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Credit : Christian Liewig-POOL/SIPA

Frères musulmans : ce que révèle le rapport commandé par l’exécutif

Un rapport de 73 pages pointe le rôle joué par les Frères musulmans en France, avec une volonté d’entrisme dans la société. Un conseil de défense, prévu ce mercredi à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron, devrait déboucher sur des « mesures ».
François Vignal

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C’est un rapport qui va faire l’objet d’un conseil de défense, ce mercredi, autour du président de la République. Un rapport commandé par le gouvernement, intitulé « Les Frères musulmans et islamisme politique en France », remis au ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et révélé par Le Figaro. Il décrit une situation où cette mouvance gagne du terrain. « Cet entrisme islamiste est une menace pour la République et notre cohésion nationale », a estimé ce mardi matin le ministre de l’Intérieur. Dans ce qui est aussi une bataille de communication, du côté de l’Elysée, on tient à rappeler, ce mardi, que c’est « le Président (qui) a lancé ce rapport ».

139 lieux de culte, soit 7% du total

Selon les chiffres issus de ce document, 139 lieux de culte musulmans sont liés aux Frères musulmans, et s’ajoutent 68 lieux « considérés comme proches de la fédération ». Ils sont « répartis sur 55 départements ». Un chiffre cependant à relativiser : ils représentent « 7% des 2800 lieux de cultes musulmans » mais « 10% de ceux ouverts sur la période 2010-2020 ». « La fréquentation globale des mosquées affiliées ou proches de la mouvance s’élève en moyenne à 91 000 fidèles le vendredi », précise le rapport.

Si « la fédération des Musulmans de France ne revendique aujourd’hui l’affiliation que de 53 associations », précise le rapport cité par le quotidien, le document affirme que les « éléments réunis font toutefois état de 280 associations rattachées à la mouvance, opérant dans une multitude de secteurs encadrant la vie du musulman (cultuel mais également caritatif, scolaire, professionnel, jeunesse ou encore financier) ».

Le mouvement des Frères musulmans, né en 1928 en Egypte, porte le projet d’un islam politique conservateur. Il a été interdit dans plusieurs pays, comme l’Arabie saoudite, l’Égypte et très récemment la Jordanie.

« Dynamisme » de la « prédication 2.0 »

Les établissements scolaires privés jouent un rôle. Le rapport évoque « 21 établissements qui étaient identifiés comme liés à la mouvance “frériste” (18 directement et trois réputés proches) qui accueille un total de 4200 élèves pour l’année en cours ».

Le rapport vise aussi les réseaux sociaux, parlant du « dynamisme » de la « prédication 2.0 », avec le rôle des « influenceurs », qui « sont souvent une première porte d’entrée dans la découverte de l’islam et sont devenus le lien entre les idéologies islamistes et les jeunes francophones européens ».

Développement d’« écosystèmes au plan local  »

Le document parle aussi du développement d’« écosystèmes au plan local ». Dès les années 1990, ces écosystèmes permettant « d’encadrer la vie du musulman de sa naissance à sa mort ». « Constitués autour d’une mosquée offrant généralement des cours d’éducation coranique », ces écosystèmes comprennent des « commerces communautaires ou des activités sportives distinctes de la mosquée, avec la volonté d’investir le champ de l’enseignement privé ». « Les voyages, le développement personnel, l’aide à l’emploi ou les sites de rencontres font partie de l’éventail des activités développées », décrivent les auteurs.

Le rapport note également le rôle du conflit israélo-palestinien. Et « depuis les attaques du 7 octobre, on constate une montée des activités antisionistes au sein [de] mosquées, à la faveur de la colère suscitée par le bilan humain des représailles israéliennes à Gaza », est-il écrit.

L’Elysée veut sensibiliser « le grand public et les élus locaux » avant les municipales

Le Conseil de défense prévue à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron, qui rassemblera aussi le premier ministre et plusieurs ministres, devrait déboucher sur du concret. Des « mesures seront prises » demain, « à l’issue du Conseil de défense », précise ce mardi l’Elysée, où on rappelle l’action déjà menée.

Le Conseil « vise à faire le bilan », en revenant sur la loi sur le séparatisme d’aout 2022, voir « comment, le cas échéant, aller plus loin ». L’idée de l’exécutif est de « faire la même chose, en étant aussi allant sur l’entrisme ». L’idée d’un projet de loi n’est pour l’heure pas explicitement exprimée.

« Avec l’échéance des municipales », l’Elysée entend aussi sensibiliser « le grand public et les élus locaux » sur « la menace » de « cet entrisme par le bas », « et comment elle procède », explique l’Elysée.

« Nous sommes parfaitement en ligne sur le fait qu’il ne faut pas faire d’amalgame », soutient l’Elysée

Histoire de faire comprendre qu’Emmanuel Macron n’a pas attendu Bruno Retailleau pour agir, l’Elysée donne les chiffres du nombre d’établissements fermés de manière temporaire ou définitive : 741. « Il s’agit de lieux de culture, d’établissements scolaires ou d’enseignement, d’accueil collectif de mineurs, d’établissement sportifs, culturels ou associatifs, ou de commerces, notamment de débits de boisson ou épiceries », précise l’Elysée. Des fermetures qui font suite à 9537 opérations de contrôle.

Et alors que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est souvent accusé pour la dureté de son discours, à l’Elysée, on tient à préciser la ligne, et en creux, une certaine différence avec le nouveau président des LR : « Nous sommes parfaitement en ligne sur le fait qu’il ne faut pas faire d’amalgame. Cela suppose qu’il y ait des discours et des actes en conséquence et que chacun s’efforce de le faire ».

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