« Flying doctors » dans la Nièvre : « C’est surtout pour pallier les dérives de l’intérim que le maire a pris cette décision »

« Flying doctors » dans la Nièvre : « C’est surtout pour pallier les dérives de l’intérim que le maire a pris cette décision »

Le maire de Nevers a pris la décision de faire venir par avion, une fois par semaine, des médecins en provenance de Dijon. Un remède, selon lui, à la désertification médicale de sa commune mais aussi aux dérives des coûts des intérimaires. « Une bonne idée » pour la sénatrice centriste du département, Nadia Sollogoub qui regrette toutefois le traitement médiatique peu flatteur pour son département.
Simon Barbarit

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Un pont aérien pour relier Dijon à Nevers, l’idée peut paraître farfelue, elle est pourtant devenue réalité ce jeudi 26 janvier. Le maire de Nevers dans la Nièvre, un département qui fait face à une pénurie de médecins a décidé d’employer les grands moyens. Huit médecins, pneumologues, cardiologues, gynécologues, et généralistes, sont arrivés par avion depuis Dijon ce matin pour rejoindre l’hôpital de la ville, chef-lieu de la Nièvre (200.000 habitants). Ils doivent retourner à Dijon le soir même.

« L’avion est le meilleur moyen de raccourcir les délais alors que l’hôpital de Nevers est, en France, l’hôpital départemental le plus éloigné d’un CHU, où des médecins peuvent être disponibles », a expliqué Denis Thuriot, maire (Renaissance) de Nevers et président du Centre hospitalier (CH) de Nevers.

Dijon et Nevers sont deux villes distantes de 200 kilomètres, mais le trajet en voiture prend près de 3 heures et en train plus de deux heures. La ligne de TER va, en outre, être fermée pour travaux quelques mois cet été.

« Ça donne l’impression qu’on est ravitaillé par les corbeaux »

La sénatrice centriste de la Nièvre, Nadia Sollogoub rappelle qu’une vingtaine de praticiens de Dijon viennent régulièrement faire des consultations dans la Nièvre. « Mais cette perte de temps médical est une ineptie. Donc c’est plutôt une bonne idée de les faire venir par avion ». Membre du conseil de surveillance du centre hospitalier de Nevers, elle insiste toutefois sur la nécessité « d’avoir l’adhésion de l’ensemble des professionnels de santé du centre pour que ça puisse fonctionner. Ces flying doctors ce ne peut être que temporaire. C’est dans l’attente de l’installation de nouveaux médecins dans la Nièvre. Il ne faut pas croire que personne ne veut venir s’y installer », assure-t-elle.

En ce sens, la sénatrice indique avoir été gênée par le traitement médiatique de l’évènement, largement couvert par les chaînes d’information continue. « Ça donne l’impression qu’on vit dans un désert et qu’on est ravitaillé par les corbeaux. Même si on a des manques dans certaines spécialités, on a quand même des professionnels de santé dans la Nièvre », insiste-t-elle.

« C’est surtout pour pallier les dérives de l’intérim que le maire a pris cette décision »

Interrogé par l’AFP, directeur du Centre hospitalier, Jean-François Segovia a quant à lui été un peu plus alarmiste. « La densité médicale a baissé de 21 % dans la Nièvre entre 2012 et 2022. On a 68 médecins pour 100.000 habitants contre une moyenne de 121 en France. Il n’y a pas de dermatologue, un seul rhumatologue, un allergologue… 20 % des patients n’ont pas de médecin traitant ».

« Plus que la désertification, c’est surtout pour pallier les dérives de l’intérim que le maire a pris cette décision », relève Alain Milon rapporteur LR de la loi Rist adoptée en 2021 et dont l’application a été plusieurs fois repoussée. Le texte vise, notamment, mettre fin aux « mercenaires de l’intérim médical ». Elle oblige le comptable public à rejeter les paiements au-delà du plafond fixé par décret. La rémunération de l’intérim médical est limitée à 1 170 euros par tranche de 24 heures depuis 2017, une limite qui est difficilement respectée par les hôpitaux, en tension permanente. La loi oblige également les directeurs généraux des agences régionales de santé à déférer devant la justice administrative les contrats qui seraient en dehors des clous. Le texte devrait entrer en vigueur au printemps conformément à l’engagement du ministre de la Santé, François Braun.

En effet, Denis Thuriot a fait le calcul. « Cela coûte 670 euros l’aller-retour par passager », alors qu’un médecin intérimaire peut demander jusqu’à 3.000 euros la journée », a-t-il comparé. En novembre 2021, Public Sénat s’était rendu à l’unité d’accueil de premiers soins à Château-Chinon dans la Nièvre. Les trois médecins titulaires de l’hôpital étaient partis pour des raisons personnelles sans aucun candidat pour prendre leur suite. Devant nos caméras, le directeur de l’hôpital confiait son dilemme pour ne pas être obligé de fermer des services. « Si on veut convaincre un médecin de Marseille, de Lyon de venir dans le Morvan, s’il trouve chez nous la même rémunération qu’il trouverait au pied de sa porte, il n’a aucune raison de venir. On est obligés de donner plus ».

« Une nouvelle manifestation de l’injonction contradictoire à laquelle sont confrontés les chefs d’établissements »

La sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge dénonce la « situation ubuesque » née du report de la loi Rist. « C’est une nouvelle manifestation de l’injonction contradictoire à laquelle sont confrontés les chefs d’établissements : refuser les surfacturations et assurer la continuité des soins. Lors des débats parlementaires, la sénatrice avait demandé que toutes les ARS (agence régionale santé) contrôlent dans chaque territoire le bon respect de la réglementation, pour « assécher l’offre de mercenaires ».

Le sénateur, Alain Milon regrette lui aussi « me manque de volonté politique » qui a conduit au retard pris dans l’application de la loi destinée à encadrer la rémunération des intérimaires dans les hôpitaux publics. « Ce qu’a fait le maire de Nevers est intéressant. Il ne critique pas les médecins, ni l’administration. Il fait parler de lui en disant : puisque personne ne fait rien, j’agis ». Même si bien sûr, ce n’est pas terrible d’un point de vue écologique ».

« Arrêtons l’avion-bashing. Des avions décollent tous les matins avec des hommes d’affaires et on n’entend personne vociférer », s’est défendu l’édile, sur ce point. Le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard évoque pour sa part « un aveu d’échec ». « Au lieu de trouver des solutions anachroniques, cet élu, qui fait partie de la majorité, devrait s’interroger sur les raisons du manque de médecins à Nevers. Ce n’est pas qu’une question de rémunération, il y a aussi les conditions de travail dans les hôpitaux. Pour que les médecins s’installent dans les déserts médicaux, ils ont également besoin de services publics. Année après année, le gouvernement réduit le nombre de fonctionnaires. Il ne faut pas s’étonner si on arrive à ce genre d’aberration ».

 

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