Frappe française lors d’un mariage au Mali : quand Florence Parly parlait de « rumeurs »
Une enquête des Nations unies conclut qu’une frappe aérienne conduite par l’armée française au Mali, en janvier, a tué 19 civils réunis pour un mariage, et pas seulement des jihadistes, selon un rapport consulté mardi par l’AFP. Le ministère des armées réfute toute bavure et émet de « nombreuses réserves » sur cette enquête. Interrogée au Sénat le 20 janvier dernier, par la commission des affaires étrangères du Sénat, Florence Parly avait pointé « une guerre de l’information » et fait état de « rumeurs ».

Frappe française lors d’un mariage au Mali : quand Florence Parly parlait de « rumeurs »

Une enquête des Nations unies conclut qu’une frappe aérienne conduite par l’armée française au Mali, en janvier, a tué 19 civils réunis pour un mariage, et pas seulement des jihadistes, selon un rapport consulté mardi par l’AFP. Le ministère des armées réfute toute bavure et émet de « nombreuses réserves » sur cette enquête. Interrogée au Sénat le 20 janvier dernier, par la commission des affaires étrangères du Sénat, Florence Parly avait pointé « une guerre de l’information » et fait état de « rumeurs ».
Public Sénat

Par Caroline Deschamps (avec AFP)

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Le rapport de la Mission de l’Onu au Mali constitue la plus sérieuse mise en cause d’une opération de la force Barkhane par les Nations unies depuis le début de l’engagement français au Sahel en 2013.

Le ministère français des Armée a réfuté mardi toute bavure. Il « maintient avec constance et réaffirme avec force » que « le 3 janvier, les forces armées françaises ont effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel » près de Bounti et « émet de nombreuses réserves quant à la méthodologie retenue » et « ne peut considérer que ce rapport apporte une quelconque preuve contredisant les faits tels que décrits par les forces armées françaises ».

Auditionnée au Sénat le 20 janvier dernier par la commission des affaires étrangères, la ministre Florence Parly avait été interrogée sur les accusations portées contre les forces françaises à la suite des frappes qui auraient tué des civils lors d’un mariage près de Douentza au Mali le 3 janvier dernier. La ministre des Armées avait alors parlé de « guerre de l’information », avant d’ajouter : « Nous l’avons vu encore récemment lorsque sur toutes sortes de réseaux sociaux, la France a été accusée d’avoir été à l’origine d’une frappe ayant soi-disant tué des civils. Quand je dis « soi-disant », je ne doute pas que des civils aient été tués, mais c’était ailleurs et ce n’est pas du fait de l’intervention de la France. » (Voir la vidéo ci-dessus)

« Les faits ne pèsent pas plus lourd que les rumeurs »

Plus loin, Florence Parly qualifie ces accusations de rumeurs : « Ce que nous pouvons déplorer désormais c’est que face aux faits, il y a des rumeurs et que désormais, les faits ne pèsent pas plus lourd que les rumeurs. C’est donc en effet une sorte de guerre qui s’engage sur notre capacité à opérer la distinction entre de la propagande, de la rumeur amplifiée par des réseaux sociaux, et des faits qui sont des données vérifiées, certifiées par nos forces. Nous assurons la traçabilité de tout ce que nous faisons, mais organiser la traçabilité ne signifie pas nécessairement que dans la seconde nous puissions réagir au même rythme que sur les réseaux sociaux. […] Il faut avoir bien conscience qu’il ne s’agit pas nécessairement de rumeurs qui sont répandues par des acteurs locaux, mais qu’il y a aussi un jeu de puissances, des compétiteurs qui ne verraient que des avantages à ce que les Européens quittent ce théâtre, afin de pouvoir mieux s’y déployer eux-mêmes, avec probablement d’autres intentions que les nôtres.

Et de conclure : « C’est un sujet que nous prenons très au sérieux, mais je voudrais dire que pour ce qui nous concerne, nous tenons absolument, lorsque nous communiquons, à communiquer sur des faits qui sont vérifiés. Rien ne serait pire que d’engager la parole de l’État sur des données partielles et pas totalement certaines ».

Le ministère des Armées réaffirme ce mardi 30 mars dans son communiqué que « le 3 janvier, les forces armées françaises ont effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel ».

Le document de l’ONU, rédigé à partir des investigations de la Division des droits de l’Homme de la Minusma appuyée par la police scientifique des Nations unies, indique que c’est bien un groupe d’hommes réunis par un mariage près de la localité de Bounti qui a été atteint par une frappe aérienne de Barkhane le 3 janvier dans le centre du pays en guerre.

Au terme de l’enquête, d’entretiens directs avec au moins 115 personnes, presque autant d’entretiens téléphoniques et un certain nombre d’entretiens de groupes, la Minusma « est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma », dit le résumé du rapport.

La Katiba Serma est affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en arabe), alliance jihadiste elle-même affiliée à Al-Qaïda.

Au moins 22 personnes ont été tuées, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma ; 19 sur le coup, 3 au cours de leur évacuation, dit le document.

Le groupe touché « était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire », dit le texte. Les experts de l’ONU n’ont trouvé sur place aucun élément attestant la présence d’armes ou de motos, moyen de déplacement privilégié des jihadistes, dit le texte sans expliquer l’apparente contradiction avec le fait que des membres présumés de la Katiba Serma étaient armés.

La Minusma recommande aux autorités maliennes et françaises de diligenter « une enquête indépendante, crédible et transparente ». Elle préconise d’examiner les processus préalables aux frappes, voire de les modifier.

Partager cet article

Dans la même thématique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

French L1 football match between Olympique Lyonnais (OL) and Le Havre AC
8min

Politique

Salaires exorbitants, conflits d’intérêts, droits TV : retour sur la commission d’enquête qui a mis un carton rouge au Foot business

Série- Les enquêtes du Sénat. C’est une commission d’enquête qui a connu de nombreux soubresauts. Alors que le football professionnel traversait une crise majeure liée aux revenus des droits TV, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont lancé une commission d’enquête pour encadrer le sport professionnel. Entre auditions, visite du siège de la Ligue de football et révélations de Complément d’enquête, retour sur les préconisations de la commission d’enquête pour stopper le Foot business.

Le

Le Mans Manifestation des maires de la Sarthe
4min

Politique

Elections municipales : il n’y a jamais eu autant de maires démissionnaires depuis 2020

Le nombre d’édiles qui renoncent à poursuivre leur mandat n’a jamais été aussi élevé, selon une étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Les démissions ont été multipliées par quatre depuis 2020 par rapport à la période 2008-2014. Les tensions au sein des Conseils municipaux sont invoquées comme première cause de renoncement.

Le

capture La bomba
3min

Politique

Les « films de l’été » 5/8 : « La bombe atomique a modifié à jamais le monde dans lequel nous vivons »

Pour les Américains, la bombe atomique était LA solution nécessaire pour gagner la Seconde Guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un problème environnemental, politique et moral. Comment vivre avec une invention capable de détruire la planète ? Étayé d'images et de vidéos déclassifiées, mais aussi d'archives poignantes consacrées aux victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, « La bombe », du cinéaste américain Rushmore DeNooyer, diffusé cet été sur Public Sénat, convoque également les témoignages d'anciens hommes politiques, d'ingénieurs du projet Manhattan et d'historiens pour raconter cette histoire scientifique, politique et culturelle.

Le