C'est un incident en mer Méditerranée qui pourrait avoir de lourdes conséquences. Mercredi 10 juin, Le Courbet, un navire de la marine nationale sous le commandement de l'Otan dans le cadre de l'opération « Sea Guardian », s'est retrouvé menacé par des frégates turques, a dénoncé Florence Parly lors de son audition au Sénat devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées ce jeudi.
La frégate française s’est fait « illuminer » à trois reprises
Le Courbet cherchait à identifier un cargo suspecté de transporter des armes vers la Libye. Plusieurs caractéristiques justifiaient l'opération, a expliqué Florence Parly devant les sénateurs : « Son numéro d'identification était masqué, il a donné des informations erronées sur sa présence et a arrêté à plusieurs reprises sa balise AIS, qui permet l'identification du navire ». « Ce comportement avait déjà été repéré chez des navires qui allaient livrer leur cargaison en Libye et ce n'était pas la première fois que des navires de ce type étaient accompagnés de frégates turques », a souligné des Armées.
« Cet acte ne peut pas être celui d'un allié face à un autre allié qui fait son travail sous commandement de l'Otan »
« À trois reprises, alors que Le Courbet faisait une interrogation totalement légale du navire, les frégates turques l'ont « illuminé » avec leur radar de conduite de tir. Par ailleurs des personnels en gilets pare-balles et avec des casques lourds se sont postés aux affûts des armes légères du navire », a raconté Florence Parly devant les sénateurs, qualifiant l'événement « d'acte extrêmement agressif », « qui ne peut pas être celui d'un allié face à un autre allié qui fait son travail sous commandement de l'Otan ».
Les Européens soutiennent la France
« J'ai donc été extrêmement claire lors de la réunion des ministres de l'Otan de mercredi et j'ai eu même à y revenir jeudi : il ne peut pas y avoir la moindre complaisance vis-à-vis de ce genre de comportement », a affirmé clairement la ministre des Armées au Palais du Luxembourg. « Cet incident grave doit être relevé et nos alliés partagent nos préoccupations », a indiqué Florence Parly, soulignant que « huit alliés européens, dont des pays majeurs », lui ont apporté un clair soutien lors de ses interventions à l'Otan. « Nous sommes un certain nombre à considérer parmi les Européens que ceci n'est vraiment pas acceptable ».
Lundi, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a condamné « le soutien militaire croissant » de la Turquie au Gouvernement d'union libyen (GNA) en « violation directe de l'embargo des Nations unies », a relevé l’AFP. La veille, la présidence française avait déjà dénoncé l'interventionnisme « inacceptable » d'Ankara. La Turquie a rejeté ces critiques sur son soutien armé au gouvernement de Tripoli en Libye, accusant à son tour Paris de faire « obstacle à la paix » en appuyant le camp adverse.
Une semaine de tensions et une enquête ouverte
La tension semble donc continuer de monter puisque jeudi après-midi, la ministre des Armées a estimé « qu'une réflexion est nécessaire sur ce qui est en train de se passer dans l'alliance » du traité Atlantique nord. « Il faut en effet regarder en face les dérives qui s'y produisent », a-t-elle lancé, balayant d'un revers de main « l'argument consistant à dire que tout ceci n'a qu'une seule bonne cause, c'est-à-dire empêcher que la Russie ne prenne place en Libye ». « C'est un argument un peu court », a conclu Florence Parly.
Jeudi soir, face à l’ampleur de l’affaire, l’Otan a ouvert officiellement une enquête « L’incident en Méditerranée a été abordé en réunion par plusieurs alliés. Nous avons fait en sorte que les autorités militaires de l’Otan enquêtent sur l’incident afin de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé », a déclaré Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’organisation.