Paris: Gabriel Attal holds a press conference ahead of the first day of school

Gabriel Attal peut-il vraiment être « une arme anti-RN » pour les élections européennes ?

A peine nommé à Matignon, les macronistes sont tentés de faire de Gabriel Attal « un atout très important » pour contrer Jordan Bardella et le RN aux européennes. Chez les amis de Marine Le Pen, on assure ne pas y voir une menace. « Ils essaient de nous copier, avec un jeune, dynamique et populaire », raille le vice-président du RN, Sébastien Chenu.
François Vignal

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Avec Gabriel Attal à Matignon, la majorité profite d’une petite bouffée d’air. Si beaucoup pointent le coup de com’, le plus jeune premier ministre de la Ve République donne comme un second souffle à l’exécutif. « Ça fait du bien à la macronie. On avait quand même une période difficile », confirme le député Renaissance, Patrick Vignal (sans lien avec l’auteur de ces lignes). « Il amène cette fraîcheur, cette énergie. Dans les boucles, les militants disent qu’il va nous aider à nous régénérer », raconte le député de l’Hérault.

Et quoi de mieux pour aborder le seul scrutin de l’année 2024, les européennes, qu’un premier ministre jeune et populaire. A peine l’ancien ministre de l’Education nationale nommé, certains y voit en effet la réponse à l’ascension du Rassemblement national, qui caracole en tête dans les sondages, devant Renaissance. Face au jeune Jordan Bardella, le jeune Gabriel Attal, qui en tant que premier ministre, est aussi traditionnellement le chef de la majorité. L’affiche est tentante, le match déjà lancé… un peu vite ?

« Il a déjà débattu avec Jordan Bardella pendant la présidentielle. Il a été très bon », souligne François Patriat

Gabriel Attal sera « bien entendu » une arme anti-Bardella, anti-RN, confirme François Patriat, patron des sénateurs macronistes. « Il a déjà débattu avec Jordan Bardella pendant la présidentielle, à trois reprises. Il a été très bon. Il a montré qu’il savait débattre à la télé, qu’il savait faire de la politique », apprécie le sénateur Renaissance de Côte d’Or, qui ajoute :

 Il fera un très bon chef de la majorité pour mener la campagne des européennes. 

François Patriat, président du groupe RDPI du Sénat.

Le président du groupe RDPI de la Haute assemblée ne tarit pas d’éloge à l’égard du premier ministre. « Par la clarté de son propos, le pragmatisme dont il a fait preuve, il est capable de donner un nouveau souffle à la majorité », lance François Patriat, « mon groupe est unanime derrière Gabriel Attal, ça redonne l’envie de combattre, d’y aller, de réformer le pays ».

« Gabriel Attal est un atout très important pour faire reculer le RN, que ce soit dans la perspective des européennes ou pour les élections ultérieures », selon le député Renaissance David Amiel

« Gabriel Attal est un atout très important pour faire reculer le RN, que ce soit dans la perspective des européennes ou pour les élections ultérieures », pense aussi David Amiel, député Renaissance de Paris, et ancien conseiller d’Emmanuel Macron à l’Elysée lors du premier quinquennat. « Tout ce second mandat du Président est placé sous le signe de faire reculer le RN, y compris par la nomination de Gabriel Attal, qui incarne une forme de volontarisme politique. C’est extrêmement important, car le RN se nourrit d’une forme d’impuissance des gouvernements. L’inaction est le meilleur cadeau à faire au RN », continue le vice-président du groupe Renaissance de l’Assemblée. C’est pourquoi Gabriel Attal « est une arme anti-RN. Ce n’est pas contre Jordan Bardella en tant que tel, qui bénéficie beaucoup de la popularité du RN », ajoute encore le député.

David Amiel voit un autre intérêt dans la nomination de ce fidèle du chef de l’Etat : « Gabriel Attal a un profil qui rassemble très largement l’espace central de la vie politique, aussi bien des personnes de la gauche, que des personnes qui viennent de la droite », avance le député. « On sait bien qu’un des risques, c’est la division de cet espace central, qui peut faire le bénéfice du RN. C’est important pour les européennes », ajoute celui qui a piloté le programme présidentiel d’Emmanuel Macron pour la campagne de 2022.

C’est aussi une question d’incarnation et de style, pour celui dont les premiers pas à Matignon font écho à Nicolas Sarkozy, et sa France « qui se lève tôt », quand l’ancien Président avait su prendre des voix à l’extrême droite lors de la campagne de 2007. « La force de Gabriel Attal, c’est qu’il sait parler aux gens. C’est une force énorme que d’autres ministres n’ont pas. La politique, c’est de la chair, de l’humain », souligne Patrick Vignal, qui espère que l’effet ne retombera pas :

 Il se passe quelque chose. Est-ce un soufflet et dans un mois, ça retombe ? Si c’est le cas, ça serait dramatique pour nous. Mais je ne crois pas. Je pense que le Président veut renverser la table. 

Patrick Vignal, député Renaissance de l'Hérault.

« Emmanuel Macron a choisi un premier ministre. Il n’a pas choisi une tête de liste aux européennes »

Le député de l’Hérault met cependant en garde sur un point : il ne faut se tromper sur le rôle et les attentes envers le nouveau premier ministre, en vue du scrutin de juin. « On a besoin d’un premier ministre en forme pour les européennes. Mais Gabriel Attal n’est pas candidat aux européennes. Je ne veux pas le mettre dans le circuit pour barrer la route à Jordan Bardella. […] Tout le monde dit qu’il sera le fer de lance pour la campagne. Mais il est premier ministre de la France, je le rappelle. Par contre, avoir un premier ministre comme Gabriel Attal, ça va nous aider, c’est un vrai politique, il va cogner fort. Mais c’est Stéphane Séjourné (secrétaire général de Renaissance et à la tête du groupe Renew au Parlement européen, ndlr) qui sera le chef de file », recadre Patrick Vignal.

« Emmanuel Macron a choisi un premier ministre. Il n’a pas choisi une tête de liste aux européennes. Ce n’est pas ça qui présage du choix du Président », confirme David Amiel, « quand on choisit un premier ministre, on ne le choisit pas pour mener une élection mais pour mener une action politique ». Et Stéphane Séjourné sera « bien sûr » le chef de file pour le scrutin, ajoute le député de Paris. Mais « une élection, c’est un tout. Il y aura une liste, une tête de liste qui sera en première ligne. Mais aussi un gouvernement », explique le vice-président du groupe Renaissance. Il faudra cependant voir si le rôle qu’on veut donner à Gabriel Attal pour les européennes ne risque pas de faire de l’ombre à Stéphane Séjourné. A moins que cela ne lui donne un coup de main. « Peut-être que cela va l’épauler », glisse un macroniste.

« Après avoir tenté de marcher sur nos plates-bandes sur la loi immigration, ils ont regardé s’ils n’avaient pas un mec populaire dans le casting », lance Sébastien Chenu

Qu’en pense-t-on au RN ? Et comment le parti d’extrême droite appréhende-t-il cette nouvelle donne, qui pourrait compliquer sa campagne ? Au parti, on assure que cela ne change rien. Indifférence feinte ? Toujours est-il qu’on n’entend pas montrer d’inquiétude, tout en donnant quelques bons points au nouveau premier ministre.

« Ça nous a donné à sourire. On s‘est dit qu’après s’être alignés et avoir tenté de marcher sur nos plates-bandes sur la loi immigration, ils ont regardé s’ils n’avaient pas un mec populaire dans le casting pour essayer de contrer Jordan Bardella », raille le vice-président du RN, Sébastien Chenu. Ce proche de Marine Le Pen continue : « Quand on voit comment ça leur a réussi, quand ils sont allés sur le fond, avec loi immigration… Maintenant qu’ils le font sur la forme, avec Gabriel Attal, ça ne devrait pas aller très loin cette affaire-là. Ça valide surtout qu’on est sur les bonnes séquences, la bonne personnalité, car ils essaient, comme tout le monde, de nous copier, avec un jeune candidat, dynamique, populaire ». Il ajoute : « A partir du moment où tout le monde finit par dire la même chose que nous, tout le monde finit par voter pour nous ».

« Après Elisabeth Borne, qui était entre Jean-Marc Ayrault et chat GPT, évidemment que Gabriel Attal, c’est plus agréable »

« C’est un garçon qui n’est pas dénué de talent », reconnaît cependant celui qui est aussi vice-président RN de l’Assemblée, « après Elisabeth Borne, qui était entre Jean-Marc Ayrault et chat GPT, évidemment que Gabriel Attal, c’est plus agréable, c’est plus fluide ». « Il y aura sans doute un peu plus de répondant aux questions d’actualité, qu’avec Elisabeth Borne. Ça me paraît être le point positif », ajoute de son côté Christopher Szczurek, sénateur RN du Pas-de-Calais. « On ne conteste ni le talent, ni les qualités humaines de la personne. Ce n’est vraiment pas le problème. Pour l’avoir vu plusieurs fois à l’œuvre à l’Assemblée et au Sénat, il paraît beaucoup moins autiste ou plutôt plus réceptif et plus à l’écoute qu’Elisabeth Borne », continue Christopher Szczurek, qui ajoute que « par définition, on n’a pas d’a priori. Mais on sait qu’on sera déçus. Après, on verra au fil de l’eau. On n’a jamais caché qu’on était moins sectaire que les autres. Quand de bonnes choses sont faites, on n’hésite pas à le dire et même à le voter »…

« C’est un ravalement de façade avec une politique qui ne changera pas »

Voilà pour le baiser de la mort. Mais si les élus RN peuvent, non pas se laisser séduire, mais montrer une certaine clémence, ils n’en ont pas moins la dent dure. « Gabriel Attal à Matignon, c’est un ravalement de façade avec une politique qui ne changera pas. Les Français attendent autre chose. Emmanuel Macron fait surtout de la com’ avec ce choix. Je ne vois pas en quoi ça pourrait gêner l’ascension du RN et de Jordan Bardella », soutient Gilles Pennelle, directeur général du Rassemblement National. « Il est populaire sur les annonces qu’il a faites, car ce sont des choses que réclame le RN », ajoute ce membre du bureau exécutif du RN, « mais c’est un bébé Macron, ça fera du Macron ». « Bien évidemment, quand il dit qu’il faut supprimer l’abaya dans les écoles, on ne va pas dire le contraire. On se satisfait qu’il reprenne nos propositions », affirme encore Gilles Pennelle, « mais je suis retombé sur une interview de lui où il dit qu’il n’y a aucun lien entre terrorisme et immigration ». Quant à son jeune âge, 34 ans, « ça crédibilise celui de Jordan Bardella », âgé de 28 ans, estime ce responsable du RN.

« La forme paraît neuve, mais le fond paraît vieux. Avec la politique très impopulaire qu’il va mener, ce poste va l’user très vite et le ringardiser », pense Christopher Szczurek. Le sénateur RN ajoute :

 Attention, les appels d’air frais, ça dure deux mois, surtout dans le contexte actuel. Il y a une petite Attal mania depuis quelques jours, qui ne va pas durer plus longtemps que ça. 

Christopher Szczurek, sénateur RN du Pas-de-Calais

« Il est malin, il saisit l’air du temps, il comprend ce qui peut faire le buzz »

Reste qu’avec son court passage à l’éducation, il a empiété sur le terrain du RN en interdisant l’abaya ou sur le port de l’uniforme. « Il a ouvert deux dossiers, l’abaya et le harcèlement, sans les refermer. On reste sur sa faim », rétorque Sébastien Chenu. Mais il l’admet, « c’était malin, c’était de la com’. Je pense qu’il est malin, qu’il saisit l’air du temps, qu’il comprend ce qui peut faire le buzz, ce vers quoi les journalistes vont enclencher comme des moutons. Mais à la fin, ça ne résout rien ».

Sébastien Chenu préfère « rappeler que la fameuse arme anti-RN, qu’ils avaient dégainée, c’était Darmanin. On a vu ce que ça a donné. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’arme s’est enrayée… » Le député RN du Nord ajoute que « ce n’est pas chez nous que Gabriel Attal prendra des voix. Sur le fond, c’est plutôt Raphaël Glucksmann (qui pourrait à nouveau mener la liste PS-Place publique, ndlr) qui aurait un peu de soucis à se faire ».

« On sent au RN une fébrilité »

Du côté du camp présidentiel, on « conteste l’idée qu’interdire l’abaya serait chasser sur les terres du RN. C’est l’intoxication du RN pour faire croire que la laïcité vient d’eux. Il ne faut pas tomber dans ce piège-là », met en garde David Amiel. Le député macroniste préfère expliquer que « l’action de Gabriel Attal incarne le dépassement. Y compris à l’éducation nationale ». Le député Renaissance soutient qu’« on sent au RN une fébrilité, plus grande qu’il n’en a l’air. On le voit à nouveau avec la nomination de Gabriel Attal. Ils sont mal à l’aise avec le volontarisme affiché par le Président », « ils sont plutôt effrayés face à un gouvernement qui prend l’initiative ». Qui a réellement le plus peur de l’autre, ou raison d’avoir peur ? Réponse au mois de juin.

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