Avant la commission mixte paritaire sur le budget, les oppositions formulent leurs réserves sur le texte issu du Sénat. Sur le plateau de Parlement Hebdo, l'écologiste Guillaume Gontard dénonce un budget « totalement austéritaire », le député RN, Gaëtan Dussausaye, évoque un « budget de punition sociale ». Néanmoins, le fond des critiques et la position à adopter en cas de recours au 49-3 divergent.
Passation de pouvoir : « Je n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous », affirme François Bayrou
Par Romain David
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Après huit jours de consultations Emmanuel Macron a choisi de nommer François Bayrou Premier ministre. Il s’agit d’une forme d’aboutissement pour le président du MoDem, 73 ans, compagnon de marche du président de la République depuis la campagne de 2017, malgré des prises de position parfois très critiques vis-à-vis de la politique du chef de l’Etat. Ce vendredi matin, le maire de Pau, régulièrement cité pour prendre la tête du gouvernement, semblait même avoir été disqualifié après un long entretien avec Emmanuel Macron, décrit par de nombreux commentateurs comme plutôt houleux.
François Bayrou aura la lourde tâche de dénouer la crise politique issue de la dissolution et des législatives anticipées, et de trouver dans une Assemblée nationale très fracturée les conditions d’un élargissement suffisant pour échapper à la censure qui a renversé son prédécesseur, le LR Michel Barnier, au bout de 3 mois et 8 jours. Un record de brièveté sous la Ve République. « Tout le monde se dit qu’il y a un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire », a brièvement commenté François Bayrou devant des journalistes, quelques minutes après l’annonce de sa nomination.
Les deux hommes ont rendez-vous ce vendredi 13 décembre, à 17 heures à l’hôtel Matignon, pour la traditionnelle passation de pouvoir. Un évènement à suivre en direct sur Publicsénat.fr
François Bayrou : « Je n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous, de difficultés de toute nature »
Insistant largement sur son territoire d’origine, François Bayrou a souligné qu’il était issu de territoires « qui n’ont pas la chance d’être protégés, favorisés », et qu’il fallait renouer avec la promesse républicaine d’égalité des chances, notamment à travers l’école. « Notre devoir de citoyens, de pères de famille de famille, de républicains, c’est que nous soyons obsédés pour rendre des chances à ceux qui n’en ont pas. C’est un devoir sacré, que je n’ai pas l’intention de négliger. »
Le nouveau Premier ministre se montre également conscient des difficultés qui l’attendent. « Je n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous, de difficultés de toute nature », a-t-il déclaré. La première sera évidemment budgétaire. L’un des chemins à trouver sera « marqué de la volonté de réconciliation ». Le maire de Pau a fait le parallèle avec le roi Henri IV, auquel il a consacré une biographie en 1999. Cette réconciliation est, selon lui, le « seul chemin vers le succès ».
François Bayrou : « Nul plus que moi ne connaît la gravité de la situation »
Le nouveau Premier ministre, a d’abord exprimé un « sentiment de gratitude » à l’égard de son prédécesseur « pour le risque » que Michel Barnier a pris en s’engageant dans cette fonction.
Le nouveau chef du gouvernement a fixé ensuite plusieurs priorités. « La première, c’est que nul plus que moi ne connaît la gravité de la situation » sur les déficits. Il a d’ailleurs souligné qu’il « avait pris des risques inconsidérés » en faisant campagne sur la dette et les déficits, lors des campagnes présidentielles. « C’est un problème moral, ce n’est pas qu’un problème financier. Se débarrasser de ses charges sur ses enfants […] c’est très mal vu dans nos pays de montagnes et à juste titre ».
Il a ensuite promis que sa « ligne de conduite sera de ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté ». Parmi les « risques les plus graves » identifiés, François Bayrou cite « le mur de verre qui s’est construit entre les citoyens et les pouvoirs ». « Cette rupture, c’est un ennemi à combattre », a-t-il estimé dénonçant « les éléments de langages » « Si je peux, j’essaierai de débarrasser la vie publique des mots artificiels ».
François Bayrou reprend aussi à son compte une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017 qui entendait combattre l’assignation à résidence. « L’idée que parce qu’on est né dans un quartier, dans un village, qu’on porte un nom, qu’on pratique une religion, les portes ne sont pas ouvertes pour vous […] Pour moi, c’est insupportable ».
« Nous avons tenté de faire de la politique autrement » : les adieux de Michel Barnier
« Monsieur le Premier ministre, cher François, bienvenue ! » À l’issue d’un entretien d’un peu moins de trente minutes, Michel Barnier a pris la parole aux côtés de François Bayrou, pour sa dernière intervention comme locataire de l’hôtel Matignon. « Notre pays est dans une situation inédite et grave. Je savais depuis le premier jour, le 5 septembre, que le temps de mon gouvernement était compté sous la menace d’une alliance improbable entre des forces politiques que tout oppose mais réunies dans une volonté de blocage et de confusion », a déploré Michel Barnier, en référence à la motion de censure portée par les députés de gauche, et votée par l’extrême droite, qui a renversé son gouvernement le 4 décembre.
« Ce temps très bref, nous avons essayé de l’utiliser au mieux », a assuré l’ancien commissaire européen. « Nous avons remis l’Etat en marche après les trois mois de turbulences qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale », a-t-il fait valoir. « Nous avons tenté de faire de la politique autrement, avec peu d’effets d’annonce, en parlant moins, en agissant plus, avec du dialogue et du respect », a ajouté le LR. Des paroles qu’ont dû apprécier, à n’en pas douter, les macronistes rassemblés dans la cour de l’hôtel Matignon.
L’éphémère chef de gouvernement a encore voulu alerter sur l’Etat des finances publiques, alors que la politique budgétaire qu’il a défendue lui a coûté le soutien de l’Assemblée. « Ce déficit n’a pas disparu comme par l’enchantement d’une motion de censure. On aurait tort de l’oublier, ainsi que la dette qui l’accompagne, faute de quoi ils se rappelleront brutalement à nous », a-t-il averti.
Michel Barnier a quitté Matignon à pied, sous les applaudissements, main dans la main avec son épouse Isabelle Altmayer-Barnier.
La poignée de mains entre François Bayrou et Michel Barnier à Matignon
Arrivé à 17 heures pile à l’hôtel Matignon, François Bayrou s’entretient désormais avec Michel Barnier. Dans la cour, de nombreux membres du gouvernement sortant patientent derrière des cordons de sécurité, notamment les LR Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, ou encore François-Noël Buffet, le ministre chargé des Outre-mer. Mais aussi des membres du camp présidentiel comme Laurent Saint-Martin, le ministre des Compte publics, ou Roland Lescure, vice-président de l’Assemblée nationale, un temps pressenti pour devenir Premier ministre.
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