Le président socialiste de la commission des finances, Claude Raynal avait adressé, la semaine dernière, au ministère de l’Intérieur, une demande de documents concernant le pilotage du Fonds Marianne, lancé par Marlène Schiappa en 2021, quelque temps après l’assassinat de Samuel Paty, lorsqu’elle était ministre déléguée à la Citoyenneté. Différentes révélations dans la presse ont relevé une gestion opaque du pilotage de ce fonds destiné à financer des dispositifs de lutte contre le séparatisme.
« L’administration nous a répondu en temps et en heure et nous a fourni ses pièces »
En vertu de ses prérogatives de président de la commission des finances. l’élu de Haute-Garonne avait alors formulé plusieurs demandes au gouvernement afin de connaître le montant des subventions accordées et « tout résultat de contrôle » de leur utilisation. Ce lundi, le vœu de Claude Raynal a été partiellement exaucé. « L’administration nous a répondu en temps et en heure et nous a fourni ses pièces. Pour l’essentiel nous avons les éléments qui conviennent (…) Reste des éléments complémentaires sur l’histoire des associations et le comité de sélection (Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, CIPDR). En particulier tous les échanges qu’il y a pu y avoir entre les associations sur leur projet et les questions qui ont pu être posées par le comité », explique Claude Raynal qui précise que cette dernière demande a été formulée vendredi dernier.
Pour mémoire, sur 47 dossiers jugés recevables à la suite d’un appel d’offres lancé début 2021 par le Fonds Marianne, 17 ont finalement été retenus par un comité de sélection pour recevoir une subvention sur une enveloppe d’un peu plus de 2 millions d’euros.
D’après l’enquête journalistique conjointe de l’hebdomadaire Marianne et de France 2, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), aurait utilisé la plus grosse subvention, 355 000 euros, pour un site internet et des publications sur les réseaux sociaux très peu suivies, et pour salarier deux ex-dirigeants.
Une deuxième association « Reconstruire le commun », structure qui, selon des révélations plus récentes de Mediapart, « a touché plus de 300.000 euros d’argent public, alors qu’elle venait d’être créée et n’avait aucune activité connue ». En outre, plusieurs personnalités de gauche, dont Anne Hidalgo, ont été attaquées dans des contenus de cette association.
« Il y a matière à s’interroger sur le fonctionnement de ces deux associations »
Le sénateur socialiste indique avoir demandé un certain nombre d’éléments permettant de voir s’il y avait matière à s’interroger. « La réponse est oui. Il y a matière à s’interroger sur le fonctionnement de ces deux associations ». « Pourquoi ont-elles été choisies. Sur quels critères ? Pourquoi les deux associations qui reçoivent le plus de fonds, posent des problèmes ? La question n’est pas liée sur le fonds Marianne de manière générale qui était sur le principe une bonne idée », souligne-t-il.
Claude Raynal annonce qu’à la reprise de la session parlementaire la semaine prochaine, il demandera à ce que la commission des Finances « se transforme en commission d’enquête ». « Si la commission des finances est favorable, cette position sera transmise au président du Sénat pour qu’il recueille l’avis de l’ensemble des membres du Sénat ». Lors d’une conférence de presse donnée ce lundi, le sénateur souligne qu’« aucun des documents ne fait référence d’une manière ou d’une autre à la ministre ». « J’espère que nous aurons l’occasion d’entendre son cabinet, et de l’entendre », ajoute-il.
Deux mécanismes permettent à la Chambre haute d’ouvrir une enquête parlementaire : le dépôt d’une proposition de résolution, qui est soumise au vote des élus. Ou bien par droit de tirage annuel. À gauche de l’hémicycle, les communistes, les écologistes et les socialistes ont déjà exercé leur droit de tirage, c’est donc la première option qui est privilégiée par Claude Raynal.
Sous le feu des critiques, Marlène Schiappa a indiqué son intention de porter plainte en diffamation « à l’encontre de plusieurs plateformes et individus ». Elle rappelle également qu’une enquête de l’Inspection générale de l’administration est en cours.
En vertu de la séparation de pouvoirs, une commission d’enquête parlementaire ne peut se pencher sur des faits relevant d’une enquête judiciaire en cours. Le Sénat a donc une marge de manœuvre réduite. Le Parquet National Financier (PNF) a été saisi de trois signalements transmis par le parquet de Paris sur l’utilisation du fonds Marianne, qui sont actuellement à l’analyse. « Dès l’instant où la justice engagera des poursuites, la commission d’enquête ne pourra se tenir. C’est la raison pour laquelle nous devons agir rapidement », a précisé Claude Raynal à l’issue de sa conférence de presse.