Dans les tuyaux de la Commission européenne depuis plusieurs mois, deux directives sont en préparation. Le digital Service Act et le Digital Market Act. Deux intitulés, qui cachent une grande ambition de l’Union européenne : réguler les Facebook, Google, Apple, Amazone et autres géants du numérique avec une législation contraignante inédite. Face aux dérives ces dernières années de certaines plateformes, les institutions européennes veulent donc encadrer les pratiques anticoncurrentielles et imposer une série de contraintes sur les contenus illégaux et haineux et sur les algorithmes accusés de manipuler les utilisateurs.
Une future législation « assez révolutionnaire »
« On a laissé Internet se développer sans règles », constate l’eurodéputée française Gwendoline Delbos-Corfield. « Il faut que les règles soient plus dures pour les plateformes et moins dures pour les consommateurs et les citoyens, que ce ne soit pas à vous de faire tous les clics. » L’élue écologiste milite pour que « la pression change de camp », qu’elle ne soit plus sur les utilisateurs mais bien sûr les plateformes, et salue les règlements en préparation qui dit-elle « peuvent tout changer. C’est assez révolutionnaire ! »
« Si les gens acceptent un ciblage d’une manière consciente, je ne vois pas de problème. » Isabel Wiseler-Lima
Pour la députée luxembourgeoise (PPE) Isabel Wiseler-Lima, la transparence doit avant tout être la priorité. « Il faut que les utilisateurs sachent ce qu’il se passe, et qu’ils aient le choix. Pour les données, que les personnes sachent quelles données sont retenues, par qui elles sont retenues, qui les a et comment elles sont utilisées. Maintenant, si les gens acceptent un ciblage d’une manière consciente, d’une manière avertie, je ne vois pas de problème. »
Si l’élue luxembourgeoise apparaît plus libérale que certains de ses collègues sur les bancs du Parlement européen, elle prône la nécessité de nouvelles normes pour les plateformes numériques. « On ne va pas continuer à laisser faire ces plateformes, car elles sont exclusivement axées sur le profit. On a vu qu’il fallait absolument couper cela car ce qui nous intéresse c’est que la démocratie soit garantie. »
Dans le viseur des parlementaires, les algorithmes qui favorisent les contenus extrêmes. « La non-régulation actuelle décidée par les plateformes est dans leurs intérêts. Donc ce n’est pas démocratique et cela ne favorise pas la liberté d’expression, explique Gwendoline Delbos-Corfield. « On sait par exemple que les contenus LGBTI ou certains contenus féministes… vont être bloqués par ces algorithmes car ils ne savent pas les comprendre. »
« Les règles numériques de l’UE peuvent changer la donne pour le monde entier »
Le projet de réglementation européenne a d’ailleurs été salué par la lanceuse d’alerte Frances Haugen. L’ex-salariée de Facebook, auditionnée par le Parlement européen le 8 novembre dernier, a d‘ailleurs estimé que « les règles numériques de l’UE peuvent changer la donne pour le monde entier. » France Haugen a invité les Européens à adopter une « législation forte ». La France, qui prendra la présidence tournante de l’Union européenne en janvier 2022, espère bien que les deux Digital Act seront adoptés au premier semestre. Mais d’ici là, il faudra, comme d’habitude, parvenir à un consensus entre les 27 Etats membres.
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