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Frères musulmans : quand le Sénat votait l’interdiction du port du voile pour les mineures contre l’avis du gouvernement 

Alors qu’un rapport sur le rôle joué par les Frères musulmans en France fait l’objet d’un conseil de défense, ce mercredi, à l’Elysée, le parti Renaissance de Gabriel Attal propose d’interdire le port du voile pour les mineures et souhaite l’examen d’une nouvelle loi séparatisme. Pour mémoire, cette mesure a déjà été votée par le Sénat en 2021 contre l’avis du gouvernement.
Simon Barbarit

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Le rapport sur « l’entrisme » des Frères musulmans commandé par le gouvernement est au cœur d’un conseil de défense à l’Elysée, ce mercredi. Les auteurs de ce texte s’inquiètent notamment d’une « rigorisation de la pratique religieuse », avec une « explosion du nombre de jeunes filles portant une abaya et l’augmentation massive et visible de petites filles portant le voile ». Phénomène touchant des jeunes filles « parfois [âgées de] 5-6 ans », qui « apparaît soutenu par un puissant réseau wahhabo-salafiste ». 

L’ancien Premier ministre et patron de Renaissance, Gabriel Attal a été réactif et souhaite légiférer au plus vite. Le Parisien révèle les propositions du parti qui tiendra lundi prochain une convention thématique sur les questions régaliennes. Il propose d’interdire le port du voile dans l’espace public pour les mineurs de moins de 15 ans, notamment car cela porte gravement atteinte à l’égalité homme-femmes et à la protection de l’enfance ». Il souhaite pour se faire instaurer « un délit de contrainte au port du voile contre les parents qui contraindraient leurs jeunes filles mineures à porter le voile ». De quoi susciter l’ironie du président du RN, Jordan Bardella qui tacle sur X : « Tenter désespérément de faire parler de soi et d’exister vaut bien quelques revirements à 180 degrés… » 

« Une vraie difficulté au niveau de la Constitution »   

En 2021, lors de l’examen de la loi sur le respect des principes de la République dite contre le séparatisme, portée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, le gouvernement de Gabriel Attal suivant l’avis de la commission des lois du Sénat, s’était opposé à l’interdiction du port du voile pour les mineurs. La mesure était portée par des amendements de sénatrice LR Valérie Boyer mais aussi par la sénatrice RDSE, Nathalie Delattre, l’actuelle ministre chargée du Tourisme. A l’époque, elle venait de présider une commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. La sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de cette commission d’enquête était également rapporteure du texte séparatisme. Elle avait pourtant émis un avis défavorable à la mesure. Gérald Darmanin s’était rangé derrière ses arguments. L’amendement de Nathalie Delattre avait néanmoins été adopté mais n’avait pas survecu pas à la navette parlementaire. 

Si la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio (LR) avait estimé que le sujet ne pouvait être ignoré et qu’il « nous heurtait tous », elle avait néanmoins considéré que cette disposition devait s’intégrer dans un texte spécifique, sur « la protection de l’enfance ». Ces amendements « touchent un équilibre complexe entre les libertés individuelles et la préservation de l’ordre public […] il y a une vraie difficulté au niveau de la Constitution » […] Il faut trouver des fondements juridiques que nous n’avons pas malheureusement aujourd’hui », avait-elle développé. 

Des arguments qui n’avaient pas convaincu sa collègue, Valérie Boyer arguant que le « voilement des mineures représentait une forme de maltraitance » […] Le Sénat ne peut accepter en France qu’une mineure soit voilée. Elle avait regretté cette occasion manquée. A l’époque président du groupe LR, Bruno Retailleau avait dit craindre que le texte « sur la protection de l’enfance ne vienne pas dans le calendrier avant longtemps » et avait donc voté l’amendement. 

Selon un rapport du Sénat, la loi séparatiste « ne fait pas peur » aux islamistes  

Renaissance préconise également l’adoption d’une « deuxième loi séparatisme » qu’il appellerait « contre l’entrisme islamiste ». Ce texte porterait la création d’un « délit de communautarisme qui complétera le délit de séparatisme », « sanctionnant l’appel à refuser les lois de la République ou la volonté d’imposer dans un territoire ou une association des règles contraires à celles de la République ». 

L’année dernière, la commission des lois du Sénat dressait un bilan sévère de l’application et des effets de la loi séparatisme. La mesure phare consiste à conditionner le versement des subventions publiques aux associations à la signature d’un « contrat d’engagement républicain » (CER). La commission avait constaté qu’il s’agissait surtout d’une formalité administrative que d’un simple engagement. De même, le nouveau régime de dissolutions administratives au motif de provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, n’a concerné que 6 d’associations ou groupements « qui n’étaient pas ceux initialement envisagés par le législateur, en particulier dans le cas des Soulèvements de la Terre », relevait le rapport rédigé par Jacqueline Eustache Brinio. 

« Cette loi ne fait peur à personne. Surtout pas aux islamistes », avait tranché la sénatrice. L’un des rares points de la loi à avoir produit des effets, selon les rapporteurs, porte sur l’assèchement d’un certain nombre de flux de financements étrangers car les associations cultuelles ont désormais l’obligation de déclarer les dons étrangers de plus de 10 000 euros et la cession de lieux de culte à un État étranger. (lire notre article) 

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