Alors qu’une vidéo d’un enfant tondu dans un foyer de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), révélée par franceinfo, agite le débat public depuis quelques jours, l’Assemblée nationale a voté en faveur d’une proposition de loi visant à rendre obligatoire la présence d’un avocat pour chaque enfant sous mesure d’assistance éducative. Porté par la députée Ayda Hadizadeh (PS), le texte a été adopté par le palais Bourbon en première lecture, par 269 voix pour et aucune contre. Le texte ne fait que démarrer son parcours législatif.
Un premier pas pour les militants des droits de l’enfant
Si l’initiative socialiste arrive au terme de la navette parlementaire, chaque mineur placé en famille d’accueil ou en foyer, ou suivi dans sa famille par des services sociaux, aura le droit à un avocat, et ce, dès la décision judiciaire, dans l’objectif de préparer les entretiens et les audiences. Soit quelque 380 000 jeunes concernés, généralement non accompagnés. Jusqu’à présent, un juge peut solliciter la désignation d’un avocat « lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige », et lorsque celui-ci est « capable de discernement ». Cette nouvelle assistance serait totalement gratuite pour le mineur, et prise en charge par l’aide juridictionnelle, sans conditions de ressources. La mesure ambitionne aussi de pallier les défaillances de l’ASE, régulièrement dénoncées, et tristement mis en lumière par le décès de douze enfants placés depuis juillet 2024, a rappelé Ayda Hadizadeh.
Adoptée à la majorité en commission la semaine dernière, la proposition de loi bénéficie aussi de l’aval du garde des Sceaux, Gérald Darmanin. Du côté du ministère de la Santé, Stéphanie Rist a quant à elle émis quelques réserves, faisant part de son souhait d’en passer par une expérimentation dans un premier temps, expliquant craindre une « déstabilisation » du financement des juridictions. Une prudence qui n’a toutefois pas fait barrage au texte.
« Nous fonctionnons par petits pas, condamnant des milliers d’enfants »
Cap sur le palais du Luxembourg, où le texte doit désormais être inscrit à l’ordre du jour. En avril dernier, une proposition de loi similaire avait été déposée par le sénateur Xavier Iacovelli (Renaissance). Une idée qu’il avait déjà émise dans son rapport sur les familles monoparentales remis à l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, en 2024. « Je suis satisfait de cette adoption, c’est une avancée importante pour la protection des enfants », salue l’élu des Hauts-de-Seine, « je souhaite désormais que nous puissions l’inscrire sur une niche, soit transpartisane, soit sur un temps gouvernemental. C’est tout l’enjeu des négociations que je souhaite mener dans les prochains jours ». Militant depuis plusieurs années pour « que la prise en compte de la parole soit effective dans notre pays et que la France respecte ses engagements de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant », l’engagement de Xavier Iacovelli remonte à l’hiver 2018, « où, dans le cadre du Plan Grand Froid, j’avais découvert, dans les gymnases réquisitionnés, des gamins de 18 ans à la rue, car mis à la porte de l’ASE le jour de leur anniversaire », se remémore-t-il. « J’ai commencé à m’intéresser à cette question, pour comprendre cette politique publique que je ne connaissais ni de près, ni de loin. Et la découverte fut brutale et émotionnellement violente tant les dysfonctionnements étaient nombreux ». Depuis, il y consacre son mandat.
Mais le combat est encore loin d’être gagné : « J’ai vu beaucoup de réticences, beaucoup de conservatisme. Même lorsque j’ai proposé de créer une délégation des droits de l’enfant au Sénat, on m’a rétorqué que la délégation aux droits de femmes pouvait très bien s’en occuper, montrant clairement la vision archaïque des droits de l’enfant », s’agace le vice-président de la Chambre haute. « Nous sommes capables d’avoir une délégation aux entreprises, des groupes sur la truffe ou sur le cheval, mais on refuse de créer un vrai travail de fond sur l’enfance », une irritation qu’il partageait déjà à Public Sénat en 2021.
« Nous avons un vrai enjeu de société car nous sommes incapables de protéger correctement 400 000 enfants qui sont sous notre protection, où la maltraitance institutionnelle s’est installée dans tous les territoires, faute de volonté politique de respecter des lois votées », déplore Xavier Iacovelli, qui appelle à redoubler d’efforts : « Je crois que la gestion de la protection de l’enfance est certainement un des plus gros scandales financiers et sociaux de notre pays. Alors que nous avons besoin d’une vraie révolution sur la gouvernance et le fonctionnement de la protection de l’enfance, nous fonctionnons par petits pas, condamnant des milliers d’enfants ».