FO, CGT, CFDT : Vent de renouvellements à la tête des principaux syndicats français

FO, CGT, CFDT : Vent de renouvellements à la tête des principaux syndicats français

Force ouvrière conclut son congrès à Rouen, où Frédéric Souillot devrait succéder à Yves Veyrier au poste de secrétaire général. À la CGT, Philippe Martinez ne se représentera pas l’an prochain. Quant à Laurent Berger, le leader de la CFDT, il a prévu de passer lui aussi la main, avant même la fin de son prochain mandat.
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Dans les prochains mois, préparez-vous à voir de nouveaux visages à la tête des principales centrales syndicales. Troisième syndicat français, Force ouvrière achève ce vendredi son congrès dans l’agglomération rouennaise, au cours duquel un nouveau secrétaire général sera élu. Un renouvellement est aussi attendu à la CGT, qui tient son congrès en mars 2023. Philippe Martinez a annoncé qu’il ne briguerait pas sa succession. Quant à la CFDT, qui organise son 50e congrès à la mi-juin, Laurent Berger va se représenter mais cédera sa place en cours de mandat.

À Force ouvrière, la continuité après le mandat d’Yves Veyrier

Arrivé à la tête du syndicat en 2018, dans un contexte de crise, Yves Veyrier ne sollicitera pas un deuxième mandat. Le Comité confédéral national doit procéder ce vendredi à l’élection du nouveau secrétaire général. Frédéric Souillot, 54 ans, un profil réformiste, secrétaire confédéral au secteur de l’organisation et des affaires juridiques, devrait être désigné, face à Christian Grolier, qui occupe la tête de la Fédération générale des fonctionnaires. Inconnu du grand public, il devra s’imposer comme Yves Veyrier en son temps, et gérer des dossiers lourds dans les prochains mois.

Selon Stéphane Sirot, historien spécialiste du syndicalisme, la succession devrait cette fois s’organiser de manière apaisée, après le scandale en 2018 autour de Pascal Pavageau et les accusations de fichier occulte. « L’enjeu chez eux, c’est de faire vivre cette synthèse compliquée qu’a voulu incarner Force ouvrière. La capacité à faire vivre cet équilibre déterminera le plus le prochain mandat », détaille l’enseignant de l’université de Cergy-Pontoise. « Il a un soutien assez large de tous les courants, il va être tranquille sur ce plan », estime de son côté Jean-Marie Pernot, chercheur associé à l’Institut de recherche économique et sociale (IRES).

Philippe Martinez souhaite qu’une femme prenne la relève

La configuration est très différente à la CGT, où le leadership de Philippe Martinez, secrétaire général depuis 2015, a été progressivement été fragilisé. « La situation de la CGT est celle d’un état de tensions extrêmement forte », analyse l’historien Stéphane Sirot. « Certains critiquent les méthodes de direction de Philippe Martinez et lui reprochent d’avoir une façon de gouverner très personnelle, voire très antidémocratique, avec des décisions importantes non validées par les processus traditionnels ». La ligne confédérale est également contestée, et certaines confédérations n’hésitent pas à construire leur propre ligne. La mobilisation du 31 mars est en exemple récent, puisque quelques fédérations (services publics, énergie ou encore cheminots) ont appelé à une journée d’action, sans que la confédération ne lance un appel. « Ce congrès peut dessiner une configuration extrêmement clivée. L’état de tensions internes est tel que rien n’est à exclure », selon Stéphane Sirot. Jean-Marie Pernot juge également la situation sérieuse. « On est dans une fragmentation de l’organisation assez périlleuse. Il y a un risque de démembrement. »

Malgré son mode de gestion questionné, Philippe Martinez aurait déjà songé à la suite. Il compterait proposer à la commission exécutive confédérale la candidature de Marie Buisson, 53 ans, secrétaire générale de la Ferc-CGT (Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture). Elle a été professeure de lettres et d’histoire-géographie en lycée professionnel. L’arrivée d’une femme serait une première à la CGT. Jusqu’à présent, seules deux femmes ont été élues à la tête d’un grand syndicat français : Nicole Notat à la CFDT (1992-2002) et Carole Couvert à la CFE-CGC (2013-2016). Mais il ne suffit pas qu’un secrétaire général fasse part de sa volonté pour que sa candidate soit élue. Après tout, Bernard Thibault en 2013, au moment de sa succession, souhaitait lui aussi l’arrivée d’une femme.

Pour Stéphane Sirot, le profil de Marie Buisson serait « tout à fait inédit d’un point de vue sociologique ». « La CGT est plutôt un syndicalisme de tradition ouvrière ou ouvriériste. » Bernard Thibault était cheminot, Thierry Lepaon ouvrier, et la Fédération de l’éducation est l’une des moins importantes numériquement de la CGT.

Le chercheur Jean-Marie Pernot y voit plutôt la « traduction d’une pression sociologique ». « Depuis plusieurs années, les flux d’entrée sont majoritairement féminins », détaille-t-il. C’est particulièrement vrai dans les métiers de la santé et des services à la personne, alors que le syndicalisme dans le milieu ouvrier se tasse. D’où le choix stratégique de Marie Buisson. « Cela correspond à un souhait de modifier l’image de la CGT, image qui freine actuellement son implantation dans les milieux féminisés. » En tout état de cause, le chercheur associé à l’IRES estime que le profil est « très adapté à la situation ». « Elle apporterait un peu de sang neuf à la façon de gérer cette maison, mais ce n’est pas gagné ».

À la CFDT, Laurent Berger passera la main en cours de mandat

La Confédération française démocratique du travail, incarnée par son secrétaire général Laurent Berger depuis 2012, va également tourner une page de son histoire. Laurent Berger va être candidat au prochain congrès mais laissera prématurément sa place, sans aller au terme de son prochain mandat, comme François Chérèque en son temps. Comme à la CGT, une femme pourrait faire son retour à la tête de la Confédération, 30 ans après l’arrivée de Nicole Notat. « La CFDT passera la main à une femme, c’est pratiquement certain », anticipe Jean-Marie Pernot. La secrétaire générale adjointe, Marylise Léon, est un nom qui circule.

Dans quel état est aujourd’hui la CFDT ? « La CFDT est aujourd’hui très homogène, tellement homogène que les processus de succession ne se font plus dans les congrès », observe l’historien Stéphane Sirot. « Cela peut être un atout, car cela réduit les dissensions, mais cela réduit les débats. Il faut des pratiques de rechange ».

Jean-Marie Pernot pointe surtout une « marginalisation » de la CFDT, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. « La direction ne peut pas faire comme elle faisait il y a 5 ans. Il y a des débats internes, mais qui ne s’extériorisent pas. Il y a beaucoup d’états d’âme sur la ligne suivie. »

Et malgré sa première position dans les organisations représentatives, en termes numériques, la centrale reste confrontée, comme les autres, à la difficulté à recruter de nouveaux adhérents. « Ils savent lire les chiffres. Ce n’est pas la CFDT qui est devenue première, c’est la CGT qui est devenue seconde », observe Jean-Marie Pernot. La question de l’influence et du taux de syndicalisation sera l’un des défis majeurs auquel devront s’atteler les prochaines figures du syndicalisme français. Et ce, dans un quinquennat qui s’annonce agité sur le plan social, avec les problématiques de pouvoir d’achat et la réforme des retraites qu’engagerait Emmanuel Macron, si sa majorité était reconduite.

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