Fonds Marianne : « Il y a des calomnies, je n’entends pas laisser faire », répond Marlène Schiappa

En pleine polémique sur le Fonds Marianne, Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, sort de son silence en répondant aux questions de Public Sénat et de la presse locale. Un entretien à retrouver vendredi, à partir de 18h30, sur notre antenne et notre site internet. Extraits.
Romain David

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Elle contre-attaque. Après une période de silence, Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, répond pour la première fois dans un média aux accusations dont elle est la cible, dans le cadre de la polémique sur l’utilisation du Fonds Marianne. « Il y a des calomnies et de la diffamation, je n’entends pas laisser faire », a-t-elle déclaré ce jeudi, sur le plateau de l’émission « Extra Local » sur Public Sénat – une interview qui sera diffusée en intégralité vendredi à 18 h 30, sur notre chaîne et sur internet, puis à retrouver en replay sur notre plateforme.

« Je n’ai pas été silencieuse, j’ai été occupée pendant une semaine aux Nations Unies à New York sur l’adoption d’une résolution mondiale pour l’économie sociale et solidaire, c’est pourquoi je n’ai pas pu faire de médias à ce moment-là », a-t-elle tenu à justifier, rappelant toutefois qu’elle s’était déjà exprimée sur Twitter.

Début avril, une série d’enquêtes journalistiques, menées par le magazine Marianne et « L’Œil du 20 heures » de France 2, mais aussi par le site Mediapart, ont soulevé de nombreuses interrogations sur le pilotage de ce fonds, mis en place par Marlène Schiappa en avril 2021, alors qu’elle était encore ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, pour promouvoir les valeurs républicaines et lutter contre les séparatismes après l’assassinat de Samuel Paty. Des questions se posent sur la sélection de certaines associations, la manière dont elles ont utilisé les sommes allouées et sur le suivi, par le gouvernement, des engagements qu’elles avaient pris.

Sur l’origine du Fonds Marianne et la désignation des lauréats

« L’idée, c’est de faire comme cela se fait dans d’autres pays : soutenir des acteurs de la vie civile et faire en sorte qu’ils puissent mener une bataille en ligne pour ne pas laisser la sphère des réseaux sociaux aux seuls complotistes », a voulu rappeler Marlène Schiappa quant à l’origine de cette initiative. Le fonds a été doté d’un budget de 2,5 millions d’euros, répartis entre 17 structures.

« Je n’ai pas choisi les associations [qui ont bénéficié des fonds]. Et je veux aussi démentir ce qui a été dit par certains responsables LFI qui ont dit que j’avais donné de l’argent à mes amis, qu’il y avait du copinage ou du favoritisme. Je ne suis amie avec aucun lauréat du Fonds Marianne. Aucun. Pas un. Pas un n’est mon proche ou un associé, contrairement à ce que j’ai lu. Eux-mêmes l’ont démenti », assure la secrétaire d’État.

Elle ajoute, quant au processus de sélection : « Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) a reçu des dizaines de dossiers, et en a sélectionné une quarantaine. Sur cette quarantaine de dossiers jugés éligibles et recevables, ils en ont présenté une vingtaine. Il y a eu un comité de sélection, formé de membres du CIPDR et de membres de mon cabinet, qui ont validé la préposition qui a été faite ».

Sur les deux associations au cœur de la polémique

Deux associations sont désormais pointées du doigt pour l’utilisation qu’elles ont faite de cet argent, vraisemblablement loin du cadre fixé par l’exécutif. Or, il se trouve qu’il s’agit également des deux structures ayant bénéficié des enveloppes les plus conséquentes. La première association, l’« Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire » (USEPPM), subventionnée par le fonds à hauteur de 355 000 euros, aurait utilisé cet argent pour lancer un site internet et diffuser des contenus sur les réseaux sociaux, avec des résultats d’audience peu probants, mais aussi pour rémunérer deux responsables de la structure, ce que n’était pas prévu par les statuts de l’association.

« C’est nous, le gouvernement, qui avons lancé une inspection et fait un signalement au titre de l’article 40 du code de Procédure pénale. Pourquoi ? Parce que l’une des associations a elle-même contacté le ministère de l’Intérieur pour dire : ‘attention, nous ouvrons les comptes de l’association et nous nous posons des questions sur l’utilisation interne des subventions’ », rapporte Marlène Schiappa. « Nous avons voulu savoir ce qu’il en était, et avons ouvert une inspection. »

La deuxième association qui soulève des interrogations, « Reconstruire le commun », bénéficiaire du Fonds Marianne pour plus 300 000 euros selon Mediapart, aurait été créée quelques jours seulement après l’assassinat de Samuel Paty. Entre janvier et août 2022, en pleine campagne présidentielle et pendant les législatives, elle aurait diffusé sur Youtube une cinquantaine de vidéos s’attaquant à différentes personnalités politiques, parmi lesquelles : la maire socialiste de Paris, candidate malheureuse à la présidentielle, Anne Hidalgo, et Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale.

 J’ai demandé à mon équipe de regarder toutes les vidéos, on regarde et qu’est-ce que l’on découvre ? Des vidéos anti-Olivier Véran, des vidéos anti-Emmanuel Macron et, pire que tout, des vidéos anti-Marlène Schiappa ! Mais cela, personne ne l’a relevé  

Marlène Schiappa

Sur Public Sénat, Marlène Schiappa explique avoir pris connaissance du contenu des vidéos publiées après la lecture des premières enquêtes journalistiques sur le Fonds Marianne. « Je découvre ces vidéos anti-Anne Hidalgo, je me dis c’est du délire. Jamais il n’y a eu de commande politique de ma part pour financer ces vidéos », martèle notre invitée. « J’ai demandé à mon équipe de regarder toutes les vidéos, on regarde et qu’est-ce que l’on découvre ? Des vidéos anti-Olivier Véran, des vidéos anti-Emmanuel Macron et, pire que tout, des vidéos anti-Marlène Schiappa ! Mais cela, personne ne l’a relevé », rapporte-t-elle. « On ne peut pas dire qu’il y a un complot politique dans la mesure où cette association fait des vidéos contre les membres du gouvernement », ajoute encore la secrétaire d’État. Selon elle, les responsables de l’association auraient été convoqués et recadrés par le CIPDR.

Sur le suivi des sommes distribuées

Il est également reproché à l’exécutif de ne pas avoir suffisamment contrôlé la manière dont les sommes alloués par le Fonds Marianne étaient utilisés par ses différents lauréats. « Dès que ce fonds a été ouvert, j’ai demandé au CIPDR de réaliser des contrôles », assure Marlène Schiappa. « J’ai reçu un premier bilan au bout de six mois, dans lequel il n’y a aucune alerte, sur aucune des associations. Le deuxième bilan devait m’être remis en juin 2022. Mais en juin 2022, je n’étais plus au gouvernement. Je n’étais plus ministre en charge de ces sujets. Il ne m’incombait pas d’appeler l’administration pour leur signaler qu’ils avaient un second rapport à remettre », explique-t-elle.

Marlène Schiappa a effectivement quitté le gouvernement le 20 mai 2022, date de la nomination du premier gouvernement du second quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle ne faisait alors pas partie de la liste des nominations. Elle est finalement rappelée comme secrétaire d’État, placée sous l’égide de la Première ministre Élisabeth Borne, un mois et demi plus tard, le 4 juillet.

Sur les suites judiciaires et parlementaires

Dans cette affaire, trois signalements ont été transmis au parquet national financier (PNF). Par ailleurs, le sénateur Claude Raynal, président de la commission des finances de la Chambre haute, a demandé, au titre de l’action de contrôle exercée par le Parlement, la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur le Fonds Marianne. « Je soutiens l’ouverture de toute commission d’enquête possible », commente Marlène Schiappa. « Je soutiens le travail du sénateur Claude Raynal, C’est un sénateur d’opposition, président de la commission des finances, dont le sérieux est unanimement reconnu de manière transpartisane. Je me réjouis qu’il se soit saisi de ce sujet. Il a d’ailleurs dit en conférence de presse qu’il ne faisait pas de lien entre les questions qu’il se pose et Marlène Schiappa [sic] »

Notre invitée envisage également de se tourner vers la justice pour répondre à certaines attaques dont elle a pu être la cible. « Mon avocate est en train de déposer des plaintes contre différentes plateformes en ligne qui m’ont accusée à tort de délits, soit de favoritisme ou de détournement, ce que je démens avec force. Bien sûr, je les attaque en diffamation », annonce-t-elle.

« En ce qui concerne les membres de LFI, dont plusieurs qui se sont rendus responsables de diffamation, je ne suis pas pour la judiciarisation de la vie politique. Mon inclinaison n’est pas d’aller déposer plainte en tant que membre du gouvernement contre des opposants politiques », explique Marlène Schiappa « Néanmoins, mon avocate prendra contact avec eux pour qu’ils puissent retirer ces tweets », glisse-t-elle, évoquant notamment un tweet du député LFI Louis Boyard.

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