Gel du point d’indice : les syndicats déçus et insatisfaits

Gel du point d’indice : les syndicats déçus et insatisfaits

Invité ce matin sur Public Sénat, Olivier Dussopt, secrétaire d’État à la fonction publique, a confirmé qu’il n’y aurait ni décorrélation de la valeur du point d’indice, ni dégel de celle-ci. Un non-revalorisation qui ne plaît pas aux fonctionnaires, alors que s’est ouverte aujourd’hui au Sénat l’étude de la réforme de la fonction publique.
Public Sénat

Par Ariel Guez

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« Une très mauvaise nouvelle pour les agents publics. C’est une erreur de la part du gouvernement », résume Luc Farré, Secrétaire général de l’UNSA Fonction publique, à propos des annonces d’Olivier Dussopt faites ce matin sur notre antenne. Le secrétaire d’État à la fonction publique a confirmé qu’il n’y aurait pas de dégel de la valeur du point d’indice.

 

Un point d’indice qui n’a pas réellement augmenté depuis neuf ans

Le point d’indice est un indicatif central dans le calcul de la rémunération d’un fonctionnaire. Pour faire varier leur salaire brut, l’état peut augmenter le point d’indice. C’est ce qui était fait, de manière régulière, pour que les salaires augmentent au rythme de l'inflation.

Ce que dénoncent de nombreux fonctionnaires, c’est la durée du gel de la valeur du point d’indice : cela fait maintenant neuf ans qu’elle n’a pas évolué nettement. Outre un changement d’échelon, une promotion ou un changement de poste, les agents n’ont donc pas vu leur salaire augmenter durant cette période.

« Une très mauvaise nouvelle pour les agents publics. C’est une erreur de la part du gouvernement », résume Luc Farré (UNSA)
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Parallèlement à cette stagnation, de nombreux fonctionnaires dénoncent l’augmentation des charges et du coût de la vie, à l’image de « Monsieur Le Prof », professeur d’anglais en lycée parisien et très actif sur les réseaux sociaux : « Il [Jean-Michel Blanquer] pourrait peut-être dégeler le point d'indice, qui fait qu'à chaque rentrée, nos charges augmentent et le salaire net diminue ? »

Olivier Dussopt justifiait sur notre antenne ce gel par un « coût collectif » trop fort : « Quand on augmente le point d’indice de 1 %, cela coûte deux milliards d’euros dépense publique et c’est 14 euros d’augmentation pour un agent de la fonction publique qui gagne moins de deux mille euros. C’est toujours bon à prendre, mais c’est peu par rapport au coût collectif ».

Le secrétaire d’État préfère axer la revalorisation du pouvoir d’achat des agents de l’État par la mise en place de primes et la défiscalisation des heures supplémentaires. Sur cette dernière mesure, la CFDT Fonctions publiques, par la voix de sa secrétaire générale Mylène Jacquot, alerte : « Nous n’y sommes pas favorables. On ne nous parle jamais du coût social de cette mesure. Ce sont des financements solidaires qui sont perdus ! »

L’UNSA n’est pas défavorable quant à elle à la mise en place de primes. « Ce qui nous intéresse, c’est qu’il y ait des revalorisations concrètes pour tous les agents de la fonction publique. Si cela doit passer par des primes nouvelles et des revalorisations, nous les étudierons avec un regard plutôt favorable », explique Luc Farré, tout en prévenant l’exécutif : « Il faut que le gouvernement comprenne l’ampleur de la demande des agents de la fonction publique ! »

Le Sénat peut-il changer les choses ?

Aujourd’hui s’est ouverte dans l’hémicycle l’étude du projet de loi sur la fonction publique. Les débats tourneront autour de la fonction publique territoriale ou des conflits d’intérêts entre le public et le privé, mais aussi autour du point d’indice.

La commission des lois a voté et inscrit dans le texte étudié dans l’hémicycle un amendement visant à obliger le gouvernement à présenter en Conseil supérieur de la fonction publique territoriale « une feuille de route triennale sur les orientations en matière de rémunération des agents publics, de déroulement de carrière, de formation et de mobilité ».

Concrètement, la modification du point d’indice pourrait ne plus être décidée lors du vote du budget chaque année, mais étudiée tous les trimestres, en fonction de la feuille de route du gouvernement. L’exécutif, opposé à cette idée, tentera via un amendement de la supprimer. Les sénateurs débattront de cette mesure tard dans la soirée aujourd’hui ou mercredi après-midi.

Mais il n’est que peu probable, en raison de sa majorité de droite, que le Sénat aille en faveur d’une revalorisation pérenne du salaire des fonctionnaires. Il y a deux ans, la chambre haute s’était d’ailleurs illustrée en instaurant trois jours de carence pour les agents de la fonction publique.

Un maintien de l’unicité de la fonction publique salué par les syndicats, mais tout de même dans le viseur du gouvernement

Olivier Dussopt a aussi déclaré ce matin qu’il n’y aurait pas de décorrélation du point d’indice. « Le président de la République avait ouvert le débat lors du Congrès des maires de novembre 2017. Nous avons interrogé les associations d’élus et aucune ne le souhaite et donc nous tiendrons compte de cet avis-là. »

Concrètement, cela aurait rompu l’unicité du point d’indice des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière). Un pas en arrière fait par l’exécutif qui a été salué par la CFDT et l’UNSA. « Dès le début, la CFDT s’y est opposée. […] Cette confirmation qu’il n’y aurait pas de décorrélation est une bonne nouvelle », explique Mylène Jacquot.

Mais sur l’unicité, le Sénat va aussi devoir jouer contre le gouvernement. Un amendement, qui a été déposé par l’exécutif, vise à supprimer l’article 6 bis, qui oblige « à généraliser aux trois versants de la fonction publique la garantie selon laquelle un emploi public ne peut être réservé à un contractuel ». Une disposition qui n’est pour l’instant réservée qu’à la fonction publique territoriale.

« Cette confirmation qu’il n’y aurait pas de décorrélation est une bonne nouvelle », explique Mylène Jacquot (CFDT)
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Une chose est sûre, les fonctionnaires, mobilisés d’un côté par les urgentistes et de l’autre par les professeurs, ne se satisferont pas des annonces d’Olivier Dussopt, qui interviennent deux semaines avant le « Rendez-vous salarial 2019 » du 2 juillet. Les syndicats non plus. « Il y a des lieux de dialogue social », rappelle Mylène Jacquot. « Quand le gouvernement a des annonces à faire qui concerne les agents, il est préférable de les annoncer à leurs représentants avant de les annoncer sur la place publique »

Nombreux d’ailleurs sont les agents qui plaident pour une augmentation nette de leur salaire, en plus du dégel de la valeur du point d’indice. En attendant le « Rendez-vous salarial » du 2 juillet, neuf syndicats (dont l’UNSA et la CFDT) appellent à se mobiliser le 27 juin « pour l'avenir de la fonction publique et de ses agent-es », devant les ministères des Finances et de l'Action et des comptes publics. Un rassemblement qui aura lieu le même jour que la fin de l’étude de la réforme de la fonction publique au palais du Luxembourg.

 

 

 

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