Paris: Concertation Emmanuel Macron et le bloc central Elysee

François Bayrou Premier ministre : le PS prêt à « des compromis utiles », LFI menace déjà de « censure »

Après la nomination du président du Modem comme premier ministre, le PS ne ferme pas la porte à des compromis, tout en dénonçant un choix qui ne respecte pas le résultat des législatives. LFI brandit en revanche la menace d’une censure, confirmant les divergences des derniers jours. Entre les deux, les écologistes n’excluent plus non plus la censure, sauf si François Bayrou opère un changement de cap.
François Vignal

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Il n’est pas de gauche. Mais saura-t-il parler avec la gauche ? En nommant François Bayrou à Matignon, Emmanuel Macron nomme finalement un proche. Les réactions à gauche sont, ce vendredi, évidemment très critiques. Mais la scission, quant à la ligne et la stratégie, qui est apparue depuis plusieurs jours entre les socialistes et LFI, se confirme aujourd’hui, mettant un peu plus à mal encore l’alliance du Nouveau Front Populaire.

Le PS demande à François Bayrou de « renoncer à l’usage de l’article 49.3 »

Au PS, la ligne a vite été arrêtée, après un bureau national. Dans une lettre adressée à François Bayrou, le parti à la rose pointe d’abord ce choix du Président de nommer un « premier ministre issu de son propre camp », qui risque « d’aggraver la crise politique et démocratique dans laquelle il a placé le pays depuis la dissolution ». Alors que le PS demandait une personnalité de gauche à Matignon, par « respect » du résultat des législatives, « les socialistes ne participeront pas à votre gouvernement et demeureront dès lors dans l’opposition au Parlement », écrit le PS dans ce courrier signé notamment par le premier secrétaire Olivier Faure et les deux présidents de groupes, Boris Vallaud et Patrick Kanner, et où on retrouve tous les courants du PS

Mais on comprend que les socialistes ne ferment pas la porte à des accords, au cas par cas. « Les socialistes se battront avec toute la gauche pour obtenir des avancées utiles à la vie quotidienne de nos compatriotes. […] Nos votes dépendront dès lors des engagements que vous prendrez pour construire les compromis utiles pour engager la réorientation de la politique gouvernementale », est-il écrit, avec au préalable une condition : « Renoncer à l’usage de l’article 49.3 de la Constitution ». La lettre ne parle pas en revanche de l’idée d’un pacte de non-censure, qui avait été pourtant mise sur la table par le PS.

« Nous jugerons sur les actes. Il n’y aura pas de censure automatique », soutient Patrick Kanner

Sur l’antenne de Public Sénat, Patrick Kanner est allé plus loin. « Nous jugerons sur les actes. Il n’y aura pas de censure automatique », assure le patron des sénateurs PS, qui demande à ce que les responsables du parti soient « reçus » au plus vite par le premier ministre.

Mais le socialiste n’entend pas lui mettre le couteau sous la gorge. « Nous n’allons pas systématiquement cogner », soutient l’ancien ministre de François Hollande. « Nous voulons d’abord débattre, tester François Bayrou pour savoir s’il fait bouger les lignes et nous n’avons aucune envie de censurer pour censurer. Nous sommes un parti de gouvernement », ajoute encore Patrick Kanner, qui attend cependant « des gages, des signes envoyés à l’opposition républicaine ».

« Incompréhensible », pour Marine Tondelier

Chez les écologistes, on accueille plus froidement l’arrivée du Béarnais à Matignon. « On voit bien que le Président, plus il perd du terrain électoralement, plus il s’accroche à ses proches. […] C’est incompréhensible », dénonce Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes

Si elle « va regarder attentivement si le premier ministre s’engage à ne pas utiliser de 49.3 – François Bayrou avait l’air ouvert, on va voir ce qu’il va faire –  », la numéro 1 des écologistes n’écarte pas la censure. « Si c’est pour garder les mêmes aux postes stratégiques, dont Bruno Retailleau à l’Intérieur, pour ne rien faire sur les retraites, sur l’écologie, sur la justice fiscale, je ne vois pas quel autre choix nous aurions que de le censurer, quand nous en aurions l’occasion », prévient Marine Tondelier.

« Le commissaire au plan, pour le coup, c’est vraiment un mauvais plan », raille le sénateur écolo Guillaume Gontard

« Tout ça pour ça », raille pour sa part Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. « Je trouve ça dramatique pour notre pays, pour l’image de la France, c’est quand même terrible. On n’est même plus dans la crise politique, mais dans une espèce de vaudeville mais qui ne fait pas rire », tacle le sénateur de l’Isère, qui regrette à nouveau que le Président « n’écoute pas la parole du peuple », après les législatives.

« Là, Emmanuel Macron fait un non-choix, un en même temps qui lui permet de continuer sa politique et de rester au centre », pense le sénateur écolo. « Le choix de François Bayrou, fidèle parmi les fidèles, qui a suivi toutes les politiques, commissaire au plan, pour le coup, c’est vraiment un mauvais plan », lance Guillaume Gontard, qui ajoute :

 C’est la continuité et on régresse même. Emmanuel Macron avait fait un tour de force de nommer un LR, qui ont une quarantaine de députés. Maintenant, on va taper encore plus bas, avec le Modem, qui en a 36. 

Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat.

« C’est un nouveau bras d’honneur à la démocratie », dénonce Manuel Bompart (LFI)

Le responsable écologiste veut quand même « attendre maintenant son discours de politique générale », espérant des prises de position sur « la réforme des retraites, le réchauffement climatique », mais il a « beaucoup de doute sur sa capacité » à mener une « réorientation ». C’est pourquoi le gouvernement Bayrou ne devrait durer « que quelques mois », prédit Guillaume Gontard.

Chez LFI aussi, on compare la séquence à une mauvaise pièce de théâtre. « Après 8 jours de vaudeville, Bayrou est nommé premier ministre. C’est un nouveau bras d’honneur à la démocratie. Après avoir perdu toutes les dernières élections, Macron installe son premier et dernier soutien à Matignon. Faire tomber Bayrou, ce sera donc faire tomber Macron. Nous déposerons une motion de censure ! » a tout de suite prévenu le député Manuel Bompart, coordinateur national de La France Insoumise. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a réagi sur X (ex-Twitter) d’un laconique « ça commence bien… »

« Ce n’est pas une bonne nouvelle » pour le communiste Fabien Roussel

Au Parti communiste, où on s’est montré ouvert ces derniers jours à la recherche de « mains tendues », le ton est moins dur. « Les Français ont exprimé, lors des dernières élections, un changement de politique, de cap. Ils ont remis en cause la politique du président de la République et le Président vient, pour la deuxième fois, de nommer un premier ministre venant de son camp. On considère que ce n’est pas une bonne nouvelle, comme beaucoup de Français », a réagi sur LCI le numéro 1 du PCF, Fabien Roussel. Sur X, il a demandé « un changement de cap politique », « le respect du Parlement », « pas de 49.3 », « l’abrogation de la réforme des retraites », « l’indexation des salaires et pensions » ou encore « l’interdiction des licenciements boursiers ».

Sur l’antenne de Public Sénat, Léon Deffontaines, porte-parole du PCF, s’est montré en revanche plus ferme. « La nomination d’un premier ministre macroniste, un macroniste de la première heure, est une insulte à la démocratie, aux Français qui se sont quand même exprimés lors des élections législatives pour dire qu’ils voulaient un changement de politique », a-t-il dénoncé. « Nous jugerons sur pièces, notamment lors du discours de politique générale », ajoute cependant l’ancien candidat communiste aux européennes. Mais « si François Bayrou ne parle pas de la réforme des retraites, s’il refuse d’indexer les pensions de retraite et les salaires sur l’inflation, s’il refuse de mener un réel plan pour l’industrie, alors nous le disons, nous avons la censure à portée de main », prévient Léon Deffontaines. Censure or not censure, on voit déjà le prochain débat qui pourrait diviser la gauche.

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