A quelques jours du début du déconfinement, c’est en Ile-de-France que l’opération s’annonce la plus périlleuse. Si la situation s’améliore, la région reste l’épicentre de l’épidémie dans le pays, avec encore plus de 10.000 personnes hospitalisées. Au total, 6.285 personnes sont mortes en Ile-de-France, rien que pour les décès en hôpital, dont 1542 à Paris. Le déconfinement se fera donc de façon progressive, pour éviter que le virus ne recircule trop.
Auditionnée ce mercredi par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a fait le point, à 5 jours du 11 mai. Le plus gros défi sont les transports, dans une région où en temps normal, « 5 millions de voyageurs transitent tous les jours », a rappelé le président de la commission, le centriste Hervé Maurey. Ils ne devraient être qu’entre 1,5 million et 2 millions la semaine prochaine.
Retour à 100% du trafic à la RATP d’ici « fin mai »
Alors que la fréquentation n’est que de « 6-7 % » aujourd’hui dans les transports franciliens, les métros et RER vont reprendre, mais pas dans des conditions normales. A la RATP, il y aura environ 70% du trafic. Mais « d’ici fin mai, la RATP et la SNCF nous disent qu’ils pourraient revenir à 100% » selon la présidente de région.
Pour minimiser la présence du virus, les rames et les gares seront nettoyées deux fois par jour. Un gros effort sera fait aussi sur les bus.
Contrôles pour filtrer l’entrée des gares et recours à des sociétés de sécurité privée
La distanciation sociale sera mise en place, mais elle ne sera pas totale, comme l’a souligné ce matin devant le Sénat la PDG de la RATP (voir notre article). D’où des contrôles à l’entrée des gares et stations pour « filtrer ». Mais Valérie Pécresse demande « des renforts » de forces de l’ordre, espérant au total 5.000 personnes. Pour compléter les effectifs policiers, « les opérateurs vont avoir recours à des sociétés de sécurité privées » affirme l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. Au final, les effectifs « pourraient être un peu plus faibles que ces 5.000 personnes » espérées.
Charte des transports signée : maintien du télétravail
Autre solution pour alléger les transports : prolonger le recours au télétravail. La région vient ainsi de signer, ce mercredi après-midi, une « convention Etat-région » avec également « Ile-de-France Mobilités, les collectivités, les employeurs, le Medef, les partenaires sociaux, la CFDT et la CFTC, sur le maintien du télétravail », d’abord à 100% la semaine prochaine, puis 90% la semaine suivante et à 80% du 25 mai au 2 juin. Une charte qui vaut uniquement pour les postes où le télétravail est possible.
Autre « engagement » de cet accord : « Lisser massivement les heures de pointe », en étalant l’arrivée au travail le matin et les départs, dès 15h30.
Attestation employeur obligatoire pour prendre les transports
Les Franciliens devront aussi toujours présenter « une attestation employeur, qui dit à quelle heure le salarié est attendu dans l’entreprise ». Il pourra être « contrôlé à l’entrée de la gare et des stations ». C’est « un processus contraignant », précise la présidente du parti « Libres ! ».
« Ne pas utiliser les transports en commun pour aller faire ses courses »
Pourra-t-on alors prendre les transports pour par exemple faire des courses ? La présidente de la région mise sur « une forme d’autodiscipline du voyageur. Il faut donner la priorité à ceux qui vont travailler ». Et d’ajouter : « Je demande à tous les Franciliens de ne pas utiliser les transports en commun pour aller faire leurs courses ».
Mais des « élèves qui passent un examen » ou les personnes qui vont voir le médecin pourront prendre les transports. Il ne s’agit pas d’interdire. Il « faudra faire preuve de souplesse, de compréhension et de bon sens, et de ne pas empêcher les gens qui doivent se déplacer ». Du cas par cas qui risque de compliquer le travail des forces de l’ordre comme les déplacements des usagers.
Des masques distribués lundi dans 220 gares
On se souvient de ces images, sur lesquelles la région a communiqué : un avion plein à craquer de cartons de masques, commandés par l’Ile-de-France. « La région a acheté 30 millions de masques. Nous en avons distribués 18 millions » lance l’ancienne des LR. D’abord aux personnels soignants, puis les mairies, les départements, les agents de transports, y compris les taxis et VTC.
« Nous sommes arrivés au moment où nous équipons les usagers des transports, à titre provisoire et pour amorcer la pompe » dit-elle. Ils seront distribués lundi et mardi dans 220 gares pour aider ceux qui n’ont pas de masque, alors que son port sera obligatoire dans les transports. 2 millions de masques en tissu, lavables 30 fois, seront aussi distribués. « Le gouvernement a accepté une verbalisation assez sévère à 135 euros du non port » souligne Valérie Pécresse. Distribution également de gel hydroalcoolique, dans 300 points de ventes dans les stations.
Pécresse mise sur « un plan de centaines de kilomètres de pistes cyclables supplémentaires »
Le déconfinement sera peut-être le bon moment pour se mettre à la bicyclette. Valérie Pécresse mise sur le déconfinement, l’impossibilité pour tous de reprendre les transports et « le printemps », pour développer le vélo. Elle a mis en place « un plan de centaines de kilomètres de pistes cyclables supplémentaires ». « Cette offre vélo va être considérablement renforcée » assure l’ancienne ministre. « En cette période, on a fait le choix, vraiment, du vélo », insiste-t-elle.
La région va financer « à 60% le RER vélo, un programme de pénétrante dans Paris, qui double tous les grands axes du RER. C’est un dispositif sur le long terme pour encourager le vélo longue distance, notamment électrique ». La prime d’achat de 500 euros pour un vélo électrique va d’ailleurs continuer.
Elle entend aussi « travailler sur les coupures urbaines » comme « les portes de Paris », les « franchissements de villes ». D’autant que les initiatives se multiplient. Dans le Val-de-Marne, le président PCF du département, et ancien sénateur, Christian Favier, y va aussi de son plan vélo. Et à Paris, Anne Hidalgo veut en bonne partie réserver la rue de Rivoli aux vélos. Ses relations sont-elles d’ailleurs bonnes avec la maire socialiste de la capitale ? « Les relations avec la ville de Paris sont franches et cordiales » dit Valérie Pécresse. « Nous travaillons sur ce plan vélo, avec vraiment l’ambition de développer l’offre de vélo, et aussi l’obligation d’éviter les égoïsmes de territoires. Il faut une cohésion au plan régional »…
Mais point important : pour la présidente de région, il s’agit de « plusieurs centaines de pistes cyclables provisoires ». Un bilan du plan vélo de la région sera fait à la fin du déconfinement. Elle « souhaite que ce soit réversible », si des choix ne s’avèrent pas concluants. Elle n’oublie pas la voiture, notamment pour ceux qui viennent de loin et n’ont pas d’autres moyens de transport.
Embouteillages : « Le degré de congestion de l’Ile-de-France va sans doute être renforcé »
Mais si pour l’élue de droite, la voiture a encore toute sa place, Valérie Pécresse a néanmoins « une préoccupation » avec le déconfinement : « Que l’Ile-de-France ne se transforme pas en embouteillage géant ». Car « le degré de congestion de l’Ile-de-France va sans doute être renforcé de fait de la défiance qu’auront les habitants pour les transports en commun », selon Valérie Pécresse. Le monde d’après pourrait encore ressembler au monde d’avant… parfois en pire.