On savait que le compteur des dépenses tournait à plein régime, conformément à la règle du « quoi qu’il en coûte » énoncée par Emmanuel Macron. Mais on a désormais un premier chiffrage pour les comptes de la sécurité sociale et il est historique. « 41 milliards d’euros de déficit » à l’heure actuelle a annoncé Gérald Darmanin, auditionné par la Commission des affaires sociales du Sénat. « Du jamais vu (…), des chiffres qui donnent le tournis » concède le ministre en charge des Comptes publics, rappelant que le précédent record de 2010 atteignait 28 milliards d’euros. Et encore ce chiffre ne concerne que la sécurité sociale, alors que Gérald Darmanin a évoqué d’autres dépenses qui explosent.
Une explosion des dépenses, une baisse des recettes
Côté sécurité sociale, il a évoqué une progression de l’ONDAM (objectif national de dépenses de l’assurance maladie) qui passe de 2,4% à environ 6,5%. Soit 8 milliards d’euros supplémentaires alors même que des économies sont faites grâce à la diminution des consultations des Français hors Covid-19. Concrètement, Santé publique France, qui dispose normalement d’un budget de 150 millions d’euros est devenu le bras financier de l’État avec 4 milliards d’euros engagés. 3 milliards d’euros supplémentaires ont été débloqués pour les hôpitaux. Et 1 milliard d’euros pour les indemnités journalières versées pour garde d’enfant.
Côté recettes, là aussi la chute est vertigineuse. Alors que les comptes de l’assurance maladie devaient normalement encaisser 38 milliards d’euros en mars-avril, seuls 24 milliards ont été récupérés. Le plafond d'endettement de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), normalement fixé à 39 milliards d’euros a été relevé à 70 milliards d'euros fin mars afin d'éviter tout problème de trésorerie.
L’UNEDIC frôle les 50 milliards de dette
Pas vraiment optimiste, Gérald Darmanin a estimé que ce déficit de la sécurité sociale se basait sur des hypothèses favorables d’une contraction économique de seulement 8%. Mais que l’addition serait plus corsée si la croissance dégringolait encore. Hors sécurité sociale, le ministre de l’Action et des Comptes publics a évoqué des dépenses supplémentaires pour l’UNEDIC de l’ordre de 10 milliards d’euros, l’organisme finançant un tiers du dispositif de chômage partiel. Ce qui portera sa dette à presque 50 milliards d’euros.
Alors que les sénateurs réclament un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) à l’été, Gérald Darmanin est resté évasif, « les chiffres évoluant rapidement ». Il semble privilégier un PLFSS classique mais très dense à l’autonome, comme chaque année.
Pas de hausse ou de création d’impôts envisagée
Énormément de questions de sénateurs ont porté sur l’après confinement, et le ministre est là aussi resté discret. « Il y aura une relance. On gère l’urgence, puis le déconfinement, puis viendra la relance » a-t-il listé, dans l’ordre des priorités. « Une relance de quel type ? » s’est-il interrogé. « Keynésienne par la relance de la demande ou bien par l’offre ? Il n’est pas interdit de croire en l’entreprise, en la croissance, et donc de continuer à diminuer les impôts » a-t-il avancé. « Je ne sais pas encore la nature de la relance mais elle se posera très vite » a-t-il finalement concédé. Une chose est sûre selon lui, « ce n’est pas en surfiscalisant les Français ou les entreprises qu’on relancera la croissance » a-t-il répondu à une question sur le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Tout en laissant ouvert les discussions sur l’après crise qui ne manqueront pas d’arriver.