FN: amende requise pour le parti, l’État demande près de 12 millions d’euros

FN: amende requise pour le parti, l’État demande près de 12 millions d’euros

Le parquet de Paris a requis mercredi une amende de 500.000 euros contre le FN dans l'affaire des kits de campagne des législatives de 2012, l...
Public Sénat

Par Benjamin LEGENDRE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le parquet de Paris a requis mercredi une amende de 500.000 euros contre le FN dans l'affaire des kits de campagne des législatives de 2012, l'avocat de l'Etat réclamant quant à lui 11,6 millions d'euros de dommages et intérêts qui ont suscité la colère du parti frontiste.

"Montages fumeux", "prêts fictifs", "prix excessifs": dans un réquisitoire à deux voix, les procureurs Céline Ducournau et Nicolas Barret ont détaillé pendant six heures une "litanie d'escroqueries" destinées à "détourner de l'argent public de manière systémique".

"Entendez-vous les grondements actuels des justiciables ?", ont-ils demandé au tribunal correctionnel en réclamant la condamnation des sept protagonistes jugés depuis le 6 novembre.

Ils ont réclamé la peine la plus lourde contre Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen, autour duquel "tout le système tient": quatre ans de prison, dont deux avec sursis, 200.000 euros d'amende et une interdiction de gestion définitive pour ce patron de la société de communication Riwal.

Des cadres du Front national devant la justice
Début du procès de cadres du Front national, soupçonnés d'escroquerie
AFP

Ancien président du Gud, le syndicat étudiant d'extrême droite, M. Chatillon, 51 ans, est aussi accusé de s'être enrichi frauduleusement en détournant les bénéfices juteux engrangés par ses sociétés dans l'affaire.

Contre deux cadres du parti, le trésorier Wallerand de Saint-Just et le juriste Jean-François Jalkh, le ministère public a requis de la prison avec sursis, respectivement dix mois et deux ans. Il a aussi réclamé leur inéligibilité, pendant deux ans pour le premier, élu francilien, et cinq ans pour le second, eurodéputé.

Dans la matinée, l'avocat de l'Etat avait réclamé 11,6 millions d'euros de dommages et intérêts pour les législatives de 2012.

Cette somme, très supérieure aux amendes prévues par le code pénal, est, en cas de condamnation, beaucoup plus inquiétante pour les finances déjà mal-en-point du parti frontiste, devenu Rassemblement national en 2018.

Tenant pour responsable le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Édouard Philippe, le RN a dénoncé sur Twitter une "volonté de ces politiciens de tuer le RN, plutôt que de le laisser gagner dans les urnes !"

- "aller-retour comptable" -

Pour l'accusation, le FN a joué, en pratique, "un rôle de premier plan" dans ce système de kits -tracts, affiches, site internet, prestations comptables...- vendus par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et fournis par Riwal.

Jean-François Jalkh, eurodéputé du Rassemblement National (RN), arrive au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
Jean-François Jalkh, eurodéputé du Rassemblement National (RN), arrive au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
AFP

Ces kits "obligatoires", "identiques", "non-modulables", "surfacturés", cachaient, selon le parquet, une manoeuvre frauduleuse "pour constituer des fonds à partir des remboursements prévus de l'Etat", qui couvre les dépenses des candidats ayant dépassé 5% des voix.

Jeanne, dont le parquet demande la dissolution, prêtait en effet le montant du kit, et les intérêts du prêt, aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasi dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros.

Le micro-parti attendait ensuite le remboursement étatique pour payer Riwal, son unique intermédiaire auprès des imprimeurs.

"Ils s'entendent sur le dos de l'Etat et pour les candidats l'opération est blanche", ont relevé les procureurs.

- "banque fictive" -

Depuis trois semaines, la défense, en bloc, a tenté de justifier la légalité et l'ingéniosité de ce système, imaginé pour pallier les difficultés de financement du FN après les catastrophes électorales de 2007.

Leur argument principal ? La validation intégrale des dépenses des candidats par la Commission nationale des comptes de campagne en 2012.

Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen, et Axel Loustau (en arrière plan) au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen, et Axel Loustau (en arrière plan) au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
AFP

Mais pour le ministère public, la Commission a été trompée, n'ayant pas de vision globale sur le système ni sur le rôle de "banque fictive" joué par Jeanne, ni sur la confusion entre le micro-parti et Riwal, géré de fait par le même homme, Frédéric Chatillon.

Les représentants du parquet ont aussi appelé à sanctionner des opérations suspectes lors de la présidentielle de 2012 et d'autres campagnes électorales jusqu'en 2015.

Ont enfin été requises des peines allant de 12 mois de prison avec sursis jusqu'à six mois ferme pour quatre proches de M. Chatillon: sa compagne Sighild Blanc, l'élu francilien Axel Loustau ainsi que leurs amis Olivier Duguet et Nicolas Crochet, l'expert-comptable, désormais sous la menace d'une interdiction d'exercer.

Les avocats de la défense plaident jeudi et vendredi.

Dans la même thématique

Paris: French New Government Weekly Cabinet Meeting
4min

Politique

Agriculture : Michel Barnier annonce des prêts garantis et une aide de 75 millions d’euros, les éleveurs attendent de voir

En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.

Le

Saint Ouen : Karime Boumrane new political movment France Humaine et Forte
8min

Politique

Glucksmann, Bouamrane, Delga : « Le crépuscule du macronisme peut faire espérer une reconstruction à gauche »

Karim Bouamrane qui lance son mouvement, Raphaël Glucksmann qui veut donner à Place publique une nouvelle dimension, sans oublier Carole Delga, tout ce qui gravite autour de la social-démocratie s’active et s’organise, en vue, déjà, de 2027. Mais avec un paradoxe : cette gauche anti-Mélenchon ne peut faire totalement sans LFI pour l’emporter.

Le

Politique

Dette : « la France fait partie des moins bons élèves » reconnait cette eurodéputée macroniste

Alors que la dette plombe l’économie de nombreux États européens, dont la France, les 27 doivent faire face à un immense défi de compétitivité et de croissance. 800 milliards d’euros d’investissement seraient nécessaires chaque année, selon le rapport rendu par Mario Draghi. Une équation impossible à résoudre ? Décryptage dans Ici l'Europe avec trois députés européens.

Le

FN: amende requise pour le parti, l’État demande près de 12 millions d’euros
3min

Politique

Immigration : « Il faut faire attention à ce que l’on dit sur ce sujet-là », s’agace Laurent Marcangeli après les propos de Bruno Retailleau

Au micro de Public Sénat, Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizons à l'Assemblée nationale, a tenu à se démarquer des propos polémiques tenus par le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, sur l’immigration. Une situation qui en dit long sur les lignes de fracture qui traversent les soutiens au gouvernement.

Le