France: en désaccord budgétaire avec Macron, le chef d’état-major démissionne
En désaccord avec Emmanuel Macron sur les ressources allouées à la Défense, le chef d'état-major des armées françaises, Pierre de Villiers, a...

France: en désaccord budgétaire avec Macron, le chef d’état-major démissionne

En désaccord avec Emmanuel Macron sur les ressources allouées à la Défense, le chef d'état-major des armées françaises, Pierre de Villiers, a...
Public Sénat

Par Daphné BENOIT, Marc PRÉEL

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

En désaccord avec Emmanuel Macron sur les ressources allouées à la Défense, le chef d'état-major des armées françaises, Pierre de Villiers, a quitté son poste mercredi, une démission inédite synonyme de première crise du quinquennat.

"Ce n'est pas le rôle du chef d'état-major" de défendre le budget des armées "mais celui de la ministre", a soutenu mercredi soir le président de la République, interrogé par la chaîne de télévision France 2 sur la démission du général de Villiers qui avait critiqué les coupes financières imposées à la Défense.

"Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français", a écrit mercredi le général de Villiers, 60 ans.

C'est le général François Lecointre, jusqu'à présent chef du cabinet militaire du Premier ministre, qui va lui succéder. Il s'agit, selon Emmanuel Macron, d'"un héros militaire comme il y en a peu", d'un "grand général de l'armée de terre" qui "sera un grand chef d'état-major des armées".

Le président Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées (Cema), le général Pierre de Villiers, au défilé militaire sur les Champs-Elysées à Paris le 14 juillet 2017
Le président Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées (Cema), le général Pierre de Villiers, au défilé militaire sur les Champs-Elysées à Paris le 14 juillet 2017
POOL/AFP

Cet homme athlétique de 55 ans issu de l'infanterie de marine associe une longue expérience du terrain (Irak, Somalie, Rwanda, ex-Yougoslavie...) à un parcours dans différents états-majors et en ministère.

"C'est un officier exceptionnel et expérimenté", a salué la ministre des Armées, Florence Parly, qui a dans la foulée rendu "hommage à l'action du général de Villiers".

Si M. Macron a lui aussi tenu à saluer Pierre de Villiers, un "militaire de grande qualité et qui a servi avec responsabilité et dignité l'Etat", sa démission, fait sans précédent sous la Ve République, intervient après plusieurs rappels à l'ordre présidentiels.

A l'origine de ce courroux, les critiques du général sur les 850 millions d'euros d'économies réclamés cette année aux armées, dans un contexte de restrictions budgétaires générales.

Personnalité intègre et rugueuse, apprécié de ses hommes, Pierre de Villiers s'était exprimé à huis clos, à l'Assemblée nationale, assurant qu'il n'allait pas se "laisser baiser" et que la situation n'était "pas tenable".

En poste depuis 2014, il se plaignait régulièrement de l'insuffisance des moyens à l'heure où la France est engagée sur plusieurs fronts, du Sahel au Moyen-Orient en passant par la France, avec l'opération Sentinelle.

François Lecointre, le 5 mars 2013 à Bruxelles
François Lecointre, le 5 mars 2013 à Bruxelles
AFP/Archives

Après avoir sèchement recadré le général la veille du défilé militaire du 14 juillet devant des soldats interloqués, en martelant "je suis votre chef" et en reprochant à Pierre de Villiers d'avoir mis de façon "indigne" une polémique budgétaire "sur la place publique", le président a enfoncé le clou dimanche.

"Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change", a-t-il asséné dans une interview.

"Le général de Villiers a exprimé un désaccord. Il a parfaitement le droit", a réagi mercredi le Premier ministre Edouard Philippe. "Mais comme un militaire, avec honneur, il ne peut pas contester les choix faits par son chef. Il a donc tiré les conséquences du désaccord".

- "Accroc" -

Jusqu'à présent, les relations entre les militaires et le nouveau président étaient au beau fixe. M. Macron avait multiplié les signaux en leur direction: visite à des blessés de guerre le jour de son investiture, déplacement sur la base militaire française de Gao, au Mali, hélitreuillage à bord d'un sous-marin nucléaire...

Le chef de l'État s'est par ailleurs engagé à consacrer 2% du PIB à l'effort de défense d'ici à 2025. "Je suis derrière nos soldats (...) leurs familles et l'Etat est pleinement engagé", a assuré le président sur France 2.

"Macron (...) avait réussi à s'attirer la sympathie des militaires. Là, il y a probablement un accroc qui va être un peu difficile à remonter", a relevé pour l'AFP le général à la retraite Dominique Trinquand, ex-conseil de M. Macron pour qui cet épisode constitue "la première crise" du président élu le 7 mai.

Dans un tweet intitulé "Merci", l'état-major des armées a publié mercredi une video d'une minute sur laquelle on voit le général de Villiers quitter le ministère de la Défense sous les applaudissements de dizaines de militaires en tenue qui lui dressent une haie d honneur.

La démission du général de Villiers a redonné du tonus à l'opposition: à droite, les députés Les Républicains (LR) ont dénoncé "la dérive d'un pouvoir personnel" tandis que la présidente du parti d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, voit dans cet épisode l'illustration des "limites très inquiétantes de Monsieur Macron".

Le chef du groupe Nouvelle gauche (ex-Parti socialiste et apparentés) à l'Assemblée, Olivier Faure, a déploré "une crise de confiance entre les armées et le chef de l'État".

Partager cet article

Dans la même thématique

Mirecourt: French president Emmanuel Macron
6min

Politique

Macron veut interdire les portables au lycée : mesure qui « va dans le bon sens » ou « peine perdue » ?

Le chef de l’Etat a annoncé que les téléphones portables allaient « sans doute » être interdits dès la rentrée prochaine dans les lycées. C’est « faisable », soutient le sénateur Renaissance Martin Lévrier. « Il est incorrigible. C’est une annonce par jour pour exister », raille le sénateur LR Max Brisson, opposé à l’interdiction au lycée. « Une annonce un peu surréaliste » qui élude les vrais problèmes, dénonce la sénatrice PS Colombe Brossel.

Le

France Marseille vs Newcastle: Pre-Match Security Highlights
3min

Politique

« Violences policières » : la gauche du Sénat demande une commission d’enquête sur de « potentiels dysfonctionnements » au sein de l’IGPN et l’IGGN

Suite aux récentes révélations mettant en cause les forces de l’ordre dans des affaires de violences au sein des personnes dépositaires de l’autorité publique, la gauche du Sénat demande à la commission des lois de se doter des prérogatives d’une commission d’enquête visant à examiner les conditions dans lesquelles l’IGPN et l’IGGN exercent leurs prérogatives.

Le

Paris : Debate session on the draft budget law for 2026
4min

Politique

Budget de la Sécu : la règle de l’entonnoir peut-elle faciliter un compromis ?

Mercredi, députés et sénateurs ne sont pas parvenus à trouver une un accord en commission mixte paritaire sur le projet de loi de la Sécurité sociale. Le texte repart donc pour une nouvelle lecture en séance publique à partir de mardi, à l’Assemblée nationale. Les députés vont plancher sur le texte sorti du Sénat et conformément à la règle dite de l’entonnoir, leur droit d’amendement est limité. Ce qui va accélérer les débats mais sera-t-il suffisant pour arriver à un compromis ? Explications.

Le

Paris : session of questions to the government at the Senate
4min

Politique

Décentralisation : un rapport du Sénat remis au Premier ministre

Afin d’accompagner Sébastien Lecornu vers son engagement d’un grand acte de décentralisation, Gérard Larcher avait fait parvenir le 31 octobre la contribution du Sénat. Le document que Public Sénat a pu consulter appelle à consacrer un principe de différentiation et d’autonomie fiscale des collectivités.

Le