Fonds Marianne : Marlène Schiappa mise en difficulté au Sénat sur l’arbitrage qui a exclu SOS Racisme

L’ancienne ministre en charge de la Citoyenneté s’est expliquée sur son intervention sur la candidature de SOS Racisme aux subventions du Fonds Marianne. Elle a contesté avoir un différent personnel avec le président de l’association, ce que laissait entendre explicitement son ancien directeur de cabinet.
Guillaume Jacquot

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C’est l’une des « problématiques » qui n’ont pas échappé à la commission d’enquête sur le Fonds Marianne, pour reprendre le terme du sénateur Claude Raynal (PS). Le président de la commission des finances a questionné ce 14 juin l’ancienne ministre en charge de la Citoyenneté Marlène Schiappa sur une intervention polémique sur le processus de sélection.

Dans le viseur du sénateur de la Haute-Garonne : le refus d’une subvention, au titre du fonds Marianne, à SOS Racisme. Le projet d’accorder 100 000 euros à cette association, au moment de la réunion du comité de sélection le 22 mai 2021, a finalement été refusé quelques jours après. La semaine dernière, le directeur de cabinet de la ministre de l’époque, Sébastien Jallet, avait indiqué que cette association avait fait l’objet d’un « point de discussion important en comité de sélection » et qu’il relevait d’un « arbitrage de la ministre ». Ce préfet avait expliqué que Marlène Schiappa avait eu « une réserve sur cette association en raison d’un historique de relation assez ancien ».

Selon la ministre, un conseiller lui a fait état de désaccord au sein du comité de sélection sur le dossier de SOS Racisme. « Il me demande à moi de trancher, de rendre un arbitrage », a expliqué la ministre. « Je demande une note sur le projet, cela démontre bien que je ne rends pas un avis sur une personne. » D’après Marlène Schiappa, le projet de l’association comportait des actions de sensibilisation sur les réseaux – conformément à l’appel d’offres – mais également des actions de terrain dans les quartiers de reconquête républicaine. Or, cet aspect était mené par une structure financée par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). « J’émets, manifestement je n’en ai pas le souvenir, mais manifestement j’émets un avis défavorable en disant que pour moi, ce n’est pas un projet à retenir », a relaté la ministre, en basant « sur les échanges écrits » de cette période. Et d’ajouter :

 Je n’ai pas supprimé de subvention à SOS Racisme. Je ne l'ai pas attribuée. 

Marlène Schiappa, devant la commission d'enquête du Sénat, le 14 juin 2023

Marlène Schiappa conteste « l’interprétation » ou « l’incompréhension » de son ancien directeur de cabinet

Pas de quoi convaincre Claude Raynal, resté bloqué sur les explications d’une raison personnelle, invoquée par le directeur de cabinet une semaine auparavant. « Reconnaissez qu’il y a quelque chose qui ne va pas. » Marlène Schiappa s’est déchargée sur le haut fonctionnaire. « Je pense que c’est une interprétation de sa part ou une incompréhension, peut-être de ma faute, peut-être de choses que j’ai exprimées auprès de lui, qui l’amèneraient à penser que j’ai un antérieur personnel avec le président de SOS Racisme », s’est-elle inscrite en faux. Et d’insister qu’elle n’a « pas de relations personnelles, ni de désaccords personnels, anciens ou actuels », avec Dominique Sopo, le président de SOS Racisme.

Quoiqu’il en soit, l’arbitrage en question vient contredire certains éléments ou déclarations. Le rapport de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) avait conclu que la ministre s’était « effacée » de l’appel à projets une fois le processus lancé. Le 27 avril, Marlène Schiappa avait par ailleurs tenu ces propos explicites sur notre antenne : « Je n’ai pas choisi les associations. Il y a eu un comité de sélection, formé de membres du CIPDR et de membres de mon cabinet, qui ont validé la préposition qui a été faite. »

« Vous avouez avoir un rôle et une capacité à décider et à trancher », conclut le rapporteur

Relancée par le président sur ces éléments paradoxaux, la ministre s’est défendue de tout interventionnisme. « Je ne m’immisce pas dans le comité de sélection. On vient requérir un arbitrage ministériel sur un sujet en particulier, et un seul, je ne prends pas part – je le répète – au comité de sélection. À aucun moment je n’y siège et donne de consignes. La meilleure preuve en est : c’est qu’on me remonte pour avis. Si j’avais donné des consignes, chacun aurait mes consignes en tête », a-t-elle rétorqué.

Attaché à la « matérialité des faits », le rapporteur Jean-François Husson (LR) a tenu à donner une autre appréciation de la situation. « Les choses sont finalement plus claires comme ça […] Vous avouez avoir un rôle et une capacité à décider et à trancher, mais c’est mieux de le dire que de tournicoter autour d’une décision, expliquant que vous êtes mais pas tout à fait. »

À l’issue de l’audition, le président de SOS Racisme a indiqué sur son compte Twitter qu’il donnerait « une suite judiciaire » à « cette prestation qui abîme la République ». Agacé contre ce qu’il qualifie de « festival », le militant associatif a dénoncé les « approximations, omissions, mensonges, contradictions » auxquelles s’est livrée, selon lui, la ministre, ainsi que sa « défausse » sur son ancien directeur de cabinet.

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