Fraude fiscale: trois ans de prison ferme requis contre Jérôme Cahuzac
L'accusation a requis mardi la "confirmation" de la peine de trois ans de prison ferme infligée en 2016 à l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac...

Fraude fiscale: trois ans de prison ferme requis contre Jérôme Cahuzac

L'accusation a requis mardi la "confirmation" de la peine de trois ans de prison ferme infligée en 2016 à l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac...
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Par Sofia BOUDERBALA

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L'accusation a requis mardi la "confirmation" de la peine de trois ans de prison ferme infligée en 2016 à l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, jugé en appel pour fraude fiscale et blanchiment, une faute qui a "durement rompu l'équilibre social".

"Votre plus grande contribution à la lutte contre la fraude fiscale aura été votre procès", a asséné l'avocat général à l'ancien ministre, contraint à la démission en mars 2013 après la révélation de l'existence de son compte caché à l'étranger.

Il a également requis la confirmation d'une peine de cinq ans d'inéligibilité à l'encontre de l'ancienne étoile montante de la galaxie socialiste. Il a raillé la vanité d'un ministre brillant qui rechignait à "priver la France de son talent".

Fraude fiscale et blanchiment dans l'affaire Cahuzac
Fraude fiscale et blanchiment dans l'affaire Cahuzac
AFP

Une confirmation du jugement enverrait Jérôme Cahuzac, devenu à 65 ans un paria de la République, derrière les barreaux. Alors qu'une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement ouvrirait la possibilité d'un aménagement de peine.

Pourfendeur de la fraude fiscale lorsqu'il était au gouvernement, Jérôme Cahuzac avait menti pendant des mois, "les yeux dans les yeux", à ses proches, aux parlementaires, aux médias. Il avait finalement avoué en avril l'existence d'un compte dissimulé à l'étranger: 600.000 euros en Suisse, transférés à Singapour en 2009 via des sociétés offshore.

Un déni persistant signe de "quelque chose de plus noir", un puissant "sentiment d'impunité", pour l'avocat général Jean-Christophe Muller. "L'impunité, c'est penser que la loi c'est pour les autres", a attaqué le magistrat en débutant son réquisitoire.

- 'Tout et son contraire' -

"Vouloir tout et son contraire", "penser qu'il est possible de faire fortune d'un côté" et "de donner des leçons de morale fiscale" de l'autre: le représentant de l'accusation a fustigé un homme qui n'a pas su "faire des choix".

S'inscrivant dans les pas des juges de première instance, le représentant du parquet général a réclamé une sanction proportionnée à la faute commise, décrivant les serments trahis et les chemins sinueux de la fraude.

Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par le chirurgien et son épouse dermatologue. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Les comptes de la mère du médecin servent aussi à blanchir les chèques des riches patients anglais. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros.

Contre l'ex-avocat genevois Philippe Houman, qui a orchestré le transfert des avoirs de Jérôme Cahuzac de Suisse à Singapour, l'avocat général a requis la confirmation de la condamnation à un an de prison avec sursis et à l'amende maximale de 375.000 euros.

Les autres protagonistes de l'affaire avaient renoncé à faire appel: l'ex-épouse de Jérôme Cahuzac, Patricia Ménard, condamnée à deux ans de prison, la banque genevoise Reyl et son patron, qui ont écopé de l'amende maximale.

Lors de ce second procès, Jérôme Cahuzac, qui vit la plupart du temps reclus en Corse, a reconnu une faute et un déni persistant.

Sur le fond, sa ligne de défense n'a pas changé: c'est la volonté de constituer un trésor de guerre au profit du mouvement de l'ex-Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait le "basculement" dans la fraude, et l'ouverture d'un premier compte en Suisse en 1992. La suite relèverait d'une "fuite en avant".

Des arguments balayés par l'avocat général, qui a voulu insister sur "la déflagration" causée par le scandale le plus retentissant du quinquennat de François Hollande, qui a abouti à la création en 2013 d'un parquet national financier puis d'une agence anticorruption.

En France, a-t-il rappelé, la fraude fiscale coûte "entre 60 et 100 milliards d'euros par an", une somme "qui couvrirait" le déficit budgétaire annuel.

"Il résulte de ce dossier que l'équilibre social a été durement rompu, a-t-il tranché. Comme député, comme ministre, vous pensiez incarner la loi, en définitive, vous serez une jurisprudence".

Les avocats de Jérôme Cahuzac plaideront mercredi. La décision devrait être rendue plusieurs semaines plus tard.

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