Corse: deplacement de Marlene Schiappa

Fonds Marianne : la droite sénatoriale n’oppose pas « un refus de principe » à une commission d’enquête

Après avoir obtenu des documents de la part du gouvernement concernant le pilotage du Fonds Marianne, lancé par Marlène Schiappa, le président (PS) de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal estime qu’il y a matière à lancer une commission d’enquête. Il en fera la demande le 3 mai aux membres de la commission. Majoritaire au Sénat, la droite n’a pas dit non.
Simon Barbarit

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Qu’a découvert Claude Raynal dans les documents concernant le pilotage du fonds Marianne ? Interrogé par publicsenat.fr lundi, le président socialiste de la commission des finances du Sénat n’a pas souhaité le révéler à ce stade mais indique avoir eu connaissance d’éléments donnant « matière à s’interroger » et à nécessiter la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire.

Lancé par Marlène Schiappa en 2021, le fonds Marianne a bénéficié d’une enveloppe d’un peu plus de 2 millions d’euros pour subventionner des associations visant à lutter contre le séparatisme.

Plusieurs filtres à la mise en place d’une commission d’enquête

Sur 47 dossiers jugés recevables, 17 ont finalement été retenus par un comité de sélection composé de 6 membres dont 3 membres du cabinet de Marlène Schiappa, à l’époque ministre déléguée à la Citoyenneté. Mais comme l’ont relevé plusieurs enquêtes journalistiques, deux associations, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) et « Reconstruire le commun », ont capté la majorité des financements alors que leurs fonctionnements ou leurs contenus sont sujets à caution. « Pourquoi ont-elles été choisies. Sur quels critères ? Pourquoi les deux associations qui reçoivent le plus de fonds, posent des problèmes ? », s’est interrogé Claude Raynal en précisant qu’il avait demandé, d’ores et déjà, des informations complémentaires à l’exécutif.

Mercredi 3 mai, lors de la prochaine réunion de la commission des finances, il demandera à ses membres d’approuver que la commission se dote des prérogatives d’enquête. Conformément à l’article 22 ter du règlement de la Haute assemblée, une commission permanente peut « demander au Sénat de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête ». Il faut pour cela un vote des membres de la commission des finances, puis l’accord de la Conférence des Présidents. La prochaine Conférence des Présidents qui réunit le président du Sénat, les vice-présidents, les présidents des groupes parlementaires, les présidents des commissions, les rapporteurs généraux des commissions des Finances, des Affaires sociales, et le ministre des relations avec le Parlement, se tiendra le 9 mai.

Claude Raynal aura donc besoin de l’assentiment de la majorité sénatoriale de la droite et du centre pour la mise en place de cette commission d’enquête. Car si un groupe politique, peut proposer à chaque session parlementaire, une commission d’enquête, le groupe socialiste a déjà utilisé son droit de tirage.

« Si Claude Raynal a du biscuit, je ne vois rien de rédhibitoire »

Roger Karoutchi, vice-président LR du Sénat et membre de la commission des finances n’oppose pas à ce stade « un refus de principe ». « S’il s’agissait d’une commission d’enquête globale, avec des sénateurs en provenance d’autres commissions, une durée de 6 mois…. J’aurais dit non car c’est quand même un dispositif assez lourd et pour ce que j’ai compris, il n’y a que deux associations qui poseraient problème. Mais si Claude Raynal a du biscuit et qu’il a besoin que la commission des finances se transforme en commission d’enquête pour auditionner Marlène Schiappa, les membres de son ancien cabinet, les représentants des associations visées, je ne vois rien de rédhibitoire ».

Le contexte politique pourrait néanmoins freiner les élus LR. Le Sénat qui a vu son agenda parlementaire allégé après l’adoption de la réforme des retraites, est suspendu aux annonces d’Élisabeth Borne, mercredi, pour l’organisation de la fin de la session parlementaire. « C’est sûr qu’il ne faudrait pas que cette commission d’enquête pollue l’examen du texte immigration si le gouvernement décide de le réinscrire à l’ordre du jour. La question va être : est-ce que la commission des finances peut exercer ses prérogatives de contrôle sans se transformer en commission d’enquête ? », s’interroge Roger Karoutchi.

« On rentre dans une dimension politique »

« Pour moi, ça n’a rien à voir. L’opportunité d’une commission d’enquête est indépendante du calendrier et des annonces de la Première ministre », estime Jérôme Bascher (LR), secrétaire de la commission des Finances. Pour autant, l’élu de l’Oise appelle à temporiser. « Le président de la commission des Finances et le rapporteur général du budget ont déjà des pouvoirs d’investigation avec la possibilité d’exercer des contrôles sur place et sur pièce. Je comprends l’urgence médiatique mais le contrôle du Sénat n’est pas dans la même temporalité. Une commission d’enquête, ça veut dire auditionner une ministre sous serment et on rentre dans une dimension politique, le sujet est là ».

Pour mémoire, dès le 13 avril, le groupe socialiste du Sénat a demandé la mise en place d’une commission d’enquête sur le fonds Marianne allant jusqu’à parler de « scandale d’Etat ».

« Ces dernières années on a pu se rendre compte que c’était utile »

Le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR) a échangé avec Claude Raynal. « Je n’ai pas les détails. Il nous fera un rapport et sur la base d’éléments tangibles nous déciderons. Ce n’est pas dans l’habitude du Sénat de créer des commissions d’enquête avec des visées politiques préalables ». Jean-François Husson rappelle également que la Haute assemblée « a su faire bon usage de son pouvoir de contrôle ». « Ces dernières années on a pu se rendre compte que c’était utile. En ces temps politiques inédits, le Sénat a su garder du recul, de la rigueur et de l’objectivité », insiste-t-il.

Du côté des centristes, le vice-président du Sénat, membre de la commission des finances, Vincent Delahaye se dit « d’une façon générale, favorable aux commissions d’enquête ». « En démocratie, nous avons besoin de transparence, et nous avons besoin de plus de commissions d’enquête. En ce qui concerne le fonds Marianne, si ça permet d’obtenir de la clarté, autant la mettre en place. Après, j’ai cru comprendre qu’il y avait une course de vitesse avec la procédure judiciaire ».

En effet, en vertu de la séparation de pouvoirs, une commission d’enquête parlementaire ne peut se pencher sur des faits relevant d’une enquête judiciaire en cours. Le Sénat a donc une marge de manœuvre réduite. Le Parquet National Financier (PNF) a été saisi de trois signalements transmis par le parquet de Paris sur l’utilisation du fonds Marianne, qui sont actuellement à l’analyse.

Si la commission des finances et la Conférence des Présidents donnent leur aval, la commission des lois du Sénat sera appelée à émettre son avis sur la conformité de cette commission d’enquête avec la procédure judiciaire. Interrogé par publicsenat.fr, un sénateur LR de la commission des lois indique ne pas y être « hostile ». « Une commission d’enquête, ça peut déboucher sur des recommandations. Dès lors qu’il y a des doutes, il est logique d’en demander une. Le président Larcher veut d’ailleurs renforcer les actions de contrôle du Sénat », rappelle-t-il.

 

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