Fraude fiscale : le sénateur PCF Eric Bocquet « salue » le plan de Darmanin

Fraude fiscale : le sénateur PCF Eric Bocquet « salue » le plan de Darmanin

« On ne va pas faire la fine bouche ». Le sénateur PCF Eric Bocquet, qui avait été rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale, « salue » les efforts du gouvernement, même « limités », pour lutter contre la fraude fiscale. Mais « il reste des ambiguïtés » et des actions à mener, notamment sur les paradis fiscaux. Le […]
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« On ne va pas faire la fine bouche ». Le sénateur PCF Eric Bocquet, qui avait été rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale, « salue » les efforts du gouvernement, même « limités », pour lutter contre la fraude fiscale. Mais « il reste des ambiguïtés » et des actions à mener, notamment sur les paradis fiscaux. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé ce jeudi ce plan dans un entretien au Figaro. Une loi devrait être adoptée avant l’été. Le sénateur n’exclut pas de « coopérer » avec le gouvernement sur le sujet.

Eric Bocquet et son frère Alain Bocquet, qui ont écrit ensemble « Sans domicile fisc », viennent de recevoir de l’association Anticor un prix éthique pour leur combat sur la fraude et l’évasion fiscale. Au Sénat, la commission des finances vient de créer un nouveau groupe de travail sur ces questions. Une idée qu’avait proposée le sénateur du Nord. Entretien.

Gérald Darmanin annonce un nouveau plan anti-fraude fiscale avec une série de mesures dont le recours au « name and shame ». Cela va-t-il dans le bon sens ?
Tout ce qui peut aller dans le sens de la dissuasion des pratiques est positif. Ils réfléchissent à rendre  public les sanctions pour les cas les plus graves. Il est sûr que toute forme de pénalisation ne peut que générer un mouvement vertueux. Il faudra voir après dans la pratique.

Le sujet est devenu tellement incontournable dans le débat public qu’on ne peut plus ne pas s’y intéresser. Que le gouvernement prenne des mesures, aussi limitées soient-elles, ne peut qu’être salué. On ne va pas faire la fine bouche. Il ne faut pas que ça ne concerne que les particuliers. Ce sont surtout les pratiques des entreprises qui alimentent les sommes vertigineuses de la fraude. Le gros de la troupe, ce sont les entreprises.

Par ailleurs, la liste des paradis fiscaux est largement insuffisante. C’est un signe inquiétant. D’abord, en décembre, on arrête une liste avec 17 Etats dont aucun Etat membre de l’Union européenne. Et là, on la réduit à 9. Il n’y a pas le Panama, les Bermudes… Ce n’est pas très crédible. Il y a des petites avancées mais de l’autre, il reste des ambiguïtés. A l’échelle internationale, les vents sont tout à fait contraires.

Gérald Darmanin veut « sanctionner durement ceux qui décideront de frauder en connaissance de cause ». Vous lui reconnaissez une volonté d’agir ?
Oui. Il veut aussi incriminer les cabinets et offices qui permettent l’évasion et la fraude. Je salue cela très positivement. Dans la deuxième commission d’enquête du Sénat, en 2013, c’est une idée que nous avions souligné, de cibler la chaîne de responsabilité collective. On ne peut pas s’évader sans un peu d’aide.

Vous saluez l’arrivée de ce plan anti-fraude. Vous dites « chiche » à Gérald Darmanin ? Vous êtes prêt à travailler avec lui ?
Je n’exclus aucune coopération. Elle ne doit pas se limiter au gouvernement. Il veut prendre des initiatives, très bien. Mais le travail qu’on mène vise aussi à sensibiliser l’ensemble de l’opinion. On veut allier les deux. Aucune coopération n’est interdite dès lors qu’elle est suivie d’effets.

Les moyens d’enquête judiciaire devraient aussi être renforcés avec la création d’un service spécialisé à Bercy. Là aussi une bonne chose ?
Il ne faut pas oublier qu’il y a quand même eu des suppressions de poste à la Direction générale des finances publiques, sur les moyens du contrôle. Ces dernières années, avec la RGPP, des milliers de postes ont disparu. La lutte passe par des moyens humains et techniques renforcés. Alors si on dit qu’on va renforcer les moyens, on va peut-être récupérer une petite partie des effectifs perdus.

Un guichet de régularisation va être mis en place pour les entreprises qui pouvaient frauder. Etes-vous favorable à la recherche d’accord plutôt que des procès ?
J’ai une divergence de fond avec ça. On l’a vu avec HSBC. Contre 300 millions d’euros, la banque a acheté le droit de ne pas être traînée en justice. C’était la loi Sapin à l’époque, avec la convention judiciaire d’intérêt public. On est dans la transaction. Ce n’est pas juste, ce n’est pas normal. Il y a eu le fameux bureau de dégrisement pour les particuliers qui avaient des comptes en Suisse. Ça manque de transparence.

Une mission parlementaire est en cours à l’Assemblée sur le verrou de Bercy, que vous dénoncez depuis longtemps…
Ça, c’est une bonne nouvelle. J’espère que ça aboutira à une disparition de ce dispositif. J’ai des amis qui en font partie, comme le député PCF Fabien Roussel. Pour rappel, à cause du verrou de Bercy, la justice ne peut pas s’autosaisir d’une affaire de fraude fiscale. Il faut d’abord l’accord de l’administration et in fine du ministre du Budget. Au Sénat, on avait obtenu la suppression du verrou à trois reprises par voie d’amendement. Mais cela avait été retoqué par l’Assemblée nationale. Il faut mettre fin à cette aberration.

Au Sénat, la commission des finances vient de créer un groupe de travail spécifique sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Quel sera le but de ce groupe ?
La feuille de route n’est pas écrite. Je prends acte avec beaucoup de satisfaction de la création de ce groupe, entérinée hier. J’en avais touché un mot au président Larcher. J’avais échangé avec lui sur cette idée, qu’on proposait avec mon frère lors de la sortie de notre livre, « Sans domicile fisc ». Il a donné son feu vert à l’affaire. Ce sujet est transversal. Le principe d’égalité du citoyen face à l’impôt peut rassembler au-delà des clivages politiques. On est 9 parlementaires (Emmanuel Capus, Yvon Collin, Philippe Dominati, Vincent Eblé, président de la commission des finances, Nathalie Goulet, Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission, Georges Patient, Sophie Taillé-Polian et Eric Bocquet) à en faire partie. J’entends bien m’y impliquer. Il faut associer de manière permanente et pérenne le Parlement sur ce sujet.

Les multiples affaires, dont la dernière en date des « Paradis papers », poussent-elles le gouvernement à agir ?
Certainement. Ça devient intolérable. L’opinion publique s’indigne à chaque révélation. Dans un récent sondage, sur une trentaine de propositions, le renforcement de la lutte contre l’évasion et les paradis fiscaux venait en second dans l’ordre des réponses. Mais je crains qu’on ne soit pas au bout des révélations dans les années qui viennent. C’est systématique, c’est une industrie. L’opinion ne supporte plus cela alors qu’on impose l’austérité au nom de la lutte contre le déficit et la dette. Donc le moindre petit pas est à prendre en compte. Mais il y a de nombreux pas à faire.

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