François Hollande, le président qui voulait être « normal »
François Hollande se rêvait en "président normal", proche du peuple. Il quittera dimanche l'Elysée sur des records d'impopularité, laissant...

François Hollande, le président qui voulait être « normal »

François Hollande se rêvait en "président normal", proche du peuple. Il quittera dimanche l'Elysée sur des records d'impopularité, laissant...
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Par Hervé ASQUIN, Valérie LEROUX

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François Hollande se rêvait en "président normal", proche du peuple. Il quittera dimanche l'Elysée sur des records d'impopularité, laissant derrière lui un champ politique en pleine recomposition.

Désaveu supplémentaire, il céde les rênes de la France à son ancien conseiller, Emmanuel Macron, 39 ans, novice en politique, élu sur la promesse d'une rupture avec son quinquennat et d'un renouveau politique.

François Hollande arrivant à Kaboul, le 25 mai 2012
François Hollande arrivant à Kaboul, le 25 mai 2012
POOL/AFP/Archives

Incompris, chahuté jusque dans sa propre majorité, François Hollande s'est en revanche imposé en chef de guerre, enchaînant les opérations militaires avec une détermination aux antipodes de son image en politique intérieure.

A chaque secousse terroriste - les attentats jihadistes ont fait 239 morts en France depuis 2015 - il a aussi su se poser en père de la Nation, confortant un pays meurtri.

Le président Hollande (au centre, à gauche), entouré de son Premier ministre de l'époque Manuel Valls (sur sa gauche), et de la Maire de Paris Anne Hidalgo (sur sa droite), lors d'une cérémonie en mémoire des victimes de l'attentat de Charlie Hebdo
Le président Hollande (au centre, à gauche), entouré de son Premier ministre de l'époque Manuel Valls (sur sa gauche), et de la Maire de Paris Anne Hidalgo (sur sa droite), lors d'une cérémonie en mémoire des victimes de l'attentat de Charlie Hebdo
POOL/AFP/Archives

Mais cela n'a pas suffi à redresser sa stature, ternie par un livre de confidences au titre prémonitoire ("Un président ne devrait pas dire ça") et par son échec à rassembler une majorité autour de sa politique économique, contestée jusque dans son propre camp.

Au terme de son quinquennat, la fonction présidentielle paraît plus affaiblie que jamais. "Il faut la restaurer (..) retrouver un président arbitre, qui sache donner un cap", résume l'ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin.

L'ancien président Nicolas Sarkozy (g) et son successeur à l'Elysée François Hollande, lors des cérémonies de commémoration du 8 mai 1945; sur les Champs-Elysées à Paris, le 8 mai 2017
L'ancien président Nicolas Sarkozy (g) et son successeur à l'Elysée François Hollande, lors des cérémonies de commémoration du 8 mai 1945; sur les Champs-Elysées à Paris, le 8 mai 2017
POOL/AFP

En 2012, le premier président socialiste depuis François Mitterrand (1981-1995) se veut l'exact contraire du sortant Nicolas Sarkozy, volontiers décrit comme hyperactif et vibrionnant. Sa présidence "modeste" doit rompre avec le style jugé par trop clinquant de son rival.

- 'Trop de rêve' -

Dès les premiers mois pourtant, sa popularité dévisse. Les reproches reviennent, lancinants: il ne sait pas trancher, il n'a pas d'autorité, il est trop tacticien...

Le président François Hollande lors d'une interview télévisée le 14 juillet 2016 à Paris
Le président François Hollande lors d'une interview télévisée le 14 juillet 2016 à Paris
POOL/AFP/Archives

En 2013, une réforme étendant le mariage aux couples homosexuels, promise pendant sa campagne, provoque une fracture profonde dans la société française.

Puis c'est l'augmentation sans précédent de la pression fiscale sur les Français et les entreprises, accompagnée d'une baisse des dépenses publiques, qui suscite l'hostilité.

Pour lutter contre un chômage endémique, le président opte pour un virage social-libéral à mi-mandat, début 2014, ce qui lui vaut les foudres de l'aile gauche du parti socialiste et la défection de plusieurs ministres.

Le président François Hollande lors d'une interview télévisée le 14 juillet 2016 à Paris
AFP

Cette hostilité culmine début 2016 avec une guerre rangée des "frondeurs" de sa majorité contre une loi de réforme du droit du Travail qui jette des dizaines de milliers de salariés et de jeunes dans les rues.

"Nombre de ses électeurs ont la désagréable impression d'avoir été bernés. Hollande, prince de l'équivoque, leur a simplement vendu trop de rêve", estiment les auteurs de l'ouvrage controversé de confidences, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

Les guerres et les attentats qui ensanglantent Paris et Nice contribuent à le "représidentialiser". Il endosse sans sourciller les habits de chef des armées, déployant les troupes françaises au Mali, en Centrafrique ou les avions de combat français contre le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.

- Macron, l'héritier ? -

"J'aimerais que l'on dise de moi, puisque c'est la vérité, que j'ai été courageux dans cette période", confie le président sortant, 62 ans, dans l'ouvrage "Un président ne devrait pas dire ça..".

Le président François Hollande lors d'une interview télévisée le 14 juillet 2016 à Paris
AFP

Sa vie privée, qu'il entendait préserver, lui revient comme un boomerang. En janvier 2014, il se sépare avec fracas de sa compagne Valérie Trierweiler après la révélation par un magazine people de sa liaison avec une actrice, Julie Gayet.

En 2007, la rupture avec Ségolène Royal, candidate malheureuse à la présidentielle et mère de ses quatre enfants, avait déjà été retentissante. Elle n'en devient pas moins ministre de l'Environnement.

Malgré les échecs et les couacs, François Hollande compte se présenter à sa propre succession en 2017. N'est-ce pas une constante pour tous les présidents français depuis 1958 ?

Le président François Hollande et Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, à l'Elysée, le 14 avril 2015
Le président François Hollande et Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, à l'Elysée, le 14 avril 2015
AFP/Archives

Mais là aussi, il ne réussit pas à être un président "normal". Acculé par ses propres faiblesses, les critiques et les divisions de son camp, il finit par jeter l'éponge et renonce le 1er décembre à être candidat.

Au terme de son mandat, il laisse un héritage sans fard : un parti socialiste dévasté, une extrême droite à son plus haut niveau depuis la seconde guerre mondiale - Marine Le Pen, battue dimanche, a rassemblé 10,6 millions d'électeurs - et un chômage à 10%.

La victoire d'Emmanuel Macron est pourtant aussi un peu celle de ses idées, d'une social-démocratie libérée des dogmes. "Peut-être est-il l’homme qui accomplira les rêves inavoués de son prédécesseur", relève l'ancien député européen centriste Jean-Louis Bourlanges.

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