François Bayrou écarte une suspension de la réforme des retraites
A quelques heures du discours de politique générale, le premier ministre a commencé à donner ses arbitrages aux présidents des groupes du socle commun.
Par Public Sénat
Publié le
Tour de vis pour les fonctionnaires. Les syndicats ont fait grise mine lundi soir en sortant du bureau de Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics. 3h30 de réunion avec leur ministre de tutelle pour lors annoncer que la poursuite du plan de revalorisation des carrières des fonctionnaires, décidée sous François Hollande, serait reportée d'un an. En parallèle, un geste est fait sur la compensation de la hausse de 1,7% la CSG. Insuffisant pour les syndicats.
L’économie réalisée cette année serait de 800 millions d’euros pour l’Etat. Gérald Darmanin a justifié ce choix par les « contraintes budgétaires » et le coût du plan de 4 milliards d'euros en année pleine, « dont 82% ne sont pas financés », et de 11 milliards d'euros jusqu'en 2021 en cumulées. Le ministre a confirmé le gel du point d'indice, qui sert au calcul de la rémunération des fonctionnaires, en 2018, ainsi que l'instauration d'un jour de carence pour les agents (arrêt maladie rémunéré à partir du deuxième jour, NDLR), qui n'est pas compensé par leurs employeurs, contrairement au secteur privé.
« Les fonctionnaires et les agents sont les sacrifiés de ce gouvernement », s'est indigné Baptiste Talbot, de la CGT, premier syndicat de la fonction publique. « Nous sommes profondément déçus puisqu'il n'y a pas de mesures nouvelles », a réagi Bernadette Groison (FSU). « On est globalement insatisfait », a renchéri Christian Grolier (FO), qui n'a pas exclu « une nouvelle mobilisation », déjà souhaitée par la CGT et Solidaires. Quant à la compensation de la CSG, tous les syndicats ont fait valoir qu’elle ne valait pas augmentation du pouvoir d'achat. Le ministre a répondu que celui-ci ne serait augmenté « par des mesures générales, mais par des mesures fondées sur le mérite ».
Ce report d’un an est dénoncé à gauche. L’ancien ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports de la fin du quinquennat Hollande, le sénateur PS Patrick Kanner, y voit avant tout « une logique libérale ».
« Les fonctionnaires ont fait beaucoup d’efforts. Le gouvernement, auquel j’ai appartenu, a débloqué le point d’indice de manière significative. Donner du pouvoir d’achat aux fonctionnaires, ce n’est pas contraire aux intérêts économiques de la France », souligne le sénateur du Nord. « La fonction publique devient une forme de variable d’ajustement des besoins financiers du budget de l’Etat, c’est tout à fait dommageable » ajoute Patrick Kanner (voir la vidéo, images de Stéphane Hamalian).
Pour le président de la commission des finances du Sénat, le sénateur PS Vincent Eblé, « ce report n’est pas opportun ». Il y voit une forme « d’anti-symbole. Alors que le Président dit « non, ma politique n’est pas uniquement orientée en fonction des plus fortunés », ses ministres prennent des décisions qui portent sur les personnes de catégories moyennes ».
A droite, le sénateur LR de l’Ardèche, Mathieu Darnaud, estime que « le gouvernement agit dans la précipitation ». Il en vient à défendre les fonctionnaires : « On aurait pu parler de l’ensemble de la fonction publique plutôt que s’attaquer prioritairement aux fonctionnaires qui perçoivent les rémunérations les moins élevés ».
« Ça va pas aider au climat social » ajoute Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine. Le sarkozyste a pointé lundi « les choix de libéral profond » d’Emmanuel Macron… « Pour le gaulliste que je suis, c’est trop orthodoxe » justifie-t-il. « Je trouve qu’encore reporter le gel du point d’indice, c’est beaucoup. Après, je suis bien d’accord, il faut faire des économies, mais je peux comprendre les syndicats de fonctionnaires » ajoute le sénateur des Hauts-de-Seine. Il aurait « préféré qu’on réduise le nombre de fonctionnaires » pour mieux les payer.
A l’inverse, Philippe Dallier n’a rien à dire. Il ne peut que soutenir la mesure : « Il y a des contraintes budgétaires qui sont fortes. Ce qui avait été décidé par le gouvernement précédent était difficilement tenable pour les finances publiques. (…) Si on veut tenir les dépenses publiques, on est obligé de passer par des mesures comme le gel du point d’indice ». Des mesures que François Fillon aurait appliquées s’il avait été élu ? « Oui tout à fait. Voilà pourquoi nous ne pouvons qu’y être favorable ».
Des mesures qui, sur le fond, rejoignent ce que défend la droite. Une forme de triangulation à la Macron : prendre les idées de l’adversaire pour le désarmer. Sauf qu’en se réclamant ni de la gauche, ni de la droite, le chef de l’Etat peut s’approprier ces politiques.
Roger Karoutchi ne peut que saluer le tour de force. « Je suis admiratif devant la capacité qu’il a d’arriver d’un gouvernement socialiste pour être finalement sur des positions très orthodoxes, qui parleraient à des économistes libéraux classiques (…) Ça déstabilise la droite. C’est peut-être l’objectif aussi... » lâche le sénateur. Il ajoute : « Je le dis, ça déplaît à mes amis quand je dis ça, mais il est très brillant : il a réussi à casser et déstabiliser la gauche et maintenant il déstabilise la droite parce qu’il va plus loin dans les mesures économiques, que peut-être la droite ne l’aurait fait ». Bref, chapeau l’artiste. Reste que les fonctionnaires, eux, attendront pour être augmentés.
L'intégrale du mardi 14 janvier