a pris la parole, ce mardi à l’Assemblée nationale, pour le traditionnel discours de politique générale. Si on pouvait craindre une redite, le président de la République et le chef du gouvernement s’étaient, en fait, divisés les tâches. Au chef d’Etat, les réformes institutionnelles, au patron de l’exécutif, les mesures pour le quotidien des Français.

Durant près d’une heure, Edouard Philippe a donc aligné les promesses pour le quinquennat qui débute. Citant Jacques Chaban-Delmas et Michel Rocard, le Premier ministre a d’abord rendu hommage à ses prédécesseurs. « La France n’a jamais manqué de personnel politique compétent » a-t-il reconnu, cherchant à ménager, comme le mantra présidentiel le réclame, la gauche et la droite. Il s’est surtout félicité de cette nouvelle majorité « rajeunie, féminisée » qui a multiplié les applaudissements durant son intervention. « Cette majorité claire, nul ne la prend pour un blanc-seing » a-t-il convenu. « Elle implique au moins autant de droits que de devoirs. »

Edouard Philippe en a justement profité pour revenir, brièvement sur le projet de loi de moralisation de la vie politique. « Je parle de confiance et non de morale » précise-t-il, affichant sa défiance personnelle contre « l’absolue transparence qui tourne vite au voyeurisme et à l’hypocrisie. » Mais le Premier ministre a néanmoins reconnu l’existence de « pratiques longtemps tolérées » mais que « les Français ne supportent plus. » Tel sera donc l’objectif du projet de loi, désormais entre les mains Nicole Belloubet, la nouvelle ministre de la Justice.

La justice sera d’ailleurs une des premières priorités du gouvernement. « Dans un Etat de droit, rien n’est possible sans une justice forte » assure Edouard Philippe. « Dès 2018, une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice sera présentée. » Avec trois objectifs : dématérialisation, simplification et réorganisation de ce secteur. « Des peines seront renforcées tandis que d’autres incivilités pourront faire l’objet de contraventions plutôt que de procédures plus lourdes mais trop souvent dépourvues d’effets. » Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait ainsi évoqué la consommation de cannabis comme exemple. Edouard Philippe a aussi confirmé la création de 15 000 places de prison supplémentaires.

Edouard Philippe annonce une « loi quinquennale de programmation des moyens de la justice »
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Le Premier ministre a, par la suite, évoqué un sujet délicat : la sécurité sociale. « C’est une partie de nous-mêmes (…) mais le système est mal coordonné» explique-t-il. « La prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé, discutée à l’automne. » Il a ainsi annoncé que les vaccins pour la petite enfance seront obligatoires. De la même façon, le prix du paquet de cigarettes montera progressivement à 10 euros.

Sur le plan de la santé, le gouvernement veut « revoir la façon dont est organisé notre système de soins (…) et apporter un égal accès aux soins » à tous. Un plan de lutte contre les déserts médicaux est ainsi en préparation pour cet automne. Dernier point, l’exécutif veut lutter contre « le renoncement aux soins » en permettant à tous les Français d’avoir accès à des offres « sans aucun reste à charge » pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives. La lutte contre la pauvreté et l’aide aux personnes handicapées seront aussi des axes forts du quinquennat, a promis le chef du gouvernement.

« Rétablir la confiance, c’est aussi affermir le lien entre l’Etat et les territoires » a-t-il poursuivi, souhaitant donner davantage de liberté aux pouvoirs locaux. « La liberté de s’organiser en développant les communes nouvelles ou les regroupements de départements » mais aussi à « adapter localement les organisations pour que partout où c’est possible, nous puissions tendre vers deux niveaux seulement d’administrations  locale, en dessous du niveau régional. Pourquoi ne pas permettre non plus, sur la base du volontariat, à certaines collectivités d’exercer des compétences  pour le compte d’un autre niveau comme par délégation ?» Le Premier ministre est évidemment revenu sur la réforme de la taxe d’habitation, provoquant des remous dans les différentes oppositions. « Je sais cette réforme attendue par les contribuables mais redoutée par les élus » a-t-il admis. « La taxe d’habitation est aussi nécessaire aux budgets locaux qu’elle est injuste dans son calcul et son évolution pour les contribuables. » Il n’a, en revanche, pas précisé de quelle façon la suppression de cette taxe serait compensée. Il a enfin annoncé qu’une conférence nationale des territoires se tiendrait au Sénat, mi-juillet. Précisément le 17 juillet, selon les informations de Public Sénat. « Nous y proposerons un pacte pour les collectivités, pour les accompagner dans la transition écologique et économique. »

Edouard Philippe a ensuite évoqué la laïcité. « Le gouvernement n’acceptera pas que ce principe soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé » a-t-il martelé. « Il le fera respecter sans outrances mais avec une fermeté qui repose sur une idée simple : la laïcité est une condition de ce que nous sommes, la France. »

La culture a été brièvement évoquée, rappelant son importance pour la jeunesse. « Les ministres de l’Education nationale et de la Culture feront de ce chantier une priorité commune. » Un hommage aux militaires a été longuement applaudi tandis que la loi de programmation militaire sera « adoptée dès 2018 », portant l’effort de dépense à 2% du PIB d’ici 2025. « Il y aura d’autres attaques, d’autres drames, d’autres vies fauchées » a prévenu le Premier ministre, en évoquant le terrorisme. « Nous affronterons cette menace avec une calme et une froide détermination. » Outre la loi de sécurité, qui remplacera l’état d’urgence, un projet de réforme, porté par la Justice et l’Intérieur au printemps 2018, devrait permettre de « libérer » les forces de sécurité « de la complexité administrative » et d’établir « une véritable police de proximité. »

« Le courage, c’est aussi de regarder en face le défi migratoire » soutient-il, évoquant des « tensions considérables » dans plusieurs régions. «La semaine prochaine, le gouvernement présentera des mesures qui répondront à trois exigences : une exigence de dignité (…) une exigence d’efficacité (…) et une exigence de solidarité. » Et de résumer l’action du gouvernement : « Accueillir, oui bien sûr. Aider oui, évidemment Subir, non jamais. »

Sur l’éducation. S’il n’est pas revenu sur les mesures liées à l’école primaire et au collège, il a annoncé une profonde réforme du baccalauréat. Une concertation sera lancée dès la rentrée « pour resserrer les épreuves finales autour d’un petit nombre de matières et définir ce qui relève du contrôle continu ». Elle devra aboutir avant septembre 2018 « pour une mise en œuvre complète avant le bac 2021 » a-t-il annoncé. Il en d’ailleurs profité pour critiquer le tirage au sort des étudiants, qui postulent dans des filières encombrées. « Où est l’égalité, où est le mérite ? Nous ne pouvons plus l’accepter. »

Edouard Philippe annonce une réforme du bac effective pour 2021
01:12

« Le courage, c’est aussi de rénover notre modèle social » a poursuivi le chef de l’exécutif. « Le code du travail est le même pour tous  mais le niveau de protection n’est pas le même dans les grands groupes, dans les PME ou pour celui qui cumule des CDD. » Evidemment, dans le viseur, le très sensible projet de loi sur le travail. « Nous avançons sans précipitation, nous sommes encore dans le temps de la concertation avec les partenaires sociaux » assure le Premier ministre, tandis que les députés de la France insoumise affichaient un code du travail sur leur pupitre. « A la fin de l’été, viendra le temps de la décision, lorsque les ordonnances seront publiées. »

Edouard Philippe a ensuite évoqué la fiscalité en rappelant, sous les critiques notamment de la droite, la hausse de la CSG au profit d’une baisse des cotisations salariales sur l’assurance maladie et l’assurance chômage. « Cela représente 250 euros par an au niveau du smic » a-t-il assuré. « Les contribuables ne seront pas la variable d’ajustement du budget, au contraire. Les prélèvements obligatoires baisseront de 20 milliards d’ici 2022. »

Concernant les finances publiques, le premier ministre a dressé un constat « grave » rappelant le « dérapage » de 8 milliards constaté dans le dernier budget. « Chaque année, la France dépense 42 milliards d’euros pour rembourser ses intérêts. C’est 5 fois le budget de la justice, cette dette nous met à la merci des marchés financiers. Si une nouvelle crise survenait, nous n’aurions plus de marges de manœuvre » a-t-il martelé. « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort (…) combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu’il ne voit pas », déclare-t-il, citant une vieille rengaine de Bob Dylan. « Mon objectif est de ramener le déficit sous la barre des 3% dès 2017 » a-t-il promis. Pour cela, le gouvernement annonce « stopper l’inflation de la masse salariale du service public » et promet qu’ « aucune niche fiscale ne sera sanctuarisée. »

« Dès cette semaine, le ministre de l’action et des comptes publics réunira l’ensemble des administrations publiques pour dessiner une trajectoire et une méthode  globale de redressement financier » précise-t-il. Dès la rentrée, le gouvernement présentera le budget 2018 et une loi de programmation des finances publiques qui portera sur la durée complète du quinquennat. »

La transformation du CICE prévue pour "janvier 2019"
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Concernant l’économie, « la France doit être de nouveau conquérante » a-t-il martelé. Il a rappelé que le CICE « sera transformé en un allégement de charges qui seront nulles au niveau du Smic » mais la mesure ne sera finalement en vigueur que le « 1er janvier 2019. » De la même façon, la baisse de l’impôt sur les sociétés sera finalement « réduit par étapes de 33,3% à 25% d’ici 2022. » Il a enfin annoncé la suppression du RSI en 2018, adossé au régime général. Quant à l’ISF, il sera resserré au seul patrimoine. « La réforme sera votée dès cette année et entrera en vigueur dès 2019. »

 Promis lors de la campagne, le gouvernement lancera son « grand plan d’investissement de  50 milliards d’euros » avec des projets sur la transition écologique, la santé ou encore les transports. Le plan est porté par l’économiste Jean Pisani-Ferry. Chose rare dans l’hémicycle, le Premier ministre a évoqué l’arrivée rapide de l’intelligence artificielle dans le monde technologique. « Cette révolution nous touchera tous, dans tous les domaines de la production. Nous devons nous y préparer.» Une stratégie nationale doit être déterminé par le secrétaire d’Etat au Numérique dans les mois à venir.

Concernant l’écologie, le Premier ministre a notamment annoncé la convergence essence /diesel pour la fin de la mandature. « Nous voulons arriver à la neutralité carbone d’ici 2050 » promettant de ne plus attribuer de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbure ».

Le chef de l’exécutif a, par la suite, insisté sur la question du logement. Une loi à l’automne simplifiera les procédures » pour construire de nouveaux logements. « Les procédures de permis de construire seront accélérées, les recours abusifs sanctionnés » a avancé Edouard Philippe.

Après avoir évoqué brièvement l’Europe, si décriée ces derniers mois, le Premier ministre a conclu en faisant appel à l’unité. « Œuvrons ensemble pour qu’à la fin du quinquennat la France ne regrette pas d’avoir choisi l’optimisme et la confiance. » La confiance, justement, le Premier ministre l'a obtenu avec 370 voix "pour" sur 437 suffrages exprimés. Seuls 67 députés ont rejeté la confiance.

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