Fonds Marianne : trois associations détaillent le bon usage de leurs subventions

Devant la commission d’enquête du Sénat, trois associations qui ont bénéficié du Fonds Marianne en 2021 ont décrit une collaboration productive avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Résultats à l’appui, les subventions ont permis de renforcer leur présence sur les réseaux sociaux pour contrer les discours de haine en ligne.
Simon Barbarit

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Après avoir entendu le secrétaire général et le secrétaire général adjoint du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la commission d’enquête sénatoriale sur le Fonds Marianne poursuivait ses auditions avec les représentants de trois associations qui ont bénéficié d’une subvention : Conspiracy Watch, Civic Fab et Fraternité générale. Trois structures qui produisent, notamment, des contenus en ligne afin de lutter contre les discours de manipulation et de haine.

Lancé au printemps 2021 après l’assassinat de Samuel Paty, par la ministre chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa, ce fonds gouvernemental, piloté par le comité interministériel, et doté de plus de 2 millions d’euros, avait pour objectif d’accompagner des associations investies dans la promotion des valeurs républicaines pour répliquer aux discours séparatistes en ligne.

Pour mémoire, sur 47 dossiers jugés recevables à la suite d’un appel d’offres lancé au printemps 2021 par le Fonds Marianne, 17 ont finalement été retenus par un comité de sélection. D’après plusieurs enquêtes journalistiques, deux associations qui ont bénéficié des plus grosses subventions, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), et « Reconstruire le commun », auraient mal utilisé cet argent public. Depuis, le Parquet national financier a même ouvert une information judiciaire pour « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance », et « prise illégale d’intérêts ». Les représentants de ces deux structures seront auditionnés au Sénat, mercredi 31 mai.

En attendant, les élus de la chambre Haute entendaient trois autres lauréats du Fonds Marianne, afin d’avoir des éléments de comparaison. Les sénateurs souhaitaient notamment savoir comment s’est déroulé le calendrier pour répondre à l’appel à candidature du fonds. En effet, une semaine plus tôt, le préfet Gravel avait fait part à la commission d’enquête d’un délai trop court à son goût pour pouvoir examiner « dans des conditions optimales » les candidatures. Le dépôt des candidatures s’est tenu entre le 20 avril et le 10 mai 2021, suivi d’un temps d’analyse des dossiers et une réunion du comité de sélection le 20 mai « au plus tard ».

Calendrier serré pour répondre à l’appel à projets

« Nous, on entend parler du Fonds Marianne, le 29 avril. On reçoit un mail de notre interlocutrice du CIPDR nous disant si vous voulez maximiser vos chances, cette année, d’obtenir une subvention. C’est là qu’il faut déposer votre dossier », indique Xavier Desmaison, le président de Civic Fab.

Baptiste Larroudé-Tasei, le délégué général de Fraternité Générale déclare avoir eu connaissance du Fonds Marianne « courant avril », mais précise avoir eu un rendez-vous avec le cabinet de Marlène Schiappa en présence du préfet Gravel en janvier 2021 « pour présenter notre association […] nos actions qui était du domaine de la ministre à l’égalité des chances ». Rappelons ici que le comité de sélection du Fonds Marianne réunissait trois membres du cabinet de Marlène Schiappa et trois membres du CIPDR. Et les sénateurs tiquent sur l’absence de compte rendu de ce comité de sélection.

Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, a lui envoyé son dossier de candidature le 7 mai 2021. « Et nous avons reçu un mail nous informant que notre dossier était retenu le 18 juin 2021 ». Rudy Reichstadt affirme par ailleurs « s’être calé sur le cahier des charges » de l’appel à projet du Fonds Marianne « pour maximiser nos chances d’être retenus ».

Pour ces trois associations, ces délais contraints n’ont pas représenté en tant que tels une difficulté puisqu’elles bénéficiaient déjà de fonds du CIPDR depuis plusieurs années. « Le Fonds Marianne vous a permis de franchir un gap, de monter en puissance et puis le Fonds Marianne disparaissant, le CIPDR a repris sur son enveloppe ces montants et les a préservés », a résumé le président de la commission d’enquête, Claude Raynal (PS).

« Nous voulions renforcer notre action sur les réseaux sociaux »

Selon les informations sorties par Libération, Civic Fab a perçu une subvention de 315 400 euros du Fonds Marianne, 292 200 pour Fraternité générale et 60 000 euros pour Conspiracy Watch. « Nous avons choisi de ne jamais excéder 50 % de financement public dans notre budget global. « En 2021, nous avons été orientés vers le Fonds Marianne et nous avons demandé plus que ce que nous avions obtenu l’année précédente (de la part du CIPDR) parce qu’il y avait ce contexte lié au drame de Conflans Saint Honorine et nous savions que nous pouvions travailler à cette hauteur-là », souligne Rudy Reichstadt.

En 2021, « nous voulions renforcer notre action sur les réseaux sociaux […] Le Fonds Marianne nous a donné l’opportunité de constituer une équipe pour être extrêmement présents sur les réseaux sociaux […] pour produire un discours qui appelle à se rencontrer qu’à se haïr », précise à son tour Abdennour Bidar, président de Fraternité générale.

La semaine dernière, la commission d’enquête avait été interpellée du maigre bilan de l’association l’USEPPM pourtant bénéficiaire de la plus grosse subvention 355 000 euros. « 500 posts, tweets, threads et vidéos » défendant la République ont été produits. « On aurait pu espérer plus de choses », avait reconnu Christian Gravel.

Des chiffres qu’on peut mettre en comparaison avec ceux de Fraternité générale. Devant les élus, Abdennour Bidar a comptabilisé l’action de son association « pour fournir un résultat objectif ». « Sur Instagram, ce sont 7 millions de comptes atteints, 3,8 millions sur TikTok ».

« Le Fonds Marianne a représenté une énorme part de notre budget en 2021 et 2022 »

Baptiste Larroudé-Tasei, le délégué général de l’association complète : « Nous avons entre 350 000 et 400 000 euros de budget annuel. Le Fonds Marianne a représenté une énorme part de notre budget en 2021 et 2022. En 2021, nous avions 7 salariés et 2 stagiaires. Aujourd’hui, nous avons 6 salariés et 3 stagiaires ».

Là encore, on peut comparer avec les chiffres donnés par Jean-Pierre Lafitte, le secrétaire général, adjoint du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) sur le cas de l’association « Reconstruire le commun ». « Un salarié ou 0,5 équivalent temps plein – quelque chose comme ça – qui apparaît dans le [formulaire] Cerfa, alors qu’il y a plus de 300 000 euros (de subventions) » avait-il révélé devant la commission d’enquête.

Enfin, en ce qui concerne la question des contrôles du Comité interministériel sur l’action des associations subventionnées, une question au cœur des travaux de la commission d’enquête, Rudy Reichstadt indique faire des « reportings » « au moins une fois par mois par mail auprès de la personne qui s’occupe de suivre nos projets ».

 

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