Gaz russe, relance du nucléaire, EDF : revivez l’audition d’Agnès Pannier-Runacher au Sénat

Gaz russe, relance du nucléaire, EDF : revivez l’audition d’Agnès Pannier-Runacher au Sénat

La ministre de la Transition énergétique était auditionnée ce mercredi par la commission des Affaires économiques. L’occasion pour Agnès Pannier-Runnacher de revenir sur les nombreux points chauds de la politique énergétique, et notamment l’approvisionnement en énergie pour l’hiver prochain, la relance du nucléaire français, ou encore la nationalisation d’EDF et la réforme de l’Arenh.
Louis Mollier-Sabet

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Avec une augmentation des prix de l’énergie qui constitue 60 % de l’inflation depuis le début de l’année – « en dépit du blocage des prix » du gaz et de l’électricité, a bien précisé Agnès Pannier-Runacher – la question de la transition énergétique est au cœur de tant de la crise sociale provoquée par l’inflation, que de la crise géopolitique provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. « Notre responsabilité est de nous préparer au scénario du pire et à une interruption totale des livraisons de gaz russe », a ainsi réaffirmé la ministre de la Transition énergétique, alors que l’incertitude sur les exportations énergétiques russes fait craindre des coupures d’électricité cet hiver. Pour sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays, le gouvernement mise non seulement sur le remplacement du gaz russe par d’autres sources de d’énergie, mais aussi par des efforts de « sobriété », c’est-à-dire de réduction de la consommation globale pour arriver à se passer du gaz qui serait coupé par Vladimir Poutine.

Agnès Pannier-Runacher met en avant deux mesures à cet égard, « qui n’épuisent pas le sujet. » D’abord, l’interdiction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin, et ensuite l’interdiction pour les magasins de climatiser leurs locaux avec la porte ouverte. « C’est du bon sens de mettre fin à ces aberrations », a précisé la ministre de la Transition énergétique, tout en rassurant les sénateurs sur les pertes économiques que cela pourrait représenter : « Le tout c’est que tout le monde joue le jeu. Si dans toute une rue commerçante, les portes sont fermées, le consommateur poussera la porte. » Mais au-delà de ces mesures d’urgence, les débats ont surtout tourné autour des enjeux de long terme pour les politiques énergétiques, comme la relance du parc nucléaire français, sujet cher au Sénat, qui, en dehors du groupe écologiste, a plaidé pour un retour en force du nucléaire avec 14 EPR au minimum, ou la reprise du 100 % du capital d’EDF par l’Etat.

« Nous avons besoin d’un débat politique sur l’avenir d’EDF »

Le serpent de mer de la transition énergétique française, c’est le sort de « l’opérateur historique », EDF, et la régulation du marché de l’électricité qui en découle. Or, la « nationalisation » d’EDF, annoncée par Élisabeth Borne dans son discours de politique générale avait laissé les sénateurs avec plus de questions que de réponses, et une certaine frustration de ne pas pouvoir débattre de l’avenir d’EDF au Parlement. Agnès Pannier-Runacher a pu aujourd’hui préciser les intentions du gouvernement avec cette reprise des 16 % restants du capital d’EDF, en essayant de convaincre les sénateurs qu’une loi n’était pas nécessaire : « L’opération de montée à 100 % du capital est une opération stratégique. Nous passons de 84 % à 100 %, c’est pour ça qu’il ne faut pas de loi. […] Vous avez la trace de cette rectification, une grosse trace de 10 milliards d’euros, dans le PLFR, c’est aussi un angle pour en parler. » Un argumentaire qui a été loin de convaincre le sénateur communiste Fabien Gay : « L’OPA lancée sur les marchés nous invite à ne pas avoir de débat au Parlement. Nous avons besoin, au minimum, d’un débat politique sur l’avenir d’EDF. Je trouve ça dommage. »

Derrière la nationalisation d’EDF, la véritable question qui se pose, c’est celle de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), un dispositif mis en place en 2010 pour permettre l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en France. Le but était de forcer EDF à vendre une partie de son électricité nucléaire produite en grande quantité et à bas coût à ses concurrents, les fournisseurs dits « alternatifs », pour en quelque sorte rééquilibrer le marché. Face à l’explosion des coûts de l’électricité, le gouvernement a augmenté de 20 TWh la quantité d’électricité vendue à bas coût par EDF par ce mécanisme, « sans quoi l’électricité aurait été renchérie de 40 % pour 150 entreprises, avec 45 000 emplois en jeu », a précisé Agnès Pannier-Runacher.

La ministre de la Transition écologique a évoqué la possibilité de mettre en place « un plafond mobile en fonction de la réalité de la production d’électricité nucléaire », ce qui veut dire que l’exécutif ajusterait la quantité d’électricité vendue à bas coût par EDF à ses concurrents selon la production effective d’électricité nucléaire produite en France. En 2024 et 2025, cela donnerait un plafond à 135 TWh, pour 120 TWh aujourd’hui en prenant en compte les 20 TWh supplémentaires. « Un compromis raisonnable » pour Agnès Pannier-Runacher, qui admet tout de même que « le pari qui a été fait d’ouvrir le marché en se disant ‘il y aura des nouveaux acteurs qui feront des propositions alternatives [d’investissement]’ » a été peu concluant. « Cela ne s’est pas passé comme cela, c’est un retour d’expérience à faire à la Commission européenne. »

Relance du nucléaire français : « Oui c’est faisable, mais il y a des conditions de succès, sur les compétences notamment »

Cette nationalisation d’EDF est censée permettre à l’Etat de relancer le parc nucléaire en construisant 6 nouveaux EPR, et 8 supplémentaires dans le meilleur des cas. Sur ce point, Agnès Pannier-Runacher n’a pas été en état de donner plus de précisions aux sénateurs : « Le plan de financement est à un stade très préliminaire des travaux. La renationalisation permet d’avoir une souplesse, de rechercher un financement public / privé, qui sera solide dans la durée. » La ministre de la Transition écologique a en revanche pu préciser que les consultations citoyennes sur l’implantation des deux premiers EPR à Penly (76) démarreraient début octobre. Face aux questions des sénateurs sur les procédures d’implantation des nouveaux réacteurs nucléaires, et notamment de Jean-Jacques Michau, qui proposait « un grand appel à projet national pour permettre aux collectivités volontaires de faire valoir leurs candidatures pour les EPR ou les SMR », Agnès Pannier-Runacher a annoncé une « simplification des procédures » sur le nucléaire. « Nous avons besoin d’un véhicule législatif assez restreint, une petite dizaine de mesures pour faciliter et ne pas ralentir les projets. C’est une action des prochains mois », a-t-elle précisé. La ministre de la Transition énergétique a par ailleurs tenu à rappeler aux sénateurs, que « Le nucléaire, même en étant très efficace, ce sont des énergies qui produiront en 2037 » et les a « invités » à penser à ce que nous ferons entre 2022 et 2037.

Avec 30 réacteurs à l’arrêt sur 56, dont 12 pour des problèmes de corrosion sous contrainte décelés par l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN), la question de la faisabilité de cette relance du parc nucléaire français est difficile à éviter. « Oui c’est faisable, mais il y a des conditions de succès, sur les compétences notamment », répond la ministre de la Transition énergétique. « C’est un sujet qui fait partie des priorités majeures de la future équipe dirigeante d’EDF, avec une priorité absolue un projet industriel et d’excellence opérationnelle », précise-t-elle. Agnès Pannier-Runacher a d’ailleurs lourdement insisté, au cours de l’audition, sur l’enjeu que représente la formation pour le succès de cette relance du nucléaire français : « C’est un point absolument crucial, c’est quasiment le challenge le plus important. Il faut 10 % de nos capacités de formation d’ingénieurs en France pour le nouveau nucléaire, à un moment où le nucléaire n’a pas aussi bonne presse auprès des jeunes que dans cette salle. » D’après elle, « il y a un vrai travail d’explication » à mener, pour expliquer que « cette technologie est au cœur de la transition énergétique, et pourquoi c’est extraordinairement moderne et passionnant de s’engager dans ces carrières », tout en rappelant que malgré les difficultés, « la France a toujours un avantage compétitif en la matière. » Autant de sujets qui animeront les débats parlementaires du début de la législature, avec la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui fixe les grandes orientations de politique énergétique pour la période 2024-2033, et qui pourrait être examinée au deuxième semestre 2023.

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