Il a des allures de garçon sage mais appelle à la grève générale: le porte-parole des "gilets jaunes" de Rouen, François Boulo, avocat de 32 ans, jouit avec son "calme olympien" et ses réparties d'une popularité croissante.
"Bravo", "Du fin fond de l'Aude merci", "vous faites trembler" le vice-président du Medef, "face au mépris, votre calme et votre intelligence font toute la différence": à chacune de ses interventions télévisées partagées sur sa page facebook, ce jeune marié croule sous les éloges.
"Ca me touche: je pourrais être un escroc, un salopard", commente François Boulo interrogé par l'AFP. Plus de 30.200 personnes suivent la page facebook militante de ce fils d'un patron de PME, qui a lancé mardi un appel à rejoindre le 5 février la grève générale organisée par la CGT, appel partagé depuis par plus de 18.900 personnes. Des chiffres qui ne cessent d'augmenter.
"La seule solution pour contraindre un président sourd, à nous rappeler aux urnes, c'est la grève générale illimitée", a renchéri samedi cet homme fluet avant d'être abondamment applaudi dans une petite salle municipale comble à Caen, ville où il intervenait pour la première fois publiquement.
Sur le rond point des vaches, à Rouen, sa popularité ne se dément pas: "Tout ce qu'on a envie de dire, il le dit. Il est avocat mais il discute avec nous d'égal à égal", estime comme beaucoup d'autres Nadia, une secrétaire de 50 ans.
"J'ai été élevé dans une famille gaulliste sociale où le mépris de classe n'existait pas. Quand vous gagnez bien votre vie, c'est honteux de ne pas aider ceux qui galèrent", poursuit François Boulo qu'une source policière considère comme "modéré". "Je déplore toutes les violences, qu’elles visent les manifestants, les policiers ou les journalistes", a-t-il écrit sur twitter le 12 janvier sur son compte affichant plus de followers qu'Eric Drouet.
"La violence, le gouvernement n'en a rien à faire. Ce qui les embête c'est l'économie", étaye devant l'AFP ce calme fumeur opposé à toute liste "gilets jaunes" pour un Parlement européen qui "n'a aucun pouvoir".
- "J'ai une position trop géniale" -
La réalité sociale, François Boulo explique la connaître via son métier. "Je défends les gens menacés de saisie de leur maison contre les banques. Les gens n'en peuvent plus", poursuit l'avocat. Et d’égrainer avec jubilation des chiffres pour dénoncer les "dispositifs fiscaux" selon lui "contreproductifs" du gouvernement Macron, "au bénéfice des 1% les plus riches", et au détriment "des services publiques" et des PME.
Ce Normand originaire de Louviers assure qu'il ne sera pas porte-parole national, malgré les nombreux appels en ce sens.
"Un seul porte-parole, ce n'est pas souhaitable", dit-il. Le soutien d'un parti ? Pas question: "J'ai une position trop géniale. J'ai une tribune médiatique sans étiquette politique. Y a pas de filtre", affirme l'avocat qui "ne se situe absolument pas gauche/droite" et que les "querelles de personnes écœurent".
"Je veux fédérer, montrer au gens qu'on est 99% à devoir être d'accord", ajoute ce pourfendeur d'un "gouvernement des ultrariches", qui "crée Le Pen". "Le problème c'est pas l'immigré, c'est le banquier", c'est-à-dire l'indépendance de la Banque centrale européenne, poursuit ce guitariste amateur qui ne voit pas l'intérêt de dialoguer avec le gouvernement. Le président n'a qu'à "allumer sa télé pour connaître les revendications".
"Apprécié" de ses confrères, "c'est quelqu'un qui est intéressé par la chose économique et par la politique au sens noble", confirme l'ancien bâtonnier de Rouen Eric di Costanzo.
Mais ce n'est qu'en 2014 qu'il s'est mis à "passer des heures et des heures à étudier le budget de l'Etat, à écouter des conférences d'Emmanuel Todd, Frédéric Lordon, Michel Onfray évidemment. Je me suis repassé tous les débats politiques depuis les années 70. C'est génial", raconte le jeune avocat qui se dit sans religion.
Résultat, il prône une "autre UE" et déplore son propre vote pour la Constitution européenne en 2005.