Politique
Le Conseil constitutionnel rendra, le 7 août, des décisions particulièrement scrutées sur la loi Duplomb, la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille et sur l’allongement de la durée maximale de rétention administrative.
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Par Henri Clavier
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A la manière d’un célèbre youtubeur, François Bayrou se lance dans l’ascension de son « Himalaya ». C’est un sommet budgétaire qui se dresse devant le Premier ministre. En effet, après avoir annoncé ses orientations budgétaires le 15 juillet, le maire de Pau essaye toujours de trouver une voie de passage au Parlement pour faire adopter un budget qui, avant même d’être intégralement dévoilé, crispe les parlementaires.
Avec presque 44 milliards d’euros d’économies, dont 5,5 sur les dépenses de santé ou encore la suppression de deux jours fériés, les mesures proposées par François Bayrou ne sont pour l’instant pas vraiment populaires. Et cela se ressent. Depuis son arrivée à Matignon, la cote de popularité de François Bayrou est en chute libre. Elle a atteint un niveau historiquement bas le 20 juillet avec seulement 18 % d’opinions favorables. « La voie est étroite, cependant le chemin existe », affirmait le Premier ministre le 15 juillet lors de la présentation de ses orientations budgétaires. En lançant une série de vidéos sur youtube ainsi qu’un podcast baptisé « FB direct », le Béarnais tente de convaincre de la nécessité de son plan de redressement des finances publiques.
« Ça ressemble à une tentative désespérée pour reprendre des forces avant la rentrée », estime Philippe Moreau Chevrolet, expert en communication politique et enseignant à Sciences Po Paris. En effet, à l’Assemblée nationale, le chef du gouvernement devrait être en difficulté à la rentrée alors que le dialogue s’est tendu avec le Parti socialiste qui n’avait pas voté la censure sur le budget de 2025 et que le Rassemblement national promet de censurer le gouvernement. A la suite du conclave sur les retraites, le Premier ministre s’est également aliéné l’ensemble des syndicats. Par ailleurs, le mouvement « bloquons tout », relayé par d’anciens Gilets Jaunes, promet un mouvement social d’ampleur à partir du 10 septembre.
Dans ce contexte, François Bayrou veut convaincre qu’il n’y a pas d’autre solution que celle qu’il propose. Dans cette optique, le locataire de Matignon a informé qu’il restait à Paris durant l’été afin de peaufiner les textes budgétaires qui seront présentés à l’automne. « On a l’impression que François Bayrou utilise ce temps estival pour prendre à témoin les Français que le poids de la dette est indépassable et qu’il est impliqué sur le sujet. C’est une façon de prendre l’opinion publique à témoin, comme Michel Barnier qui avait réussi à faire accepter le sujet de la réduction du déficit », analyse Emilie Zapalski, conseillère en communication politique.
S’il est assez rare de voir le chef de l’exécutif se glisser dans la peau d’un youtubeur ou d’un influenceur, ce mode de communication pourrait se révéler payant. « Le format Youtube est utile pour la pédagogie. Ça peut toujours aider d’avoir une communication directe, sans filtre et sans intermédiaire », pointe Philippe Moreau Chevrolet. « C’est un mode de communication moderne et intéressant. Ça permet de s’adresser plus directement avec un côté interactif qui répond à une exigence de participation », abonde Emilie Zapalski.
Le 15 avril, lors d’une conférence de presse avec pour slogan « la vérité permet d’agir », François Bayrou avait cherché à préparer le terrain avant la présentation des orientations budgétaires. Pour réussir à convaincre, le chef du gouvernement devra accepter le dialogue et faire preuve d’ouverture, sur le fond comme sur la forme. « C’est louable de faire tout ça, mais la prise de conscience sur la dette est là, l’opinion publique attend sûrement une meilleure répartition des baisses de dépenses », prévient Emilie Zapalski. Un constat partagé par Philippe Moreau Chevrolet qui rappelle que, pour l’instant, « le seul interlocuteur satisfait c’est le Medef ».
Pour répondre aux attentes et espérer remonter dans l’opinion publique, les deux communicants assurent que le Premier ministre doit éviter l’écueil d’un format trop vertical. Dans la première vidéo, publiée ce mardi 5 août et qui dure un peu plus de huit minutes, le Premier ministre rappelle le montant de la dette (3 400 milliards d’euros) ou encore que le dernier budget à l’équilibre remonte à 1974. Dès la semaine prochaine, le Premier ministre devrait répondre aux questions, en léger différé. « Il faudra voir si le format est réellement interactif et si les commentaires sont ouverts car ce qui est souhaité c’est un échange démocratique, les citoyens veulent avoir une voix dans le débat », affirme Philippe Moreau Chevrolet.
Par ailleurs, un autre écueil se dresse sur la route du Premier ministre. En se lançant dans cet exercice le 5 août, François Bayrou risque également de passer inaperçu. « Ce qu’il aurait mieux valu faire pour lui, c’est peut-être un format proche de celui du grand débat. Un tour de France pendant l’été aurait été plus intelligent tout en acceptant les engueulades », juge Philippe Moreau Chevrolet. Une fois de plus, encore faut-il que des actes concrets découlent de ces initiatives. « Emmanuel Macron a joué avec les conventions citoyennes et le grand débat, mais si l’on ne tient pas compte des conclusions de ce type d’événement, la défiance augmente encore davantage », rappelle Emilie Zapalski.
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